Dossier

Television Rules The Nation #25

par Nico P, le 22 octobre 2024

Chaque numéro de Television Rules The Nation, ce sont quatre suggestions, qu'il s'agisse de films, de séries ou de documentaires. Et à chaque fois, un lien avec la musique, mais pas forcément avec l'actualité, le dossier se voulant d'abord être alimenté par la seule envie de partager des contenus de qualité.

Kneecap

Il y a, dès les premières minutes, cette scène qui marque les esprits : Michael Fassbender, dans une clairière, baptisant son fils, avant qu’un hélicoptère ne fasse son apparition dans le ciel, et que le père contestataire, bébé sous le bras, ne brandisse un majeur hargneux vers les force de l’ordre. Puis, quelques instants plus tard, quelques notes, de basse, puis une voix racoleuse, vulgaire, méchante et triste à la fois, ou plutôt, totalement désabusée. Tout Kneecap est là : rejet, violence, et rap crade.

C’est l’histoire d’un destin, d’une association qui n’aurait pas dû être, qui amène un professeur de Belfast a rencontrer un groupe de hip hop pas comme les autres. Rappant dans leur irlandais natal, ils mènent un mouvement pour sauver leur langue maternelle et s'opposer à l'occupation britannique. Kneecap, le film, raconte cela, mais Kneecap, le duo, le chante. Car ici, tout est vrai (le groupe existe vraiment), et tout est faux. C’est du cinéma, dès lors, inutile de chercher la moindre réponse sur grand écran, car elle se cache peut-être bien dans les textes : qui sont ses deux loubards ? Que veulent-ils ?

Avec leurs textes en anglais et en irlandais, qui mêlent humour (souvent sous la ceinture, rarement très loin de la bite), dérision (partout, tout le temps), sarcasmes et slogans pour une vie meilleure, les jeunes rappeurs de Kneecap n’ont pas manqué dès leurs débuts de faire du bruit, beaucoup de bruit, allant jusqu’à donner le tournis à la grande ville de Londres, ses politiques, ses élites, qui ne voyaient pas d’un bon œil (on se doute que c’est toujours le cas) l’ascension fulgurante de branleurs remettant en cause l’Union d’un Royaume. (Nico Prat)

Heavier Trip

Turo et ses potes vivent dans un coin paumé de la Finlande, où le renne est roi (et finit souvent dans votre assiette). A la tête d'un groupe de heavy metal, il va tenter de surmonter ses peurs en menant sa bande au plus grand festival métal de la Norvège. Devant eux se dressent une odyssée remplie de heavy métal, de Vikings et d'un conflit armé entre la Finlande et la Norvège.

Cela se passe en 2018, dans Heavy Trip, premier volet des aventures de nos grands dadets ahuris, et réalisé par Jukka Vidgren et Juuso Laatio (film d’ailleurs dispo sur Prime Video). En 2024, nos métalleux débutent (attention, spoiler) leurs nouvelles aventures en prison, et là encore, rien ne se passera comme prévu, entre une évasion sans queue ni tête, une place sur l’affiche d’un festival à négocier, et surtout, des refrains pour les stades (qu’ils ne remplissent pas encore) à composer. Heavier Trip, c’est donc Heavy Trip, mais… Plus, toujours plus.

C’est la grande force de Heavier Trip d’ailleurs, de ne rien garder pour lui, de livrer chaque vanne, chaque riff, comme si sa vie en dépendait, comme si le film était seul maître à bord, comme si chaque acteur n’avait qu’une seule consigne, l’improvisation la plus totale. Heavier Trip, c’est du mauvais goût, trop de cheveux, des plages de guitare sans fin. C’est le heavy metal dans tout ce qu’il de plus cliché, certes, mais aussi de plus touchant, de plus réjouissant. (Nico Prat)

The Beach Boys

Le titre est simple, clair. Juste un nom de groupe, et avec lui, tout ce qu’il faut se souvenir, d’images marquantes, parfois fantasmées, souvent usées. Les réalisateurs Frank Marshall (Alive, Congo) et Thom Zimny (spécialiste du clip et du concert filmé) retracent la carrière fascinante de la bande de Brian Wilson.

On connaît l’histoire, certes, tout du moins les grandes lignes. Pourtant, saluons ici l’admirable travail effectué sur les archives, la mise en images. Très très classique sur le papier (l’aventure est racontée dans l’ordre chronologique, et encore une fois, ne guettez pas le moindre scoop), la forme est elle d’une classe folle, offrant (et c’est là chose peu aisée) un récit clair mais sans voix off, reposant uniquement sur l’image.

Aussi, et ce n’est pas rien de le dire, le documentaire met en avant la création, la musique, les refrains, de leur naissance à leur enregistrement, mettant certes au premier plan le génie de Brian Wilson, mais n’omettant rien du travail de groupe. Là encore, il serait facile de prendre cette vérité pour acquise, mais bon nombre de films ont par le passé été davantage intéressés par la folie de son leader, la démence, la concurrence des Beatles… Les visions et la désillusion, la plage et les planches de surf, plus que la musique, pour résumer. Ce n’est pas le cas ici. Tant mieux. (Nico P.)

La musique de 007

Comment les musiques des films de James Bond ont-elles contribué à l’identité de la franchise ? Une bonne chanson peut-elle sauver un film, ou tout du moins le souvenir que nous en avons ? Pouvons-nous tout pardonner à Madonna, Garbage et Sam Smith ? Avec des interviews de compositeurs, des analyses de thèmes emblématiques, et des anecdotes sur la création des bande-sons, La musique de 007 (sur Amazon Prime) ne répond pas totalement à ces questions, mais offre tout de même quelques pistes.

Au programme donc : "Goldfinger", "Skyfall", ou "Live and Let Die" pour réveiller les souvenirs, des entretiens avec les compositeurs John Barry, David Arnold ou encore Hans Zimmer (qui décidément passe trop de temps hors des studios pour réellement mériter tous les crédits qui lui sont attribués, mais disons que son armada de stagiaires reste un secret de polichinelle), et surtout, un documentaire bien foutu, bien pensé, incomplet nécessairement, mais qui a le mérite de parler de la saga par l’un de ses angles les plus passionnants, et surtout, les plus révélateurs de leur époque. On le sait, l’artiste qui aura l’honneur d’interpréter le thème doit être populaire, connu mais novateur (autant que possible); autant de critères qui ne sont pas toujours respectés, et qui parfois même ne sont tout simplement pas les bons.

Cela donne des erreurs de casting (citées plus haut, mais nous pouvons aisément ajouter ici Billie Eilish), des chef d’oeuvres aussi ("We Have All The Time In The World"), des curiosités aussi (Jack White et Alicia Keys), mais surtout, cela donne un documentaire qui se dévore. Et au moins, pendant qu’ils produisent cela, Amazon ne planche pas sur une série James Bond. C’est toujours cela de pris. (Nico P.).