High Fidelity
Les raisons d’affirmer que nous vivons une époque formidable ne sont pas nombreuses. Mais il faut quand même se réjouir du fait qu’en matière de séries la concurrence féroce nous permette d’affirmer que le genre connaît aujourd’hui un véritable âge d’or qui fait vaciller le septième art. Ainsi, dans les années 90, il était impensable que les livres de Nick Hornby soient adaptés ailleurs que sur grand écran, comme ce fut le cas pour High Fidelity, qui, entre deux conversations sur la musique, raconte les déboires amoureux d’un disquaire incarné par John Cusack qui avait tout du pauvre type, voire parfois du sombre connard.
En 2021, c’est logiquement au format sériel que se décline le roman de l’auteur londonien paru en 1995. Championship Vinyl se situe cette fois en plein Brooklyn, et la patronne des lieux est jouée par Zoë Kravitz, fille de Lenny et Lisa Bonet, qui apparaissait déjà dans le film de Stephen Frears. Hulu a mis la main au portefeuille, Nick Hornby a supervisé, et Questlove, batteur de The Roots, a été consulté pour adapter la B.O. aux goûts du jour – et sur ce point, rien à redire, c’est un régal. Autrement dit, tout a été fait pour ne pas tomber dans le piège du remake paresseux – les références au film ne manquent pas, mais elles sont très discrètes.
Sauf que les showrunners s’imaginaient déjà voir la série s’étaler sur plusieurs saisons, et ne pensaient pas se faire dégager des grilles au terme d’une première saison poussive mais pas déshonorante. Car c’est le corollaire moins reluisant de cette situation si enthousiasmante que nous connaissons : l’offre a dépassé de loin la demande et il n’est pas rare que d’excellentes séries ne survivent pas à leur première saison. Il y a encore quelques années, les studios comme les producteurs faisaient preuve d’un peu plus de mansuétude. Mais en 2021, plus de place pour la complaisance ou les débuts hésitants : avec ses épisodes que rien ne semble rattacher (ou si peu), ces personnages secondaires exploités de façon anarchique (dommage, Da’Vine Joy Randolph crève l’écran) et une mise en scène léchée mais qui ne se met pas toujours au service de l’histoire, High Fidelity met des plombes avant de monter en puissance – et quand c’est le cas, cela fait longtemps que le consommateur lambda de séries sur les plateformes de streaming s'en est allé voir ailleurs. Quel gâchis. (Jeff)