Ennio
“J’ai toujours considéré humiliant de composer de la musique de film”.
La phrase fait mal, de la part de celui qui a composé plus de cinq cents B.O.s, et dont on dit qu’il a contribué à élever la musique de film au même niveau que la musique sérielle ou le minimalisme américain. Et c’est justement ça, la tension dramatique de la vie d’Ennio Morricone. Jeune prodige du Conservatoire, il fait pourtant ses premières armes à la Rai et chez RCA. Méprisé par ses anciens professeurs, il a longtemps vu les compositions pour la radio et la télévision comme un sous-genre musical. Pourtant, quelle passion et quel sérieux il a mis dans son travail. Pas simplement en étant un bon employé, mais en cherchant à intégrer la musique expérimentale de son Gruppo di Improvvisazione Nuova Consonanza dans ses créations.
Le documentaire de Giuseppe Tornatore, qui avait fait renaître chez Morricone l’envie de composer avec Cinema Paradiso en 1980, retrace le parcours d’un musicien hanté par la légitimité de sa musique, alors même qu’il a révolutionné les arrangements pour chanson, puis la musique de cinéma. Après 2h38 d’éloges, on ressent surtout à quel point il aura fallu tout ce bloc de reconnaissance et d’auto-légitimation pour qu’il accepte de ne plus mépriser son propre travail. Ennio est, en ce sens, le premier grand documentaire depuis la mort du génie des bandes originales en 2020. On en parle comme d’un Beethoven et d’un Schubert, dont les partitions seront lues et jouées encore dans deux cents ans. Si vous connaissez l'œuvre de Morricone, le mérite du documentaire sera surtout de consister pour moitié dans un entretien vidéo avec le maestro dans ses dernières années.
Pour le reste, Ennio ne prend aucun risque et adopte le format de plus ou moins tous les documents télévisuels : parole de Morricone, image d’archive, confirmation de ses dires par d’autres gens, et on recommence. Sa plus grande qualité, outre les informations qu’on a pu apprendre en n’y connaissant rien, c’est de donner envie : d’écouter ses chansons, de voir une bonne partie des films sur lesquels il a travaillé - bien que certains sentent le navet au bout de deux plans, précisons-le quand même. (Emile)