Coltrane
Prestige 1957
Dès 1946, au sortir de la seconde guerre mondiale, les premières traces de John Coltrane apparaissent au sein de l’orchestre de l’US Navy où sous les drapeaux, le jeune saxophoniste se met au service des musiques en vogue, le rhythm and blues et le bop. Sa route croise ensuite celle de divers musiciens dont l’immense Charlie Parker et la chanteuse Dinah Washington avant d’être embauché par le trompettiste Dizzy Gillespie avec qui il tournera beaucoup entre 1949 et 1951. D’autres expériences suivront notamment auprès de l’alto Johnny Hodges (1954) et lui permettront ainsi de se forger un nom et une solide réputation de sideman dans le milieu du jazz alors en pleine boulimie créative. Il jouera également à cette période avec le séditieux pianiste Thelonious Monk avant que n’intervienne un premier grand tournant dans sa carrière en 1955 quand il intègre le quintet original de Miles Davis.
Coltrane y fait ses armes, peaufine son style et enregistre avec lui des chefs-d’œuvre comme Workin’ With the Miles Davis Quintet, Cookin’ ou Miles. Finalement, il signe sur le label Prestige son premier véritable album en tant que leader en 1957, l’éponyme Coltrane. L’album est clairement marqué du sceau hard bop, courant moderne souligné par un tempo plus lent que le be-bop et marquant l’avènement de jeunes musiciens noirs en rupture avec l’école blanche californienne dite « cool » à laquelle elle objecte une rythmique beaucoup plus tranchée et agressive notamment sous l’impulsion des batteurs Max Roach et Art Blakey.
Quelques grands noms du jazz forment le sextet autour de Coltrane sur l’album comme Red Garland et Mal Waldron au piano, Paul Chambers à la basse et Sahib Shihab au saxophone baryton. Chambers et Garland sont par ailleurs membres du quintet de Miles et il se dégage inévitablement de Coltrane le même genre d’ambiance que celle de la série Cookin’ (« Violets for your Furs », « Time was », « Straight Street »...). L’œuvre n’est pas d’une grande originalité par rapport au reste de sa carrière ou à ses contemporains mais a le mérite de faire prendre confiance au néo-leader Coltrane dont la complicité avec Shihab vaut largement le détour comme sur « Bakai ». Sur le morceau « While my Lady sleeps », on peut entendre un Coltrane alternant solos enjoués et notes plus apaisées au milieu d’une rythmique parfaitement au diapason, soit l’essence même du hard bop. Coltrane a donc tous les défauts et qualités d’un premier album, conventionnel certes mais déjà riche de promesses.
À écouter aussi : Soultrane, Lush Life, Dakar, Black Pearls (plus largement toute la période Prestige)