Dossier

Pour en finir avec la drogue à Dour

par Jeff, le 20 juillet 2015

Cet article, je l'ai écrit alors que je n'ai pas assisté au Dour Festival cette année. Cet article je l'ai écrit parce que je fréquente le Dour Festival depuis de nombreuses années et que j'aime cet évènement. Cette année, dans le confort de mon salon, j'ai eu tout le loisir d'apprécier le traitement calamiteux qu'a fait la presse des diverses saisies de drogue et opérations policières organisées en marge de celui-ci. Mais n'ayez crainte, on avait une équipe sur place, et son compte-rendu arrive... Jeff

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"Dour et le woodstock des temps modernes!!! Les gens crié ce qu'il vendent ou veulent acheté, marqué au marquer sur leurs corps ce qu'il cherche!!! Faut pas croire ils n'ont trouver que une partie du butin. Les gens fond à la découverte avant le festivals pour cacher leurs bazar dans la terre pour le récupère une fois sur le site. Je parle par expérience de cause car j'ai fait Dour 1 fois. La sécurité intervient pas et y a aucun agents de police sur le festival pour contrôle. Alors ne dite pas tolérance zéro. Car y a plus que 1 seul mort par an la bas. De même au doudou à mons mais comme mr dirupo et symbole de la ville tous et caché au grand publique. J'ai vue des gens tomber en chut à cause de la drogue et on les laisse au sol jusqu'au moment qu'il et trop tard!!!!"

Peter K., sur Facebook

Pour peu qu’on ne soit pas abonné aux bonnes pages sur les réseaux sociaux (ou qu'on soit simplement un peu bas du front), voilà à quoi on a résumé le festival de Dour ces derniers jours: une espèce de zone de non-droit où l’on consomme des drogues comme on prend un kawa le matin et où TOUTES les personnes contrôlées sont en possession de substances illicites. Déjà, rien que l'expression "zone de non-droit" fout de l'urticaire. On se croirait dans un mauvais reportage du JT de TF1 sur ces cités à nettoyer au Kärcher. Venant du Figaro ou de La Dernière Heure, on comprend aisément ce genre de posture idéologique masquant mal le clickbait. Par contre, quand Konbini, Trax ou les Inrocks y vont de leur brève pas très nuancée histoire de soigner leurs statistiques Google Analytics, il y a un petit problème vu qu'on est ici face à des acteurs culturels dont on aimerait qu'ils contribuent intelligemment au débat.

Soyons clairs d'entrée de jeu: on est contre la consommation excessive, et contre la consommation tout court de certains produits merdiques, mais on est pour la libre disposition des corps dans la mesure du raisonnable. Partant de là, le constat ne souffre que peu de contestation: la permissivité et les excès font partie de l’ADN du Dour Festival; et que celui ou celle qui n'y a jamais fini la gueule de traviole ces 25 dernières années nous jette la première bière.

Un paradigme d'autant plus pertinent que nous vivons une époque (un peu tristounette) où le festivalier lambda prend son ticket pour la sacro-sainte "expérience" d'abord et pour la musique ensuite. Croiser son lot d'énergumènes dans un état second fait alors partie des règles du jeu, et relève d'une certaine forme de tradition que le Dour Festival prend soin de perpétuer puisque la bonne santé de sa billetterie en dépend largement. Qui donnerait tort aux organisateurs quand on voit les chiffres de fréquentation de cette année, avec un compteur qui affiche 228.000 visiteurs?

Ces festivaliers totalement à la street, on en rigole très souvent, ça nous casse les couilles parfois (avoir fait de "Doureuuuuuh" un argument marketing, merci les gars...), mais il faut se résoudre au fait que ça fait partie du package. Sans angélisme ni fatalisme. Car des gens qui ont des "envies d'ailleurs", il y en aura toujours. Et il y en a objectivement plus au Dour Festival qu'ailleurs. Mais vu les proportions aujourd'hui atteintes (et la nature de certains produits consommés, surtout), on se dit que si leur petit voyage au pays des Schtroumpfs pouvait être correctement encadré, on ne s'en plaindrait pas. Mais on se souvient tous du tollé provoqué par les stands de testing d'ecstasy de l'ASBL Modus Vivendi en 2002 - un tollé venant principalement d'un monde politique qui n'a pas de problème à aller boire des mousses et couler un bronze dans les toilettes en faïence de l'espace VIP, pour quand même s'indigner de la problématique de la drogue à laquelle est confrontée le Dour Festival. #clapclapclap

Par contre, avec la vague de bad buzz que s’est payé un festival qu'on a toujours adoré, et au rythme où ça dégénère dans les commentaires des pires torchons francophones, on finira vite par nous raconter qu’à Dour, des gamins de 16 ans prennent plus de coke que Charlie Sheen, qu’on y sacrifie des poules non sans les avoir soigneusement enculées au préalable et que c’est la plus importante réserve de chevreuils d’Europe - ah non ça c’est vrai. Et il y aura surtout un gros paquet d’ânes pour y croire dur comme fer et relayer des mythes dont ils ne doutent pas une seconde de la véracité - gros big up à la RTBF ici, d'ailleurs

Après, il faut prendre les opérations policières de cette semaine pour ce qu’elle sont vraiment: une volonté pour la zone de Mons-Borinage de soigner ses statistiques et de se payer un joli coup de pub (avec pour sommet WTF la "mise sous surveillance" de Snoop Dogg!). Dans une première version de l'article, on avançait qu'on oubliait de s’attaquer aux racines du problème: la minorité de gros FDP qui arpentent les plaines de la Machine à Feu les mains pleines de merdes synthétiques, font les poches de types qui matent tranquillement un concert ou prennent un malin plaisir à aller piller des tentes dans le camping.

Pourtant, il y a eu cette année une vraie volonté de traquer les dealers: 36 de ces tristes sires ont été interpellés, dont 33 sur le site du festival. Et c'est tant mieux. Car si on accepte que l'on se drogue de manière responsable (oui, c'est possible), on a souvent envie de coller des gifles à ces connards qui refourguent leur came merdique sans se demander si ce gamin de 18 ans qui vient de se vider une bouteille de pastis tiède est vraiment dans les meilleures conditions pour se bouffer un truc dont même le vendeur ne connaît pas la composition ou les dosages. Ces enculés-là, cette fameuse "zone de non-droit" est leur gagne-pain, et les y laisser prospérer nous est insupportable. 

Bref, cette année, c'est un peu comme si le monde extérieur avait pris conscience que dans les festivals, il y a de la drogue. Dour n'est certes pas celui où il y en a le moins, et des incidents tragiques liés à la consommation de drogue sont venus l'endeuiller. Mais dans l'absolu, quand on compare aux bagarres généralisées, aux plans foireux et aux accidents de la route au retour de ces soirées de village où la consommation massive d'alcool est socialement encouragée, on se dit qu'il conviendrait de relativiser un petit peu, sans pour autant minimiser les chiffres des saisies du week-end - 2,758 kilos de cannabis, 1.308 pilules d'XTC, 22 pilules de LSD, 136 grammes de MDMA, 83,6 grammes de coke, 335 grammes de speed, 14 grammes de champis, 2 grammes d’héroïne, 42 grammes de Kétamine, 690 timbres LSD et 10 grammes d’amphétamines quand même.

En conclusion, reconnaître qu'il n'y a pas un problème de drogue à Dour serait faire preuve d'une hypocrisie certaine. A l'inverse, observer le bombage de torse des autorités après des années d'inactivité coupable est pour le moins comique et consternant. Car si certaines pratiques doivent cesser, on sait également qu'à trop vouloir aseptiser le Dour Festival, c'est une bonne partie de son âme qu'il perdra. 

Terminons sur une note positive: avec cette saisie de drogue, ce sont quelques gueules cassées que l’on n'a probablement pas croisées sur le site du festival. Rendons hommage à toutes celles et ceux qui se sont fait confisquer leur pacson ou leur MDMA avec un petit florilège des tronches les plus cramées que l’on ait pu croiser sur le web ces dernières années:

BONUS VIDEO

Crédit photo: Laurence Guenoun