Dossier

Le carnet de route coréen de Thot

par Albin, le 3 novembre 2018

Début octobre, Thot s'envolait pour une mini-tournée en Corée du Sud, ayant à peine eu le temps de souffler la première bougie de l'album Fleuve sorti l'an dernier, et réédité en cassette pour l'occasion. Nous avons demandé à Grégoire, chanteur et guitariste du groupe, de nous ramener quelques photos souvenirs qu'il commente des étoiles plein les yeux. 

JOUR 1. Nous quittons Bruxelles à 7 heures du matin direction Paris Charles de Gaules où nous attendent 24 heures de voyage à destination de Séoul. C’est la première fois, pour la plupart d’entre nous que nous allons en Asie. Nous avons du mal à le réaliser. Nous sommes des enfants, excités. Nous survolons, sans fin, la Russie de nuit. Nous devinons des villes ci et là, je pense aux gens qui y vivent, à leurs vies.

JOUR 2. Nous atterrissons à Séoul en début de soirée, après avoir passé 8 heures en transit à Shanghaï.  Le soleil couchant donne des accents d’or à la Mer Jaune que nous longeons. La ville s’est dévoilée sous nos pieds au fur et à mesure que nous perdions de l’altitude. Premier contact avec l’exubérance coréenne. La taille de la mégalopole est hypnotique. Une heure de train plus tard, nous arrivons dans un des nombreux centres de cette ville: le quartier d’Hongdae, repère des artistes et étudiants. Notre première impression est réconfortante pour nos corps accusant le décalage horaire et les longuettes heures assises: une ambiance chaleureuse, il fait doux. Nous allons boire quelques bières après avoir pris possession du petit appartement où nous irons nous écrouler de fatigue avant minuit.

JOUR 3. Jour off, dont nous nous délectons, remis de notre voyage. Il fait splendide, une énergie folle circule entre nous, les coréens sont très accueillants. Nous allons voir un concert de musique traditionnelle avant de visiter Changdeokgung (palais de la prospérité), puis nous fondre dans l’anonymat d’une immense artère commerciale. Partout, la rencontre des traditions et d’une modernité un peu folle. Beaucoup, énormément de gens sont rivés sur leur smartphone, dans la rue, les transports publics. Si on pense que cela est un 'fléau' en Europe, il faut venir en Asie pour se rendre compte qu’ici, c’est un niveau supérieur. Le téléphone ainsi que les écrans sont bien plus présents dans la vie du Coréen que dans la nôtre. C’est à en avoir le tournis. Le soir arrivant, nous allons à la soirée d’ouverture du festival Zandari Festa pour lequel nous jouerons le lendemain. C’est l’occasion de découvrir quelques groupes et aussi de rencontrer des professionnels, européens et asiatiques. L’ambiance est très chaleureuse, et plus que dans n’importe quel festival de showcase auquel j’ai pu participer, il est très facile d’avoir une discussion franche et enjouée avec un programmateur d’un gros festival, de manière totalement contractée, sans la pression du networking. L’ivresse du jetlag et de la bière qui coule à flot?

JOUR 4. Le réveil est difficile, la nuit coréenne ne nous a pas laissé de répit. Il pleut des trombes d’eau, le sud du pays est balayé par le typhon Kong-Rey et Séoul est touchée par les bords de ce monstre venteux. Nous apprenons alors que le festival du l’île de Jeju auquel nous devons participer le lendemain est évidemment annulé. Grande frustrations, l’île semblait paradisiaque. A contrario, invoquer un typhon comme raison d’annulation d’un festival nous semble être plus cool qu’en raison d’un sponsor qui aurait lâché l’organisateur. Il faut se plier devant mère nature. Malgré la déception, nous nous concentrons sur notre concert du soir, qui aura lieux au Rolling Hall, en plein milieu du quartier d’Hongdae. Nous savons que nous allons jouer “à poil”: un set techniquement adapté à un festival de showcase où nous avons seulement 20 minutes de soundcheck, sans notre show lumière et vidéo, devant un public majoritairement composé de professionnels, aux oreilles exigeantes et qui ont l’habitude de ne regarder que 3 morceaux avant d’aller voir un autre groupe dans une autre salle. Il y a des curieux pourtant, et notre énergie scénique impressionne. Nous descendons de scène vidés, mais heureux d’avoir rempli le contrat. Les retours sont positifs et nous en récoltons les fruits lors de la soirée “French Night” qui a lieu à quelques rues de là, au Muv Hall, organisée par l’Institut Français de Séoul. Beaucoup de rencontres intéressantes, de bon groupes sur scène (dont les très énergiques The Blind Suns) et une soirée qui se termine très très tard, dans un petit bar du quartier qui est mis sens dessus dessous par The Rodeos, un groupe de rock’n’roll japonais, à l’énergie follement communicative.

JOUR 5. “Le jour d’après”.  C’est l’anniversaire du Lukas, le batteur. Nous l’avons donc commencé la veille et c’est pour cela que nous nous levons tard, à une heure où nous aurions dû être dans l’avion pour l’île de Jeju. Bien décidé à quand même jouer un second concert, nous allons dans un petit club, le Garnison, à 3 minutes de notre appartement, où nous avions entendu de la musique live la veille. Et en 5 minutes, c’est entendu, nous pouvons nous produire le lendemain soir. Sensation assez magique de pouvoir trouver un concert en dernière minute dans une ville où l’on est inconnu. Vite, faire un peu de promo, Instagram, un événement Facebook, envoyer quelques mails aux programmateurs rencontrés la veille. Et en parler aux autres que l’on croise à l’occasion de la “British Night”, soirée quant à elle organisée par l’ambassade britannique, et qui a réussi à apporter Glen Matlock, premier bassiste des Sex Pistols, qui se produit seul sur scène avec sa guitare. Dois-je préciser que nous nous faisons avaler tout cru par la nuit une fois de plus?

JOUR 6. C’est notre dernier jours de visite possible, il fait magnifique, c’est dimanche. Nous décidons de nous rendre sur une des collines qui surplombe Séoul et nous restons pantois quant à la vue qui s’offre à nous. En dehors des autres collines et du fleuve Han qui fragmentent sa topologie, la mégalopole coréenne s’étend à perte de vue, sans limites. Cà et là, des immeubles modernes toisent des barres d’immeubles d’habitation, encerclant ces quartiers plus populaires, faites de petites maisons modestes et de noeuds de câbles électriques. Nous terminons l’après-midi en arpentant des rues commerçantes pour de traditionnels achats de souvenirs. Comme à mon habitude, je suis à la recherche des aimants de frigo les plus laids possibles. Retour express à notre appartement avant de rejoindre le club Garrison pour ce concert last minute. Nous revoyons plusieurs personnes rencontrées lors des soirées passées. Les conditions techniques sont difficiles mais nous ne nous ménageons pas, offrant à notre public un set sauvage, et nous offrant à nous-mêmes une belle conclusion de voyage. Nous sommes déjà nostalgiques, et nous terminons la soirée autour d’un copieux repas avant de rejoindre notre appartement pour une dernière nuit et le long retour qui nous attend le lendemain: 30 heures de voyage dont un transit de 16 heures à Shanghaï, que nous irons visiter de nuit. Un voyage et une expérience extraordinaires, qui permet un recul nécessaire sur beaucoup d’aspects concernant le monde dans lequel nous vivons. Que ce soit culturellement parlant, technologiquement et évidemment musicalement. Nous pensons déjà à revenir en Asie l’année prochaine, et tout porte à croire que ce sera le cas.