INDIGESTIONS 2011
Les années riches en disques vraiment mémorables ne sont malheureusement pas légion. Par contre, pour ce qui est des bouses innommables et des amères déceptions, la production ne s'arrête pour ainsi dire jamais. Vous vous en doutez, et vous l'avez probablement remarqué, l'année 2011 n'a pas échappé à la règle avec son lot de mauvaises surprises. A l'arrivée, il a bien fallu faire des choix et piocher dans cette belle brochette de galettes à éviter à tout prix. Si par malchance, vous avez été la victime de l'un des dix fauteurs de troubles repris ci-dessous, vous saurez de quoi nous parlons. Pour les autres, sachez nous faire confiance et ne pas tomber dans le piège souvent tendu par des chargés de promotion qui vous ont vendu certains des artistes qui suivent comme des grands animateurs de l'année écoulée. Et ce qui est certain, c'est que les Indigestions de GMD faisant leur grand retour après un an d'absence, on est remontés comme des coucous. Aux abris!
-
Lana Del Rey
Parmi les critères de sélection de notre prestigieuses Indigestions, il est notamment requis d'avoir lâché un album de merde au cours de l'année écoulée. Lana Del Rey distance vaillamment la concurrence puisque son album de merde n'est même pas encore sorti. Au début du mois d'août, GMD se faisait un plaisir de partager son titre "Video Games", une somptueuse ballade qui préfigurait du brillant avenir de la donzelle. Depuis lors, la blonde a abandonné ses chansons au beau milieu de l'arène médiatique et joue les fausses ingénues en interview ("Je ne comprends pas ce qu'ils me veulent… Je suis une jeune fille toute simple, vous savez…") tout en apprenant les bases de la scène directement devant les caméras. On ne s'attarderait pas sur le désastre de ses lèvres pneumatiques ni sur sa façon de dépoussiérer les meubles à coups de battements de cils si ces éléments ne faisaient pas partie d'un titanesque plan promo aux effets urticants. Aux dernières nouvelles, ses délicieuses vidéos home made recevaient leur C4 au profit de romances esthétisantes au budget écœurant (on vous renvoie bloc de saindoux qui illustre le morceau "Born To Die"). On ose croire que la bataille n'est pas perdue même si entendre sa voix filtrer à travers des haut-parleurs de supermarché amenuise quelque peu les espoirs placés en elle.
-
SBTRKT
En fait, on n'a pas grand-chose à vous dire sur SBTRKT. Si c'est lui qui prend des cailloux sur la tronche à l'heure où vous lisez ces quelques lignes, c'est peut-être parce qu'il est l'un des derniers de cette famille de consanguins à nous servir un post-dubstep de misère en cette année 2011. Il est temps qu'on nous explique l'utilité de se toucher en permanence derrière son laptop pour accoucher de titres sans véritable cœur, sans urgence et sans incendie. Et surtout arrêter de justifier ces coups de surins par une volonté de s'inscrire dans un genre en mouvement, de foutre le qualificatif « future » ou « post » devant chaque tentative de création d'un genre nouveau – ou alors appelez ça de la « post-daube » ou du « future nawak». Il faut que SBTRKT, et globalement tout ce clan de suceuses de mouches, arrête de bosser en laboratoire sur les plans d'une nouvelle union globale de la bass music. Car à force de vouloir faire apprendre à un canard à marcher sur une patte, on perd l'essentiel : bouger son cul, pleurer comme un con, se perdre dans son cerveau. A force de calculer le moindre de ses déplacements, cette génération sert tout sauf son intérêt. Pour 2012 on appelle Chuck Norris, et croyez-nous, ils vont chanter une autre chanson ces zozos.
-
Bon Iver
On aimait bien Bon Iver quand il chantait sa loose dans For Emma, Forever Ago, une série de bluettes pop folk à écouter autour d'un chocolat chaud en décembre. C'était en 2008 et on le trouvait prometteur, le Justin. Et puis il a fait son grand retour en 2011 avec un album éponyme de 10 titres bénéficiant d'un casting impressionnant (Colin Stetson par exemple) et autour duquel s'est formé une énorme hype. Pendant l'écriture du disque Justin a découvert l'autotune au milieu des cerfs et de la neige. Et il a décidé de s'en servir, en solo et dans ses featurings de l'année, notamment avec son nouveau pote Kanye West. La dernière chanson de cette cuvée 2011 qui a fait chialer Pitchfork (ils ont attribué au disque la note mirifique 9,5) nous a plutôt donné envie de nous pendre. Et l'album, qui nous indifférait au début, a commencé à sérieusement nous agacer. Alors on conseille à Justin de remballer son autotune et de retourner à ce qu'il sait bien faire du folk épuré. Un point c'est tout.
-
Lil Wayne
Avec Tha Carter II et Tha Carter III, Lil Wayne nous a pondu deux albums qui figureront à tout jamais parmi les meilleurs du rap américain moderne. A l'époque, quand Weezy se proclamait "best rapper alive", on avait vraiment envie de le croire et on pouvait aisément lui pardonner ses featurings à tirelarigot et sa participation occasionnelle à des projets à la qualité assez douteuse. Mais voilà, Tha Carter III date de 2008, et Dwayne Michael Carter Jr. a surtout enchaîné les faux pas depuis: un passage par la case prison, un disque de rap-rock plus mauvais qu'une compilation de faces B d'Urban Dance Squad et un I Am Not A Human Being vite oublié. En revenant à la série Tha Carter, on pensait Lil Wayne prêt à renouer avec la gloire, comme l'indiquaient un MTV Unplugged incendiaire et un premier single coup de poing ("6 Foot 7 Foot"). Il n'en fut rien: banal et même insipide par moments, ce quatrième volume laisse penser que Lil Wayne a croulé sous le poids de ses conneries et de son affolante productivité. Ca tombe bien, Snoop Dogg commençait à se faire vieux, et il va pouvoir lui succéder au poste peu envieux de vieux tonton du rap juste bon à capitaliser sur un passé glorieux.
-
Birdy Nam Nam
Ils avaient le charisme, le talent et l'ambition, mais ne sont plus devenus qu'une machine à brasser du flouze: les quatre DJ de Birdy Nam Nam ont définitivement arrêté de nous mettre une demi-molle en 2011 en sortant Defiant Order, pastiche grand public de l'Epiphanie de Para One – ce qui n'est pas vraiment étonnant puisqu'il en assure la production – tout juste bon à faire rebondir une armada d'étudiants d'Aix en Provence après un verre de Manzanita avalé de travers. On avait déjà renoncé au turntablism sur Manual For Successful Rioting, on a désormais renoncé à toute efficacité sur cette nouvelle livraison plus réchauffée qu'une Pasta Box. Et qui confirme bien que les mecs n'en ont rien à faire de la musique qu'ils mettent en Tipiak tant que ça continue à marcher bien planqués derrière un light-show à la Daft Punk. Bah, tant qu'ils ne prennent pas la grosse tête...
-
Thom Yorke
On en convient, c'est un peu facile de cracher dans la soupe étant donné que pas un mois n'a passé en 2011 sans que l'on vous parle au moins une fois de Radiohead. Néanmoins, on sait d'expérience qu'un artiste trop occupé à se cogner la tête sur ce qu'il aime écouter est souvent un artiste qui oublie qu'il est aussi doué pour faire des choses qui s'impriment souvent bien plus dans la durée. Alors si l'on est prêts à passer l'éponge sur la miteuse reconversion de Thom Yorke en DJ (lui aussi, oui), ce que l'on espère plus que tout, c'est qu'il arrêtera de s'éparpiller vocalement et musicalement sur les terrains de la bass music qui lui sont un peu trop cléments. Et qu'il s'attardera à rendre sa musique et celle de Radiohead un peu plus pertinente que cette année, même si à vrai dire on n'en doute pas trop
-
Skrillex
Quand il débarque en 2010, Skrillex est surtout connu comme le nouveau protégé de Deadmau5. Mais son arrivée dans ce top, Skrillex la doit surtout à un phénomène générationnel quelque peu puant : la cannibalisation de toute entité musicale (à terme) par les délires de kids pouet-pouet, l'electro 3.0 qui annihile toute tentative de décodage, tout recul sur la musique elle-même. Appelez cela brostep, dumbstep – à la limite, faites comme les jeunes et appelez ça LA dubstep – le constat est le même: si des Bar9 ou des Borgore en étaient autrefois les têtes de gondole, c'est aujourd'hui des centaines de titres qui polluent de leurs claviers dégueulasses les clubs de province, Youtube et ton mur Facebook. Une nouvelle caste de producteurs bâtards, dont Skrillex est le nouvel enfant-roi. Tout est moche et pue le plan promo chez ce mec. Si son acné tenace et sa coupe de cyber-punk gothique en font déjà un mec détestable, l'Américain jouit d'une popularité qui cristallise pas mal l'ère de la déglingue cheap et pas chère, les cartels musicaux qui dégoulinent de partout. En écrivant ces lignes on s'en veut d'ailleurs de participer à ce grand débat stérile sur l'opportunité des genres qu'on déteste. On devrait laisser ces mecs aux millions de kids en attendant qu'ils passent à autre chose de plus consistant. Certains nous diront que malgré ses défauts, Skrillex produit bien. C'est plutôt vrai d'ailleurs. Mais qu'on se le dise une bonne fois pour toutes : un étron, même bien moulé, reste un étron.
-
Metallica et Lou Reed
Après toute ces années d'errements pseudo-musicaux, le crédit dont continue de bénéficier Lou Reed dépasse tout simplement l'entendement. Le Velvet Underground c'était de la balle, ses premiers albums solo aussi. Mais après, ce vieux pervers new-yorkais a passé le plus clair de son temps sodomiser des mouches avec la délicatesse d'un Rocco Siffredi sous cocaïne. Alors forcément, quand Lou Reed et Metallica unissent leurs destinées sur un album collaboratif, il ne faut pas s'appeler Paco Rabanne pour prédire l'apocalypse sonore. Et alors que certains nous annonçaient la fin du monde pour 2012, le panzer Metallica/Lou Reed s'est mis en tête d'avancer la catastrophe de quelques mois en nous pondant l'infâme Lulu. Il y aura sûrement quelques pisse-froids élitistes pour nous vanter les mérites artistiques d'une œuvre que peu peuvent vraiment comprendre. On les laissera s'astiquer le manche sur cette bouse infâme de poésie sur fond de métal pour camionneur allemand aviné et on passera vite à autre chose. Bbbrrr…
-
Teki Latex
Notez qu'on n'est pas forcément contre le changement radical d'orientation chez certains artistes, surtout chez des gens comme Teki Latex: au moins, derrière des platines du Sound Pellegrino Thermal Team, on ne les entend plus rapper, et ce malgré tout le respect que l'on a pour les excellents L'Atelier et Bâtards Sensibles. Mais c'était sans compter sur la dernière lubie en date du gaillard: poser quelques phrases débiles en Anglais sur tous les trucs un peu inspirés par Détroit pondus par ses plus proches copains producteurs qui pensent faire comme Carl Craig en 1995. A l'écoute de ces scies, on en aurait presque envie de ressortir Party de Plaisir, c'est vous dire comme la carrière de Julien Pradeyrol va mal.
-
James Blake
Il y a forcément peu de choses à dire sur James Blake qui n'ait pas encore été dit sur ce webzine. La hype qui entoure ce gars est à l'image des mails d'insultes qui ont suivi la chronique: démesurée. En fait, en lieu et place de débats à la con sur sa gueule de minou attendrissant, on se devrait de résumer l'histoire d'un gars comme James Blake avec la simplicité et le recul nécessaire. C'est tout simplement le parcours pas-si-singulier-que-ça d'un producteur doté d'un minimum de talent qui finit s'écrase le mur des attentes. Son post-dubstep/soul est taillé pour les trentenaires à lunettes et les ménagères qui aiment leur musique une fois qu'elle proprette et bien dans le cadre. Si on dépasse le débat des genres, ce premier album est tout simplement moche par sa capacité de se vider de lui-même. Une sorte de vortex qui finit dans la vacuité la plus totale: tout doit être rangé, élagué, aseptisé. Jusqu'à en devenir horriblement chiant. Mais il faut croire que son profil plait, que sa présence dans les sphères du blogging sauvage se justifie toujours. Par quoi? On ne le sait pas trop. On espère que les hipsters de tous bords, eux, le savent. Dans le cas contraire ce serait une nouvelle preuve que l'ogre Pitchfork se nourrit inlassablement des âmes en peine. Dans deux mois ce mec remixera Thom Yorke, et la boucle sera bouclée.