Dossier

In Dust We Trust #27

par la rédaction, le 5 juillet 2024

À la fois aubaine et business, l’exercice de la réédition du classique (avéré ou qui s’ignore) et de l’excavation de vieilleries disparues du circuit implique chez l’auditeur un peu curieux une occupation assez conséquente du temps de cerveau disponible. Histoire de vous aider à y voir un peu plus clair dans cette jungle, GMD a lancé In Dust We Trust, sélection vaguement trimestrielle de ce qui a mobilisé notre temps de cerveau.

Digitalism

Idealism Forever (Anniversary Edition)

En 2007, la french touch est partout, Justice a sorti son premier album en juin, Daft Punk est passé du côté de la légende, et on vit au rythme des compilations Maison Kitsuné. Cette même année sera également marquée par la sortie d’un disque allemand, bien loin pourtant de la minimale berlinoise qui est en train de s’étendre sur l’Europe. İsmail Tüfekçi et Jens Moelle ont apparemment des contacts, et après avoir commencé à mixer ensemble sur une décision prise en discutant pour la première fois chez un disquaire, ils balancent un disque de prods enregistrées dans leur bunker à Hambourg (qui possède un bunker?), et qui sera distribué chez nous notamment par Kitsuné. Idealism sera un moment majeur de l’été 2007 et installera Digitalism dans cette zone sonore à la frontière de la house, de la britpop et de la techno. Remasterisé, réédité avec des tracks bonus, Idealism Forever (Anniversary Edition) est l’affirmation d’un disque dont l’importance grandit d’autant plus qu’elle appartient aujourd’hui au passé. Ce sont notamment les tracks bonus qui rappellent à quel point les univers sonores à la mode ont changé, du très synth-wave « Maya » à un « Faust » qui vous rappellera très probablement le titre d’ouverture du Cross de Justice. Après I Love You, Dude en 2011, la popularité du duo va décroître en même temps qu’il décide de rester dans sa zone musicale. Aujourd’hui, İsmail Tüfekçi et Jens Moelle sont toujours actifs, et pour celles et ceux qui n’auraient pas perdu le goût de cette électronique sucrée et mélodique...vous avez des trucs à rattraper. (Émile)

Toumani Diabaté & Ballaké Sissoko

New Ancient Strings

New Ancient Strings ou Nouvelles Cordes Anciennes est un album collaboratif de deux jeunes maîtres de la kora : Toumani Diabaté a alors trente-deux ans et Ballaké Sissoko, trente. Voisins, ils descendent tous les deux de grandes familles de griots et sont, déjà en 1997, des stars montantes de l'instrument. Cet album fondateur de la musique malienne contemporaine n’avait jamais été édité en vinyle. C’est désormais chose faite grâce au label anglais Chrysalis Records. Alors quand je l’ai trouvé dans les bacs que Sugar Pie Records avait mis à disposition des festivaliers du BRDCST, c’était vite vu. Pas de morceaux bonus : on garde les huit instrumentaux enregistrés la nuit de la fête d’indépendance du Mali, le 22 septembre 1997. Une nuit magique où tout a été enregistré en direct, sans répétition, avec seulement quatre micros et deux enregistreurs Nagra. La réédition est parfaite, remixée à partir des bandes originales, et contient un beau livret où Lucy Duran, la productrice originale, relate l’enregistrement marathon et la recherche de la salle à l’acoustique parfaite pour enregistrer la prestation sans utiliser aucun effet. Un chef d'œuvre d’une simplicité affolante où la beauté cristalline des cordes de kora se mêlent à l’histoire du Mali. (Thomas)

Paul McCartney & Wings

One-Hand Clapping

Un vrai album de McCartney, inédit, sorti cinquante ans après son enregistrement : dingue, et pourtant. En 1974, au studio Abbey Road, à la manière de Get Back, dont on a eu la version finale il y a peu, une équipe filme pendant quatre jours des dizaines d’heures de sessions de répétitions et d’enregistrements, avec des inédits, des compositions récentes (le groupe a déjà trois albums dans les pattes), des reprises, et des jams probablement de qualités assez différentes. Mais jamais les morceaux complets n’étaient sortis dans un format indépendant. Certaines compositions de ces semaines-là ont pourtant été reprises dans d’autres disques par la suite : « Live and Let Die », « I’m Amazed », ou « Band On The Run », entre autres. Suite aux départs de Henry McCullough et Denny Seiwell et aux arrivées de Geoff Britton et Jimmy McCulloc, c’est une période de grande créativité pour McCartney et les Wings, mais aussi pour Linda McCartney, créditée à l’écriture sur tous les morceaux hors reprises. On redécouvre les penchants de cette version de McCartney pour le rock old-fashioned, notamment avec la reprise de « Blue Moon Kentucky » ou « Go Now », et on y entend un collectif loin de la perfection des Beatles, mais avec la fraîcheur que ces derniers avaient perdue au début des années 1970. (Émile)

Alain Goraguer

Rare Soundtracks & Lost Tapes

En février 2023 mourait un type aussi méconnu que central pour la chanson française : Alain Goraguer avait 91 ans, et sa discographie est un véritable voyage au coeur de l’évolution de la musique après les années 1970. C’est qu’on l’a connu bien avant, et bien après. Avant, c’est surtout l’arrangeur et orchestrateur des premiers albums de Gainsbourg, dès 1958 et Du chant à la une !, et de l’intégralité des disques de Jean Ferrat ; après, c’est le compositeur du légendaire film d’animation La Planète sauvage, de René Laloux. Et entre, une myriade d’arrangements, de musiques de film, témoignant de ces sonorités très ORTF, qui savaient saisir le moment du rock psyché, de l’électronique naissante et de la musique concrète, tout en restant attachées à l’orchestral, avec beaucoup de cordes et de bois. Dans Rare Soundtracks & Lost Tapes (1973-1984), Transversales Disques offre un aperçu d’oeuvres moins connues, comme sa musique pour L’Affaire Dominici, pour Au-delà de la peur, ainsi que des inédits enregistrés à la Maison de la Radio. (Émile)

Orbital

Orbital

Les rééditions, on va pas se mentir, c’est pas toujours nécessaire. Mais quand le truc est sold out avant même sa sortie, c’est que le besoin se faisait sentir. Inédit et introuvable en neuf depuis 2015, vendu à des prix pas toujours bien honnêtes sur Discogs, le premier album d’Orbital a enfin trouvé sa réédition chez London Records. Vous le sentez, pour pouvoir mettre la main dessus, il va falloir attendre que la réédition soit rééditée, mais ça a au moins permis de remettre une pièce dans la machine du légendaire duo Hartnoll, originaire du Kent. Élément moteur de la vague de liquidation de l’acid house au début des années 1990, Orbital est un joyeux syncrétisme d’acid, d’ambient, de big beat, et participe à la création de cette sonorité anglaise qui n’a jamais quitté le paysage musical, et qu’on retrouvera dans le dub, la garage ou même la drill. Et en plus, la team du label ne s’est vraiment pas foutu de nous, avec une belle remasterisation, un livret avec des textes inédits et une interview d’Orbital. Classique. (Émile)