Dossier

Hood Therapy #3

par Jeff, le 11 mars 2013

La mixtape est un passage obligé pour tous les rappeurs désireux de signer avec une maison de disques prête à aligner les dollars. C'est aussi un bon moyen d'entretenir le buzz pour un artiste confirmé entre deux albums ou deux passages derrière les barreaux. Et l'année 2013 sera, comme les autres, très généreuse en sorties. Et comme d'habitude, le pire côtoiera le meilleur. Après une très longue absence, notre dossier Hood Therapy fait son grand retour. Mais le principe lui, n'a pas changé. Vous trouverez ici un savant mélange de jeunes pousses et de vieilles branches, le tout gratuit et commenté par votre serviteur.

Tristan

Future presents FBG The Movie

Il s’agit ici d’une longue mixtape (24 titres) réunissant Future et son crew le Free Band Gang. Il s'agit aussi ici d'une mixtape sur laquelle on retrouve cette utilisation constante et particulière de l’autotune. On a souvent parlé de T-Pain pour stigmatiser le recours à cet artifice mais l’utilisation qu’en fait Future n’est absolument pas la même, beaucoup plus variée et, d’une certaine façon, expérimentale. Le emcee d'Atlanta repousse en fait les limites du logiciel. Le contenu est assez similaire à celui du célébré Pluto mais sans la pépite « Turn On The Lights ». Enfin, il y a quand même Sisqo sur « See It To Believe It » et rien que ça, ça vaut de l’or. Le single de la mixtape sintitule « Fo Real ». On l'avait un peu dénigré sur le coup, mais après réflexion le break un peu trance décontenance toujours mais pour mieux permettre à ce très bon morceau de s’insinuer dans notre cerveau. A part ça on retrouve sur FBG The Movie le single du prochain Lil’ Wayne, « Bitches Love Me » (soit un tube imparable, tout simplement) et des morceaux furieux dans l’esprit de « Tony Montana » ou « Same Damm Time ». Car c'est une évidence, «Whip Game » retournera n’importe quel club avec ses synthés partant dans tous les sens, et il en ira de même pour « You Wonder », sauf qu’en plus Busta Rhymes vient mettre son grain de sel. Enfin, Future ne manque pas de suivre la mode des refrains débiles avec le moins de mots possible. Et s'en sort particulièrement bien avec « Finessin ».

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Juelz Santana - God Willn

N’étant pas un fan du Dipset des années 2000, j’ai au moins l’avantage d’avoir une oreille vierge. Et on peut dire que le flow de Juelz Santana connait des hauts et des bas: c’est parfois laborieux, mais sur les couplets de « Blog That » par exemple le rappeur se réveille, si je puis dire. Et de fait, bien qu'excellent, ce titre aurait pu être mortel: « your girl wanna fuck me nigga, blog that » est une très bonne punchline 2.0, mais il manque un petit quelque chose. Et si le jeune gas de Harlem fait de la trap comme tout le monde (sur « Soft » notamment, avec, Ô surprise, Rick Ross et Meek Mill, ainsi que Fabolous), on retrouve aussi sur God Willn des ambiances typiquement new-yorkaises comme sur « Bad Guy » avec le trop rare Jadakiss ou « Sho Nuff », titre au refrain un brin fatiguant (un défaut récurrent sur le projet) mais qui s’avère toutefois être un bon « street anthem ». Même si cela commence à changer, les rappeurs ont toujours du mal à faire des chansons « d’amour » et le refrain de « Awesome » le prouve encore une fois. Est-ce que je préfère une chanteuse r’n’b de bas étage qui ne prend pas trop cher pour un feat ? Je ne répondrai pas à cette question. Lil’ Wayne se contente quant à lui de gueuler sur le refrain de « Bad Guy » et de faire une espèce de pont pas concluant. Dommage car les synthés de Mike Will Made It font leur petit effet. La prod de « Turn It Up » fait elle penser à du Lunice ou du AraabMusik mais elle manque un peu de variations. Je n’ arrive pas à savoir si « Nothing To Me » est gâchée ou magnifiée par Jeremih, et c’est bizarre. « What I Want » par contre fonctionne bien, avec juste ce qu’il faut de nonchalance sur le refrain, et un flow plus agressif sur les couplets.

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Curren$y - New Jet City

La discographie de Curren$y souffre un peu du syndrome « rap d’ambiance », celui qui passe quand t’invites des gens qui n’aiment pas le rap et qui te disent « Ah mais ça va ça, c’est pas trop violent ». Mais sur New Jet City, grâce à l’excellent couplet de Juicy J sur « Three 60 » ou celui de Juvenile sur « Bitch Get Up », au refrain de French Montana et aux cuivres de « These Bitches », le emcee se place quand même très haut dans cette catégorie - son flow y est pour quelque chose aussi. Sur « Choosin » la prod’ de Lex Luger démontre que depuis que tout le monde a pompé ses instrus de l’époque du premier album de Waka Flocka Flame, il a su se renouveler. Statik Selektah est toujours aussi propre sur « Clear », avec cette batterie qui sonne très organique - mais l’est-elle vraiment ?. J’ai toujours du mal avec Lloyd, qui chante le refrain de « Purple Haze », mais Trinidad Jame$ confirme les espoirs placés en lui.

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The Underachievers - Indigoism

Les deux membres de The Underachievers, Issa Dash et Ak, sont jeunes, talentueux et bien entourés. C’est fatiguant les gens comme ça. Affiliés au label Brainfeeder de Flying Lotus, ils font également partie de Beast Coast, collectif dans lequel on retrouve le Pro Era Crew (de Joey Bada$$) et Flatbush Zombies. Et comme le rap semble de plus en plus être une famille, ils ne sont jamais loin de l’A$AP Mob. Et figurez-vous qu’ils se situent exactement au centre d’un triangle imaginaire dont les sommets seraient ces groupes: parfois rétro, parfois cinglés, tout le temps drogués. « Taded » fait obligatoirement penser à A$AP Rocky mais n’en demeure pas moins excellente, tandis que sur « Land Of Lords » et « Leopard Shepard » c’est une ambiance à la Joey Bada$$ qu’on retrouve. Difficile de dire si les deux bougres ont donc vraiment une identité propre mais les instrus sont quoiqu'en en dise complètement folles et extrêmement travaillées. Et puis « Revelations » sample un des meilleurs morceaux de Cody ChestnuTT, «Serve This Royalty », donc c’est forcément des bons gars qu'on va marquer à la culotte.

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Casey Veggies - Life Changes

Casey Veggies est un Californien de 20 piges qui a connu les débuts de OFWGKTA, avant l’explosion médiatique, mais qui a décidé de quitter ce crew, alors émergent, pour faire son « propre truc ». Pas sûr que ce soit un bon plan de carrière mais bon. Sur Life Changes, l’ensemble proposé est assez bon, et il n’y a pas grand-chose à jeter. Mais le hic, c'est qu'il n'y a pas vraiment de sommets indiscutables non plus. Le piano jazzy de « Young Winners » est assez original. La légendaire détente californienne transpire sur « She In My Car » avec Dom Kennedy. Casey Jones habite bien le beat sur « Everything Wavy », avec des changements de flow selon la structure du morceau. Harry Fraud nous délecte de son cocktail qui fonctionne toujours aussi bien sur « I Love Me Some You ». « Love  Hate Ulterior Motives » sample “Something Goes Right” de SBTRKT tandis que « Whip It » sample le musicien japonais Yutaka Yokokura. Les influences sont donc hétéroclites pour un résultat plutôt cohérent.

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Waka Flocka Flame - Duflocka Rant vol. 2

Rien de neuf sous le soleil avec cette enième tape signée Waka Flocka Flame: de la trap à foison et des interjections hurlées. Et pas vraiment de morceaux qui sortent du lot, hormis peut-être « Can’t Do Golds » et « Tax Money ». Puis arrive la fin de la mixtape et on découvre l'excellent « Anything But Broke », avec un bon couplet de French Montana, un autre de Frenchie, sorte de Mystikal 2.0, et une ambiance ponctuée de délicats arpèges - ce qui est suffisamment exceptionnel pour être souligné. Le renouvellement des ambiances se poursuit avec « Real Recognize Real », qui confirme la capacité de Lex Luger à se réinventer, ce qu’on avait déjà entrevu sur « Round of Applause ». Le changement c'est maintenant?

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AraabMuzik - For Professional Use Only

Etant assez friand de ce genre d’ambiances je ne doute pas qu’en live l’homme saura remuer les foules, d’autant qu’il n’est pas avare quand il s’agit de maltraiter sa MPC. Mais dans le confort de son salon, For Professional Use se révèle être un disque assez désagréable à écouter. Avec des rappeurs sur les instrus ce serait déjà mieux je pense. D'ailleurs, Azealia Banks a posé sur « Succubi » et c’est tout de suite plus attrayant. Il faut quand même reconnaître qu’AraabMuzik maîtrise assez bien la brutalité sonore, comme sur « AraabStyles » - même si ici on lui préfère un Lunice, plus subtil. Et puis quand on atteint des sommets de beauferie avec « Turn Tha Tide » et sa voix putassière sur le refrain il ne s’agit même plus d’un plaisir coupable comme peut l’être le remix de « Promises » par Nero et Skrillex. On tend parfois l’oreille, quand les cuivres déglingués de « I Can Show You » retentissent par exemple, mais dans l’ensemble c’est quand même assez indigeste.

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Pusha T - Wrath of Cain

 

Cette mixtape a pour but de nous faire patienter avant l'album, et on se tape donc une répétition de « my name is my name » (un sample de Marlo Stanfield de la série The Wire) jusqu'à l'écoeurement histoire qu'on n'oublie pas qu'il s'agit là du titre de la galette à venir. « Millions » est très prévisible, à ranger aux côtés des productions de Lex Luger style « John » et « Hard In The Paint ». Rien d'étonnant puisque le morceau est produit par Southside, qui forme 808 Mafia avec le premier cité. Quant à Rick Ross, forcément présent, il fait du Rick Ross. Pas de trace de « Pain » avec Future par contre, un qui était sorti il y a quelques semaines. Par contre, on retrouve au tracklisting « Blocka », un excellent titre qui s'accomode très bien de cette légère vibe jamaïcaine qu'on retrouve aussi sur la prod' de Jake One pour « Take My Life ». Harry Fraud concocte quant à lui une bonne production (« Road Runner »), et s'il continue à semer ses graines partout il va bien finir par récolter son dû. Les Neptunes continuent à faire des prods un peu insipides (« Revolution »), avec toujours un certain groove, mais plus jazzy (et donc cuivré) que néo-funk. « Only You Can Tell It » est un peu anachronique avec cette voix (mal) pitchée qui nous ramène au début des années 2000. C'aurait pu être plaisant, en plus Wale est toujours assez bon en featuring, mais le piano pourrait sortir d'un film de Guillaume Canet donc c'est chaud. Quant à « Trust You » on dirait du Mike Will Made It avec Future au refrain mais ce n'est ni l'un ni l'autre... Et ça serait anecdotique si Kevin Gates ne faisait pas un excellent couplet. En fait, on se dit que c'est bien de tenter la diversité mais Pusha T a quand même l'air plus à l'aise avec les histoires de dope que d'amour. Et puis il ne s'appelle pas Lova T quoi, merde. Comme souvent lorsque les rappeurs ramènent un vieux pote qui n'a pas percé c'est pas terrible, et « Re-Up Gang Motivation » de Liva n'échappe pas à la règle. La tape se termine sur une prod' de Bink qui se rappelle agréablement à notre souvenir mais comme dit Pusha T à la fin: « it's just an appetizer. » Une phrase qui résume bien le morceau et la mixtape : c'est plutôt bien foutu, il ne s'agit pas de couplets posés sur des tubes préexistants, mais c'est court et pas fou. En même temps c'est une mixtape, et c'est bien mieux que beaucoup d'albums, donc on peut légitimement penser que l'album sera très bon.

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