La mixtape est un passage obligé pour tous les rappeurs désireux de signer avec une maison de disques prête à aligner les dollars. C'est aussi un bon moyen d'entretenir le buzz pour un artiste confirmé entre deux albums ou deux passages derrière les barreaux. Cette année 2010 aura été généreuse en sorties, et comme d'habitude, le pire a côtoyé le meilleur. Pour ce premier volume de Hood Therapy, nous vous faisons un petit aperçu des artistes à suivre de près et des tapes indispensables - liens de téléchargement inclus, parce qu'on est vraiment des mecs sympas. En 2011, cette nouvelle section de Goûte Mes Disques optera pour un rythme de publication plus régulier et sera l'endroit rêvé pour se pencher sur l'actualité du hip hop undeground US. Mais d'ici là, place au son et à la découverte...
Thibaut
Yelawolf
L'un des buzz de cette année sera sans conteste Yelawolf. Du fin fond de l'Alabama, le bonhomme a en effet sorti en début d'année une mixtape pleine de promesses intitulée Trunk Muzik (à télécharger ICI). Après deux tapes sorties dans l'anonymat en 2008, Yelawolf se fait remarquer douze mois plus tard en featuring sur l'album de Slim Thug (Boss Of All Bosses) puis avec un titre en collaboration avec Juelz Santana qu'on vous conseille très très chaudement.
Yelawolf c'est tout d'abord un look improbable, à mille lieues des standards qui régissent le hip hop actuel: blanc, gringalet, tatoué, cheveux longs et/ou rasés. Le redneck en puissance. Oui mais voilà, le bonhomme possède un flow unique, à mi-chemin entre Eminem et Twista. Le morceau introductif de la tape plante directement le décor. Tout au long de celle-ci, le phrasé déconcertant de Yelawolf frappe l'auditeur, notamment sur le très beau « Box Chevy Part.3 » ou le musclé « Good To Go » auquel participe Bun B. Le seul bémol? Des productions qui ne sont clairement pas à la hauteur de ses capacités . Espérons que le problème aura été réglé sur son premier album paru il y a peu et intitulé Trunk Muzik: 0-60.
Big K.R.I.T.
Passons maintenant au cas Big K.R.I.T.. Originaire du Mississippi, celui-ci a en effet prouvé avec KRIT Wuz Here qu'il faudra compter sur lui dans les années à venir. Def Jam ne s'y est d'ailleurs pas trompé et l'a fait signer dans la foulée de la sortie de la fameuse mixtape KRIT Wuz Here qu'on vous encourage à télécharger ICI. Quasi inconnu jusqu'à il y a peu, K.R.I.T est donc entré dans la lumière grâce à une tape en tous points parfaite. Producteur de l'intégralité des titres et excellent rappeur, il propose en bon sudiste des productions soignées que n'auraient pas renié UGK ou Goodie Mobb. Aidé par Wiz Khalifa, Curren$y ou le parfait Devin The Dude, il livre 18 morceaux solides, tantôt mélancolique ("Hometown Hero" et son sample d'Adele) tantôt plus rugueux ("See Me On Top"). Espérons donc que le légendaire label new-yorkais saura exploiter au mieux le potentiel énorme de ce fils spirituel du regretté Pimp C.
Freddie Gibbs
Toujours dans cette veine "Southern rap", un autre outsider a frappé fort cette année. Déjà l'an dernier, Freddie Gibbs avait livré avec Midwestgangstaboxframecadillacmuzik (hommage à peine voilé au Southernplayalisticadillacmuzik d'Outkast qui se télécharge ICI) une alléchante mixtape qui mettait en avant la fraîcheur de son flow et de son attitude. Parfois comparé à Tupac Shakur, surtout par rapport aux thèmes développés dans ses morceaux, il se rapproche toutefois (tant musicalement que vocalement) d'un Z-Ro avec une alternance entre des morceaux laidback et d'autres beaucoup plus street. Son premier EP sorti cet été, Str8 Killa, produit en partie par le duo de producteurs qui monte Block Beataz, enfonce le clou. Porté par l'énorme tube qu'est « National Anthem (Fuck The World) », ce mini album de 8 titres assoit définitivement la présence de Freddie Gibbs dans le paysage rap US, et ce pour un bon moment. Rappeur « à l'ancienne », Gibbs prévoit de sortir un autre EP avant la fin de l'année entièrement produit par The Alchemist, beatmaker pour Prodigy, Dilated Peoples ou Mobb Deep. Son premier album, « Baby-Faced Killa » est lui annoncé pour courant 2011.
National Anthem (Fuck The World)
Gucci Mane
La pression du premier album, Radric Davis a connu cela il y a déjà près de 5 ans avec la sortie de Trap House. Cinq albums plus tard, Gucci Mane est devenu, à l'instar de Lil Wayne, un artiste majeur outre-Atlantique. Ses frasques judiciaires, son amour immodéré du bling bling et son flow nonchalant si caractéristique l'ont en effet propulsé sur le devant de la scène. A raison de 6 ou 7 mixtapes par an minimum, il inonde le marché et bénéficie ainsi d'une visibilité plus que solide. Alors bien sûr si la qualité n'est pas toujours au rendez-vous, l'une de ses dernières tapes en date (Jewelry Selection à choper ici) prélude à un album sorti fin septembre (The Appeal: Georgia's Most Wanted) est supérieure à bon nombre d'albums sortis cette année. Pourtant le single annoncé de son nouvel album produit par Swizz Beatz (« Gucci Time ») déçoit, la faute à un sample poussif de Justice et à une similitude trop évidente avec le "On To The Next One" produit pour Jay-Z par le même Swizz Beatz.
Le reste est heureusement bien meilleur. A base de « Burrr », « Skurr » et autres excentricités lyricales, Gucci défonce littéralement les titres un par un. Le terrible « Cleopatra » emmené par un flow presque murmuré et pourtant menaçant ou l'efficace « Trap Talk » constituent quelques-uns des sommets de cette excellente tape qui nous laisse augurer un très bon cru pour cet album qui vient de sortir. L'autre actu de Gucci c'est la création de son nouveau label, 1017 Brick Squad Records suite à son départ de So Icey Entertainment. Comme Lil Wayne avec Young Money, Gucci a donc son supergroupe, un trio qu'il forme en compagnie de OJ Da Juiceman, son fidèle collaborateur, et Waka Flocka Flame.
Waka Flocka Flame
Revenons justement sur le cas de ce dernier. Malgré des débuts récents (en 2009 avec O Let's Do It), la liste des invitées sur son premier album sorti début octobre ferait pâlir de jalousie n'importe quel rappeur lambda. En effet, outre Gucci Mane, on retrouve Diddy, Rick Ross, Soulja Boy, Tony Yayo, Lloyd Banks, Juelz Santana, Wale, Ciara ou encore Travis Barker pourprêter main forte au new-yorkais d'origine. Cet été «Flocka Nation » a fait trembler les enceintes de tous ceux qui y ont jeter une oreille. Instrus bien fats (le prodige Lex Luger est dans le coup), flow bien énervé (on est ici plus proche de Crime Mobb que de Drake), ambiance bordélique et lyrics thugs de rigueur. 22 titres, une qualité sonore pas toujours au rendez-vous mais tout de même des fulgurances comme le remix de « Hard In The Paint » avec Rick Ross et Gucci Mane ou le furieux « Putting In Tha Work ». Au final, une mixtape certes inégale mais qui mérites quand même une écoute pour jauger le potentiel du controversé Waka Flocka Flame.