Goûte Mes Mix #94 : Lizzie B2B Matilda (Zone Rouge)

Depuis octobre 2019, le collectif Zone Rouge écrit l’une des pages les plus excitantes de l’histoire des musiques électroniques de Nantes, voire au-delà des frontières de la Cité des Ducs. Dans le sillage du mouvement MeToo et en faisant le constat du manque de représentativité et de l’invisibilisation des femmes dans le milieu du djing, Soa et Aasana ont décidé de fonder ce collectif féministe intersectionnel. En plus de ces deux fondatrices, le collectif se compose d’Akira, Tina Tornade, Matilda, Super Salmon et Lizzie, qui ont bien l’intention d’occuper une place qui leur a été trop longtemps refusée. Résidences, passages radios, mixes tous azimuts, les Nantaises font feu de tout bois et distillent bass music, deconstructed club music, rap, reggaeton, downtempo, house et techno à un public toujours plus large. Avec un adage façon les Trois Mousquetaires, « une pour toutes, toutes pour une », chacune garde pourtant son originalité et sa vision propre de la musique électronique. C’est donc tout naturellement que Lizzie et Matilda ont choisi de faire fusionner leurs univers respectifs pour leur tout premier B2B. Un mix si impeccable et dynamique qu’il semblerait sorti d’un seul et même cerveau. 

Bonjour à toutes les deux ! Avant tout chose, pouvez-vous vous présenter et nous parler de vos influences et de ce qui vous à mener à joindre le crew Zone Rouge ? Simple volonté de jouer de la musique qui vous plait ou engagement plus politique ? 

Lizzie : J’ai toujours été attachée au milieu de la musique, dans lequel j’ai eu mes premières expériences professionnelles et associatives. En ce qui concerne le djing, c’est grâce à la radio Prun’ que j’ai eu l’occasion de faire mes premiers pas en tant que DJ il y a plusieurs années, à l’occasion d’événements musicaux organisés par la radio sur Nantes. À l’époque, je mixais sur vinyle dans un univers plus orienté rock psyché, jazz et pop. Et un jour j’ai découvert le mixe sur platines numériques, ce qui a élargi mon univers musical aux musiques électroniques et m’a permis de davantage mixer. En parallèle, j’ai co-créé le collectif Fast et Furieuses aux côtés de Dou et Tina Tornade, un collectif féministe qui se réapproprie les codes du tuning avec impertinence !

J’ai rejoint l’aventure Zone Rouge lors de la première soirée du Collectif dans le lieu artistique Askip (Nantes), date à laquelle j’avais été invitée en guest. Suite à cette expérience, les deux fondatrices Soa et Aasana m’ont proposé de rejoindre le collectif, dans lequel je suis membre active depuis un an et demi.

Matilda : J'ai grandi dans une famille de musiciens, j'ai commencé à jouer de plusieurs instruments dès mon enfance. À l'adolescence j'ai monté un groupe de punk rock avec des ami·es. C'est à ce moment-là que j'ai vraiment développé mon amour de la musique live. L'envie de mixer est venue un peu plus tard, lorsque j'ai commencé à baigner dans le milieu des musiques électroniques en fréquentant des raves, festivals et clubs tant en France qu'à l'étranger. 

C'est à Séoul en Corée du Sud, il y a quelques années, que j’ai véritablement commencé à mixer et qu'a débuté ma carrière de DJ. J'ai fait mes armes en rejoignant la scène électronique de Séoul notamment à travers des soirées à Puxxyberry café (scène locale queer). J'ai eu la chance d'y rencontrer de nombreuses femmes DJ avec qui nous organisions des soirées. J'en garde un très bon souvenir ! En arrivant à Nantes, je voulais retrouver cet esprit de communauté autour des musiques électroniques, et j’ai eu la chance de croiser la route du collectif Zone Rouge lors de leur soirée à Askip. Suite à cette rencontre, les deux fondatrices Soa et Aasana m’ont proposé de rejoindre le collectif. J'y suis à présent DJ résidente, j'en suis ravie car je retrouve cet esprit de communauté et de sororité que j'avais pu connaître à Séoul. 

Zone Rouge fait désormais partie des poids lourds de la scène nantaise et on ne peut que vous en féliciter. Savez-vous si votre initiative commence à essaimer dans d’autres coins de l’Hexagone ? Êtes-vous en lien avec d’autres collectifs ou associations du même genre ? 

Zone Rouge n’est pas le premier collectif féministe intersectionnel, il existe aussi de nombreuses autres initiatives féministes et queer dans le milieu des musiques électroniques, mais ces dernières années cela s’est peut-être renforcé suite à la vague « Me Too » et aux témoignages de violences sexistes et sexuelles que l’on a vu apparaître dans le milieu de la musique. Zone Rouge s’inscrit dans une période de prise de conscience à l’échelle de la société. Nous nous inscrivons dans un tout, qui nous amène à faire preuve d’une grande solidarité entre toutes. 

En terme de collaborations, en France, nous avons pu rencontrer et même partager la scène avec des collectifs tels que Les Soeurs Malsaines et Connect'Her à Paris, Elemento Records à Rennes, entre autres, qui sont de chouettes initiatives à suivre !

À l’international, nous avons eu la chance de réaliser une série de podcasts pour le projet Puxxyberry x GG Vybe, réunissant deux collectifs queer et féminins de Frankfurt et Séoul. 

Bien que dealeuses de bonnes vibes, Zone Rouge est un collectif éminemment politique. On aimerait votre avis sur ce hiatus entre l’image très ouverte aux minorités qui parcourt la musique électronique et l’invisibilisation de celles-ci que vous combattez à travers votre collectif. Comment expliquez-vous cet écart entre le discours et le réel au sein de cette scène ? 

Le hiatus entre l’invisibilisation de certaines catégories de personnes et l’émergence de collectifs de ces mêmes personnes qui militent pour être davantage visibilisé·e·s au sein des musiques actuelles est à l’image de la société dans laquelle nous vivons. La musique n’est pas la seule discipline concernée, on le voit aussi avec le milieu de la culture en général, mais aussi la politique, le travail (entre autres) où les femmes, les personnes trans, les personnes racisées ne sont pas ou peu représentées et n’occupent que peu des postes de pouvoir. L’essence même de la création de Zone Rouge réside dans le constat qu’il n’y avait pas assez de représentativité des femmes, personnes queer et racisées dans les programmations des scènes électroniques locales. Notre collectif se positionne pour défendre d’autres visages, d’autres esthétiques, et pour contribuer à instaurer davantage d’équité dans les programmations musicales. Il y a encore beaucoup de choses à changer, mais nous restons optimistes et solidaires !

Revenons à votre mix, pouvez-vous nous dire comment vous l’avez construit et fait fusionner vos univers respectifs ?

Nous avons chacune nos univers respectifs, MATILDA mixe plutôt dans un univers néo-rave onirique et organique aux sonorités breakées, techno, house et expérimentales, LIZZIE quant à elle mixe actuellement plutôt dans un genre bass music, attaché aux sonorités psyché, breakées et groove. Nous n'avions jamais eu l'occasion de mixer ensemble, et ce podcast pour Goûte Mes Disques a donc été l'occasion de nous challenger en unissant nos univers différents !

En guise de ligne musicale, nous sommes parties sur un univers deep et déconstruit, qui correspond à chacune de nos identités. Donc merci de nous avoir proposer cette opportunité, on espère que le résultat va vous plaire !

Pour clore, pouvez-vous nous parler de vos prochaines actualités et projets à venir ? 

Avec la Covid, l'avenir est malheureusement toujours incertain, et la fin 2021 a vu de nombreuses dates s’annuler. 

Le collectif a une résidence à Macadam, Club Culture spécialisé dans les musiques électroniques basé à Nantes. En décembre, nous avons déjà pu y proposer notre première soirée avec Soa et Tina Tornade, DJ résidentes de Zone Rouge, en invitant Quest?onmark, artiste de New York en special guest. 

Trois autres dates à Macadam sont prévues, nous espérons qu'elles auront lieu !

Nous renouvelons aussi une résidence au bar club du Lieu Unique, scène nationale basée à Nantes, dans lequel on propose un DJ set tous les deux mois. 

En parallèle, chacune de nous deux propose son émission sur la radio Prun':

Lizzie anime chaque jeudi soir « A$AP BASS », une émission hebomadaire de bass music, et, Matilda co-anime aux côtés de la DJ Dou « Asian Playground », une émission mensuelle mettant en lumière des artistes et producteur·rice·s d’Asie. Les podcasts sont à retrouver sur le site de Prun’ pour les curieux·ses.

En tout cas, on espère pouvoir retrouver les clubs très rapidement, la danse nous manque !

 

Matilda :
www.facebook.com/matilda.gx4
www.instagram.com/matilda.gx4/
soundcloud.com/matilda_gx4

Lizzie :
www.facebook.com/lizziedj
www.instagram.com/lizzie_haikey/
soundcloud.com/lizzie-haikey