Goûte Mes Mix #89: Théo Muller
Tracklist
- Guadal Tejaz - Tejaztlipoca
- Ashinoa - Hendwe
- Strange Brew - Swagman
- Orbital Panzer - Kalinka Rommel Pt. 1
- Geins't Nait - Cameo
- Psychic TV & Genesis P-Orridge - Muzak For Frogs
- Free Weed - Later
- Raison d'Etat - Promised Land Of Canada
- Mynationshit - He Glares But Says Nothing
- Teknomom - Dipneuste
- Strasbourg - Kill
- Mode in GliANY - Confusion
- The Villejuif Underground - Post Master Failure
- Crash Course In Science - Jump Over Barrels
- Tindersticks - El Diablo En El Ojo
Cela fait pas mal de temps que le nom de Théo Muller est sur nos tablettes, pourtant entre la production (pour Concrete Music, Vasteschoses, Lumière Noire...), le djing (sa résidence à la Machine du Moulin Rouge), la gestion de son nouveau label Krakzh et l’organisation de noubas sur Rennes et Paris, le Breton est un homme occupé. Touche-à-tout mu par cette volonté de répandre la teuf comme certains répandent la bonne parole, Théo Muller a choisi de revenir sur ses terres bretonnes pour poursuivre son aventure. Le confinement nous a permis de lui mettre la main dessus pour qu’il nous concocte un mix, loin des musiques électroniques qu’ils affectionnent tant là-bas. Le Rennais a choisi de nous prendre totalement à contre-pied, avec tout un tas de guitares, des pédales d'effets et des boîtes à rythmes. Disons-le, les DJ rock ne sont pas souvent des as de la CDJ, mais ici, Théo Muller parvient caler le souffle et les respirations d'un bon mix de musiques électroniques. Le résultat n’en est que plus réussi.
On sait que tu es bien connu sur Rennes et en Bretagne pour les amateurs de musiques électroniques, mais peux-tu nous parler de ton parcours ?
J'ai commencé par jouer de la batterie grâce à mon père. Ado, j'étais dans un petit groupe, puis j'ai migré vers la techno. En 2010, nous avons créé Midi Deux, un blog, un label et surtout des évènements qui finissaient parfois tard le matin. Côté pro, j'ai été stagiaire pour Infiné, Warp France, Les Siestes Electroniques puis j'ai bossé à Paris au Monseigneur et à La Machine du Moulin Rouge où j'ai eu la chance d'avoir une résidence, Dada Temple, pendant 3 ans. L'année dernière j'ai décidé de retourner à Rennes, j'ai monté mon label Krakzh ainsi que des soirées à l'Ubu ou aux Agités. Aujourd'hui, je navigue entre techno, dub, rock et downtempo.
Tu es le troisième artiste de Rennes après Ringard et Blutch à être accueilli sur ces pages. De loin, on a toujours l’impression que ça bouge toujours en terres bretonnes. Peux-tu nous expliquer pourquoi cette scène rennaise, et bretonne plus largement, est aussi dynamique ?
Je pense que cela est dû à la qualité et à la multiplicité de nos festivals, Astropolis sur le plan électronique, les Transmusicales, Visions, Binic Folks Blues Festival... Avoir ce genre de festivals est une chance pour la jeunesse qui peut ensuite s'en inspirer pour faire son truc. Il y en a pour tous les goûts et de toutes les tailles. La puissance de la scène free party participe également au dynamisme culturel breton ainsi que notre amour pour la liche (ndlr : l'alcool). On sait faire la fête en Bretagne.
Krakzh est un jeune label fondé en 2019, mais tu as aussi été à l’initiative depuis pas mal d‘années des soirées et du label Midi Deux. Peux-tu nous expliquer la genèse de ce label et en quoi il diffère de Midi Deux ?
Krakzh c'est mon projet et Midi Deux c'est notre projet on va dire. Midi Deux est une famille de copains et des fêtes inoubliables couvrant un spectre électronique assez large. J'ai lancé Krakzh avec pour objectif de développer un son rugueux, corrosif, de mettre en avant des jeunes artistes bretons et des amis d'ailleurs. Je fais des collages complètement shlags et mon pote Valentin Fontaine s'occupe du design, c'est lui qui a créé le logo et on a commencé à faire des t-shirts. Krakzh c'est aussi un moyen de savoir où j'en suis musicalement et que les gens arrêtent de me considérer comme un DJ house. J'adore la house, mais j'évolue avec le temps et les rencontres que je fais.
Tu vogues avec plein de références à la Bretagne, entre ta compilation Krakzh de producteurs 100% BZH, le nom de ton nouvel EP Diaoul qui signifie Diable en breton. Est-ce plutôt une manière de détourner tout l’imaginaire breton ou une vraie volonté de faire vivre cette identité ?
Les deux, faire vivre une identité en la détournant. Je trouve cool de rattacher le côté creepy des légendes bretonnes à l'imaginaire techno, de façon implicite. Plus le temps passe, plus j'aime la Bretagne et moins je me vois vivre ailleurs. J'espère finir ma vie au bout du bout, dans le Finistère amer ou sur une île.
Diaoul vient de sortir sur le label Lumière Noire de Chloé. Comment s’est passée votre rencontre ? Qu’est ce qui t’a motivé à rejoindre ce label pour ton EP plutôt que de le sortir sur ta structure ?
Via Peggy Szkudlarek de mon agence de booking Dif Productions. Peggy est une personne à qui je dois énormément dans ma petite carrière musicale. Grâce à elle nous avons commencé à échanger par mail avec Chloé. Je lui ai envoyé des tracks dont "Douce Transe" qui est sorti sur la compilation From Above Vol.1. En amont de notre date au Festival Peacock Society, nous avons fait un b2b sur Rinse France puis on a continué à échanger de nombreux mails pour obtenir un EP cohérent. Chloé m'a donné des conseils et m'a permis de revenir à des sonorités plus rock dont je m'étais éloigné. On a construit ce maxi ensemble et ce n'est pas sur Krakzh qu'il a sa place. Pour la petite histoire en 2010, j'étais devant Chloé à St-Brieuc à La Passerelle, c'est à partir de là que j'ai commencé à la suivre, 10 ans après je suis fier de pouvoir sortir "Diaoul" sur son label.
Tu es un producteur de musique électronique, pourtant tu as choisi de nous faire un mix aux influences très rock/coldwave. Peux-tu nous parler de ton rapport à cette musique et nous expliquer ton choix de nous mixer du rock ?
Je viens de cette musique et j'y reviens, j'en ai toujours écouté mais c'est la première fois que j'enregistre un podcast de guitares. La mort d'Andrew Weatherall m'a fait remettre en question mon rapport à ce culte de la performance, du "il faut que ça tape". Et honnêtement j'ai de plus en plus de mal à écouter de la techno en podcast, tu survoles le truc avec l'impression que tout se ressemble. Je préfère la techno en live, en club, en rave et moins dans un salon. Alors que ce mix je peux le réécouter en buvant du vin avec des amis.
Quels sont tes projets à venir ?
Le petit groupe d'adolescents mentionné dans la première question est en train de renaître, c'est très excitant ! J'espère qu'on réussira à avoir un EP correct avant 2021. Sinon une nouvelle compile Krakzh et un premier vinyle d'Antoine & A Strange Wedding, je vous parle là d'un vrai missile ! Et j'ai envie d'acheter un groupe électrogène pour le monde d'après…
crédit photo : Yves De Orestis