Goûte Mes Mix #80 : Bajram Bili
Tracklist
- ELLES - god
- Pugilist - Undulate
- Overmono - Phase Magenta
- SNOW - Intensity (feat. Dread MC)
- Laxenanchaos - Laid Back
- Rhyw - Lurk Late
- Barker - Hedonic Treadmill
- E-Saggila - Crimson Liquescence
- Special Request - Memory Lake
- DJ Bogdan - Love Inna Basement (Morning Dub)
- Daniel Avery - Hyper Detail
- Schacke - Trained To The Floor
- Bjarki - Hrai Hötturinn
- Stenny - Fail Better (Bent Mix)
- Mani Festo - Warehouse Theory
- Oneohtrix Point Never - Chrome Country
Quand notre amour des musiques électroniques rencontre l'admiration que l'on porte au travail acharné du label Le Turc Mécanique, cela donne Bajram Bili. Entretien avec l'une des étoiles montantes de la scène électronique hexagonale, mix exclusif à la clé et bon gros cœur avec les doigts.
Tu es signé sur le Turc Mécanique, label qui ratisse un spectre de musiques très large. Peux-tu nous parler de ta rencontre avec le label et nous expliquer comment tu t’inscris dans leur catalogue ?
J'ai connu Charles fin 2014. A l'époque, il était rédacteur musique pour un magazine et moi je sortais un single pour annoncer mon premier album. Il m'a écrit pour me dire que c'était cool et qu'il en parlait sur le site. En le remerciant on s'est mis à discuter tous les deux... On s'est dit que ce serait cool de sortir un truc ensemble. Nous n'avons plus cessé de nous parler, nous sommes devenus amis et en décembre 2015 on a sorti le EP 'Distant Drone', premier volet d'une belle histoire avec Le Turc Mecanique. Si Charles n'avait pas été si sûr de lui, je ne sais pas si le morceau 'Roger & Stan' aurait vu le jour sur cet EP. Je l'adorais mais je ne savais pas si c'était "bien", je ne sais pas trop comment l'expliquer. Quand je regarde la vie qu'a eu ce track, je ne peux que remercier Charlot ! Jusqu'en 2017, pas mal de sorties chez Le Turc Mécanique ont été faites en coprod avec Another Record. C'était rassurant pour tout le monde, ça a permis de sortir davantage de trucs, et puis surtout c'était humainement chouette.
Le Turc Mecanique est plus que le label sur lequel sortent la plupart de mes disques... Charles est aussi mon manager, Thomas est lui aussi devenu un ami quand il a rejoint le label. Leur soutien me fait du bien, j'aime la relation qui est la nôtre.
Quant au spectre musical très large dont tu parles à propos du label, c'est vrai que les artistes LTM ont des univers bien différents mais pourtant, je trouve qu'il y a souvent quelque chose qui les réunit. Pour ma part, je trouve super d'être sur ce catalogue. Lorsqu'on se retrouve pour des dates en commun, le côté familial qui se dégage est touchant, et le mélange de toutes ces sensibilités est très enrichissant.
Est-ce que ton dernier EP signé sur Lumière Noire (ndr : le label de Chloé) avait pour ambition de davantage toucher les scènes techno ?
Cette question est amusante parce que 'Reshaped Distortion' est probablement ma sortie la moins "techno" des dernières années. Là aussi, c'est une histoire de rencontre. Je n'ai pas cherché à toucher telle ou telle scène. En fait, j'ai eu la possibilité d'envoyer un inédit à Chloé lorsqu'elle préparait la sortie de la première compilation de son label. Elle a adoré le morceau, il est apparu sur la compil, et elle m'a proposé de sortir un EP chez Lumière Noire. On est très contents de ce disque, pour lequel je reconnais m'être mis beaucoup de pression tout seul. J'ai voulu trop bien faire. En plus, c'était une période un peu floue pour moi, artistiquement et dans ma vie. Je garderai toujours un souvenir précieux des sessions studio pour ces morceaux, de la release party à La Boule Noire, des échanges que j'ai pu avoir avec Chloé...
Et pour revenir à ce que tu me demandais, j'ai beaucoup appris grâce à cet EP, mais pas en touchant ou en voulant toucher une scène en particulier. J'ai appris d'autres choses, plus importantes je crois, d'un point de vue professionnel comme personnel. C'est très positif.
Bon, parlons un peu de ton fief : Tours. Hormis les choses autour de Radio Béton et Aucard de Tours, on n'a pas le sentiment d’une scène grouillante dans le Centre. Est-ce qu’on dit des grosses conneries ? Comment ça se passe pour toi là bas ? Y a-t-il une scène techno tourangelle ?
Grâce aux Ilots Electroniques, la techno et la house bénéficient d'une très belle mise en valeur. C'est important qu'il y ait cela et j'en suis ravi. En plus, l'équipe est vraiment super, pareil pour le public et l'ambiance. En revanche, c'est un peu compliqué pour le versant plus aventureux des musiques électroniques ici... Les propositions sont plus rares, et il faut avouer que c'est souvent l'assurance de faire un four, hélas. Pourtant, des assos comme Twerkish Tourneur ou Wolfpack ont déjà programmé des soirées top de top, et il y a des fidèles !
A titre personnel, lorsque je joue pour des évènements organisés par Aucard ou Les Ilots, c'est toujours très fort. Il y a beaucoup de partage, je me sens soutenu, je suis ému... C'est génial ! Après, en dehors de ces dates là, ce serait mentir de dire que ma musique "vit bien" à Tours. C'est souvent plus simple ailleurs pour moi. J'ai cherché une réponse à cela pendant pas mal de temps, puis j'ai arrêté. Je m'en suis accomodé. J'aime habiter dans cette ville et j'ai toujours autant envie d'y jouer, de donner le maximum.
En fait, parmi mes amis tourangeaux, la plupart ne sont pas du tout dans le milieu de la musique. C'est parfois déconcertant mais également très bénéfique. Il y a quelques personnes très proches avec qui je parle quand même de tout ça, hein... Je reconnais que ma situation est un peu particulière mais elle me va. Ce n'est pas quelque chose de réfléchi et même si je ne m'inscris pas dans une "scène techno tourangelle" – s'il en existe une – je ne suis pas du tout fermé. On parlait des Ilots Electroniques : eh bien par exemple, c'est une équipe que j'ai rencontrée il y a peu de temps mais j'aimerais beaucoup qu'on refasse des trucs ensemble. Ça m'a fait du bien de faire leur connaissance. Hum... Donc peut-être que finalement, je ressens un petit manque quand même. (sourire)
Quels sont tes projets en cours et futurs ?
Actuellement, je suis en studio la plupart du temps. En septembre, avec mon équipe on a tilté sur quelque chose : on a dû écrire plusieurs fois sur des textes promo que telle sortie était "un nouveau départ" ou d'autres phrases du même genre. Mais en fait, quand cette sensation te tombe réellement dessus, c'est bien plus fort. C'est évident, impossible à contourner. J'en suis là. Je démarre le véritable second chapitre de cette aventure. L'impression d'avoir clôturé quelque chose en cette année 2019 est très claire. Je me sens donc très frais et surtout très impatient de faire écouter ce sur quoi je travaille ! Mais nous n'y sommes pas encore. J'ai du nouveau matériel, je bosse d'une manière un peu différente... Et surtout : j'arrête d'avoir peur du temps qui passe. Ça ne peut faire que du bien à ma musique.
Concernant la scène, je ne fais pas de pause mais jusqu'à une date que je ne connais pas encore, il n'y aura que des dj sets. J'ai essentiellement tourné en live ces dernières années et ça me fait un bien fou de me consacrer à nouveau aux dj sets, de pousser le truc un peu plus loin. Pour ce qui est du live, là aussi j'ai le sentiment d'être arrivé au bout d'un chapitre. En fait, c'était déjà le cas fin 2018. J'ai re-bossé un set pour défendre 'Reshaped Distortion' mais c'est tout, je ne voyais pas plus loin. A présent, quand je me remettrai au travail sur un live set, ce sera lorsque j'aurai fini d'enregistrer plusieurs morceaux, avec l'esprit plus disponible. Bon, en vrai j'y pense déjà car pour cela aussi j'ai hâte ! Je ne vais pas faire de teasing mais ce qui est sûr, c'est que ce ne sera pas la même configuration que ces dernières années. Il y aura des choses en plus...
Peux-tu nous parler de ta manière d’aborder tes mixes et revenir un peu sur celui-ci ?
Je fais très attention à la narration, j'ai toujours cela en tête. Il faut aussi que j'entende le mix respirer, si je puis dire. Même si je suis très concentré sur la rythmique, la mélodie est pour moi quelque chose d'essentiel, elle reste très présente. Les morceaux les plus mélodiques ne sont jamais placés au hasard. J'aime jouer sur le côté "ascenseur émotionnel", que ce soit dans les sets enregistrés à la maison ou sur scène. Etant quelqu'un d'hypersensible, il y a peut-être un lien... (rires) On retrouve tout ça sur ce mix. Je l'ai réalisé fin septembre, ça commence à dater un peu. Dedans, il y a notamment des tracks qui ont été des moments forts de mes sets des derniers mois, des morceaux plus récents, dans une atmosphère particulièrement automnale malgré tout.
Bajram Bili sera en DJ set au Sucre à Lyon ce 15/12.