Goûte Mes Mix #27: Mokele
Tracklist
- Mokele – Intro
- Sepalcure – Make You (Hotflush)
- Bobby Konders – Massai Woman (Nu Groove)
- James Mason – Nightgruv (Rush Hour Recordings)
- Locked Groove – Firefall (Hotflush)
- Indian Ocean – School Bell / Treehouse (Sleeping Bag)
- Die Roh – Look Out (Tessela Remix) (Vae Victis Records)
- Martyn – Seventy Four (Redshape rmx) (3024)
- Mokele - Enschede
- Golden Teacher – Double Bump (Optimo)
- 69 aka Carl Craig – Jam the Box (R&S)
- Four Tet – Sing (Mosca rmx) (Domino)
- Sensate Focus (2) – X (Sensate Focus)
- Derrick May – The End (Transmat)
Notre précédent Goûte Mes Mix était l'œuvre du génial Max Cooper, un mec dont la popularité se juge à l'aune des 42.000 fans qui le suivent sur Facebook. Pour ce nouveau volume de la série, on change tout de suite de division, puisqu'à l'heure actuelle, le Liégeois Mokele ne compte que 75 pauvres followers sur Facebook. En gros, les copains, la famille et quelques couillons bien informés comme nous. Car Mokele est un artiste sur lequel on a envie de parier les quelques kopecks qui traînent dans le coffre-fort de nos bureaux bruxellois.
Le producteur étant un parfait inconnu, il est bon de commencer par les présentations: "Je suis né au milieu des années 80, j'ai commencé la musique quand j'étais gamin en faisant du piano avec des années d'académie et de cours en tout genre qui m'ont principalement appris l'ennui et le génie des compositeurs allemands et autrichiens. En 97 j'ai acheté mon premier exemplaire de Trax, et ça a été le début de ma fascination pour la musique électronique, les machines, la musique de Détroit et de Londres. J'ai voulu m'acheter mes machines pour pouvoir copier mes idoles. Ça a duré quelques années puis je me suis un peu lassé. Ensuite j'ai commencé à travailler dans des cafés, clubs, salles de concerts où j'ai rencontré des gens avec des univers musicaux très variés, ce qui m'a pas mal ouvert l'esprit et permis de modifier ma façon d'aborder la musique. Pendant tout ce temps, ma musique est restée en toile de fond mais je ne la faisais pas écouter à grand monde et je ne finissais jamais un morceau. Je pense que ça commençait à faire peine à voir donc je me suis fait secouer par mes potes." Et c'est clair que pour le coup, on remercie les copains de Mokele, parce que le bonhomme a plutôt tendance à jouer les handicapés sociaux à une époque où une bonne connaissance des techniques de réseautage est nécessaire pour se faire un nom.
Notre attachement au travail de Mokele est d'autant plus fort que le jeune homme est originaire de Liège, une ville qui a vu le rédacteur en chef et son fidèle adjoint naître, grandir, et perdre pas mal de neurones dans les infâmes troquets de son légendaire Carré. Mais Liège, c'est surtout une ville qui, pendant trop longtemps, n'a pas vraiment été gâtée en matière de musiques électroniques. Il y a bien eu le collectif Forma.T pour un peu faire bouger les choses à l'époque de la French Touch 2.0, mais cette fine équipe a vu son entreprise s'essouffler en même temps que le mouvement dont elle défendait les couleurs. Depuis, c'est un peu le retour à la case départ malgré quelques bonnes initiatives pour faire avancer le schmilblick. Et Mokele a bien compris la situation: "Pour Liège, c'est le même problème que pour toute la Belgique francophone. Pas vraiment de moyens, presque plus de lieux de diffusion et une bonne partie du public potentiel camé à The Voice. Pourtant, Liège c'est plutôt sympa: c'est un grand village en fait. Mais depuis quelques années, on s'y ennuie un peu le soir. Comme je disais, les lieux de diffusion ont fermé les uns après les autres principalement à cause de nuisances sonores. Plutôt que de considérer ces endroits comme des lieux d'échanges sociaux et culturels indispensables à une vie citadine, la ville préfère en faire des nuisibles, les enterre petit à petit et leur fait comprendre qu'ils ne sont pas les bienvenus."
Mais ici, on croit en Mokele pour jouer les têtes de gondole de ce renouveau dans un avenir proche. Notamment parce que les quelques productions qu'on a entendu de lui font état d'un gros travail sur la forme, mais aussi parce que Mokele incarne à merveille cette nouvelle race de producteurs, ces enfants des noughties qui se sont bâtis une culture électronique impressionnante en ne se fermant aucune porte et en téléchargeant classiques et nouveautés avec une affolante avidité. Il n'y a d'ailleurs qu'à jeter un œil au tracklisting de ce mix pour s'en convaincre: "De l'ancien et du neuf, des trucs plus techno ou disco, d'autres plus ternaires mais tout de même avec une influence assez Détroit où le groove et le côté sombre prédominent." Le Liégeois aime véritablement et profondément la musique électronique, et a choisi de ne pas faire de choix. Et tant pis sur sur son premier single "Enschede", on a le sentiment d'y entendre The Field prendre Jacques Greene en levrette pendant que Carl Craig s'occupe de la mise en boîte. Mokele n'a qu'un titre à nous offrir, c'est vrai. Mais la manière dont celui-ci respire la liberté et dompte le groove nous font penser qu'on tient un mec qui aime sa ville, c'est vrai, mais qui ferait bien d'être aimé par un pays tout entier.