Global Communication : Techno State Of Mind
Regarder en arrière peut s’avérer être un vrai plaisir pour autant qu’on soit bien accompagné. Et revenir aux annales de la techno en compagnie du duo Global Communication, c’est d’emblée choisir le meilleur guide – ou père spirituel c’est selon - pour une virée à la fois historique et essentielle. Et si deux sélections mixées ne suffiront jamais à baliser l’infini du champ early techno, au moins auront-elles le mérite de faire revivre l’histoire d’une des plus belles unions informelles de l’ère électronique : la passion à distance entre Detroit et une certain Angleterre. Car si ces deux pôles d’attraction ont isolément marqué l’histoire de la techno à leur échelle locale, le recul nous amène à penser que ces deux niches ont pu faire cause commune, conceptuellement autant qu’esthétiquement.
Il y a bien sur cet appétit global des producteurs pour le nouvel engin totalement électronique, cette unité au moment de monter des titres sur un kick techno intangible. Mais il y a surtout eu cette volonté commune de travailler dans l’universel sonore, d’amener l’auditeur à se considérer comme égal à ses compagnons d’orgie. Si cette obsession pour l’affranchissement des barrières avait tout d’un slogan de campagne pour les exclus noirs-américains de Detroit, l’Angleterre vivait ceci comme un héritage du passé rave, où la drogue et la débauche avaient déjà détruit pas mal d’inhibitions (quoiqu’on se souviendra de quelques tentatives gouvernementales pour endiguer les ravages de la musique binaire sur les corps). Deux générations marquées par les intincts acid et industriels, vénérant une même gloire à la tb-303 et aux lignes de basses analogiques. Puis il y a les musiques populaires noires-américaines, de la soul et du funk pour les chefs de Detroit au hip-hop pour les furieux de l’intelligent dance music anglaise.
Cette double sélection parle un langage clair fait de claviers spatiaux et de constructions analo, le tout dans une rengaine dancefloor tout sauf linéaire. Chaque kick est un moment d’histoire, et rappelle une ère magnifique ou des structures comme Warp, R&S, Plus 8 ou Underground Resistance menaient fièrement la barque de la dernière révolution musicale du siècle. Une révolution foutrement populaire, qui vivait à travers de producteurs dont le nom est aujourd’hui gravé dans le marbre. D’ailleurs si on prend la peine de regarder derrière les apparences – et surtout derrière les pseudonymes, ces deux sélections invoquent la plupart des grands artisans de l’épopée techno : Derrick May, Reese (Kevin Saunderson), BFC (Carl Craig), F.U.S.E. (Richie Hawtin), Link (Mark Pritchard, moitié de Global Communication), Shake (Anthony Shakir), Speedy J, Balil (The Black Dog), States Of Mind (Richie Hawtin et John Acquaviva), Yennek (Kenny Larkin), 808 State, Barbarella (Sven Vath), Model 500 (Juan Atkins, bouclant là avec Saunderson et Derrick May ce qu’on appellera The Three Of Bellevue, les trois dieux de Detroit), Aphex Twin, Stasis (B12) ou encore les deux de Global Communication.
Bref cette ère tout sauf archaïque peut se targuer d’avoir sorti l’électronique du laboratoire, pour mieux la confier à une frange de la population avide de liberté, pour qui l’association entre conscience et sorties en club n’avaient rien d’infâmant, et surtout rien d’impossible. Finalement nos deux hôtes étaient toutes choisies pour cette tâche, raconter l’histoire de ces deux modes de communication globale.