Piccadilly Records
Manchester
par Kelly Lee Owens
À 18 ans, j’ai quitté mon Pays de Galles natal pour m’installer à Manchester, qui était la grande ville la plus proche de chez moi. Je connaissais déjà le coin, parce que dès que j’ai eu mon permis, j’ai fait régulièrement le trajet pour y sortir, même si officiellement je n’avais pas le droit d’entrer. C’est à Manchester que j’ai pu pour la première fois établir des liens avec la scène musicale d’une grande ville. J’y ai rencontré tellement des gens incroyables, qui m’ont ouvert les yeux et m’ont appris à faire de la musique en me faisant découvrir des sons, en partageant des idées.
À cette époque, je passais pas mal de temps chez Piccadilly Records. Leur sélection de vinyles a toujours été incroyable et variée. J’ai tout de suite senti que c’était là que je devais être. C’est la beauté des disquaires : c’est un lieu de rencontre, un endroit où l’on peut établir des connexions avec des inconnus à travers la musique, ou à travers les recommandations des gens qui y travaillent. On peut aussi simplement rentrer dans le magasin et écouter ce que l’on y passe, ou être attiré par une pochette. Quoiqu’il en soit, il y a ce côté viscéral et tangible qui joue : on tient entre ses mains un objet sur lequel des ondes sonores ont été pressées, c’est le témoignage d’une époque, une sorte de capsule temporelle. Et l’auditeur est la dernière pièce du puzzle. C’est lui qui va poser le geste final, jouer le disque. Ça me fait penser au premier album de Björk, que j’ai écouté des milliers de fois au format numérique. Quand j’ai pu enfin me procurer un premier pressage en vinyle, j’ai eu le sentiment que le disque m’appartenait enfin.
Mais revenons-en à Piccadilly Records. C’est un lieu spécial, parce qu’après Manchester, j’ai déménagé à Londres, où je vis depuis 11 ans. À Londres, j’ai moi-même travaillé chez plusieurs disquaires dont Pure Groove où j’ai fait la rencontre de Daniel Avery et Andrew Weatherhall, puis chez Rough Trade East et Sister Ray. Les disquaires ont donc occupé une place énorme dans ma vie. Et quand ça a été mon tour de faire de la musique, la première chose que j’ai eu envie de faire, c’était de la presser sur vinyle, pour qu’elle puisse exister.
Dès que ce fut le cas, je l’ai distribuée de façon tout à fait artisanale et old school. J’ai fait le tour des disquaires à Londres où je déposais quelques exemplaires de mon disque. Et bien sûr, j’ai contacté Piccadilly Records, qui était l'un des endroits où je voulais que mon premier EP soit disponible. Un jour où j’étais à Manchester, je suis passée leur déposer quelques exemplaires de mon 12’’, pressé à seulement 200 exemplaires. J’en ai déposé une dizaine chez Piccadilly Records et une demi-heure plus tard, je recevais un appel de Patrick, qui bosse chez eux, me demandant de venir en déposer d’autres. Il avait diffusé les deux titres dans le magasin et tout était parti. Ils ont fait une critique élogieuse de mon EP, en ont parlé sur Twitter. C’est notamment grâce à elle que j’ai été signé sur le label norvégien Smalltown Supersound, qui a sorti mon premier album trois ans plus tard. Et on connaît la suite, comme on dit. Merci Piccadilly Records.
Inner Song, le dernier album de Kelly Lee Owens, est sorti en 2020 sur Smalltown Supersound. La Galloise sera en tournée européenne à l'automne 2021.