Plus de bruit
Paris
par Joseph Ghosn (Vanity Fair)
Il est extrêmement difficile de parler d’un seul disquaire. J’ai toujours, et très tôt, considéré qu’il y avait un faisceau de magasins qui se complétaient les uns les autres. Par exemple, j’ai beaucoup appris grâce à Alain, vendeur de la Fnac Wagram, paix à son âme et à celle de ce magasin : Alain me vendait des bootlegs du Velvet en sous-main, dans l’arrière boutique ou chez le traiteur chinois. Il me prêtait aussi des disques : Ash Ra Tempel (« parce que tu aimes Spacemen 3 ») ou les Outsiders (« tu vas voir, ça vrille le cerveau »). Alain avait été traumatisé par son expérience tout jeune du magasin Open Market : trop hippie pour les punks, il avait été mis dehors. Pourtant, il ressemblait un peu à John Cale en plus nerveux. Je complétais ce qu’il me passait grâce à d’autres magasins : Danceteria et New Rose, puis Rough Trade. Et aussi le Rideau de Fer, le temps que Michel le tenait : le samedi, on y trouvait tout, vraiment tout.
Et puis surtout il y a Plus de Bruit. Jean-Paul est vite de venu un ami : j’habitais longtemps en face, je passais là tous les jours et ce magasin est devenu comme une autre maison, une bibliothèque à part, une discothèque en soi : j’y trouve de tout, je ramène ce que je n’ai pas aimé ou ce qui a fait son temps chez moi et l’essentiel est la discussion qui s’est installée entre nous depuis plus de 20 ans. Il porte certains de mes t-shirts et j’écoute des disques qui lui ont longtemps appartenu. Jean-Paul, vous l’avez compris, est devenu un ami et j’aime l’idée que le nom de son magasin puisse se prononcer avec le bruit de la jeunesse et le silence des années qui avancent.
Joseph Ghosn est est directeur de la rédaction du magazine Vanity Fair. Mais on vous conseille également de le suivre sur Instagram, où les textes qu'il publie sont aussi beaux que les disques qu'ils évoquent.