Si vous aimez le rap et que vous sillonnez Instagram comme des esthètes, vous avez sûrement dû voir apparaître les bons coups de pinceaux de Stéphanie Macaigne : l’artiste parisienne s’attaque aux pochettes d'albums qui lui passent par les oreilles lorsqu’elle peint, avec une préférence pour les sorties contemporaines du hip-hop – de Kendrick Lamar à Damso, en passant par Ninho. Une foule de pochettes emblématiques sont ainsi revisitées par sa palette qui leur imprime une vision tantôt expressionniste, tantôt abstraite, mais toujours marquée d’une subjectivité en mouvement, celui du son.
L’exercice ne se résume donc pas à la simple application d’un style pictural sur une photo connue, puisque chaque œuvre porte en elle une réflexion, dont les tenants et les aboutissants se partagent entre l’identité mélodique d’un disque et sa réception par la peintre. Au-delà d’une hype évidente, ce dialogue des arts participe tout de même à relancer une forme de modernité au travers de laquelle le rap assoirait encore sa légitimité, tandis que la peinture abstraite trouverait un nouveau souffle, plus populaire, plus accessible et dynamique. Et puis, surtout, le style de Stéphanie Macaigne nous rapproche de toutes ces œuvres en nous rappelant que nous avons tous été traversés par un disque ; que nous nous sommes tous approprié par l’âme et le cœur des collections de chansons qui ont marqué nos vies. Avec son surplus visible de matière, la peinture cède alors aux pochettes un corps insoupçonné, certes flou, mais tout à fait palpable ; une manière de les percevoir davantage avec épaisseur et mobilité ; une manière qui suggère une possible vie, dans notre monde sensible, comme une possible appropriation.
Si vous suivez l’artiste sur Instagram, vous aurez pu constater aussi que Stéphanie Macaigne est plus généralement une franche mordue de culture – on vous renvoie d’ailleurs vers ses billets « Culture Bis » qui, à partir d’une réflexion initiale, brassent plusieurs domaines tels que l’histoire de l’art, la philo, ou même les sciences –, et surtout de musique venant des quatre coins du monde. Nous étions donc presqu’obligés de l’inviter dans nos colonnes pour lui laisser la parole au fil d’une de nos traditionnelles « boîtes à trésors ». Comme elle le confesse, sa sélection de 10 titres se compose « d’univers complets (personnage/story telling/ visuels travaillés). Quand c’est un peu retro-futuriste ou futuriste j’adore, et musicalement, plus c’est riche dans les influences, plus j’aime. Côté langue, c’est vaste : il y a du turc, de l’allemand, de l’espagnol, de l’anglais et du français. Love it »
Sean Leon
God’s Algorithm
Je n’ai pas choisi l’univers le plus facile à décrire pour le premier morceau, avec Sean Leon, mais si vous aimez l’expérimentation musicale, le futur, la couleur bleue et les univers digitaux et virtuels, alors vous êtes au bon endroit. C’est assez mystérieux et ça peut paraître au premier abord assez désincarné, mais tellement bizarre et fascinant en même temps ! Une pépite. L’artiste de Toronto est aussi connu pour être producteur, et a beaucoup travaillé avec la productrice WondaGurl. Il est aussi co-auteur des lyrics de « Selah », « Jesus is Lord », et du choeur dans « Use this Gospel » sur l’album Jesus is King de Kanye West.
Herizen
Hellboy
On connaît peut-être Herizen surtout pour son rôle dans la série Netflix The Get down en 2016, mais elle est aussi musicienne. Ses influences sont multiples et elle a sorti pas mal de singles ces dernières années, puis un EP de 4 titres en 2020 que j’ai beaucoup aimé et qui s’appelle Demon, d’où est extrait « Hellboy » – ou « Range Rover » par exemple. Vraiment courrez la découvrir si vous ne la connaissez pas, vous m’en direz des nouvelles (oui je fais aussi le service après-vente de mes reco sur Instagram).
BAYLI
boys lie
BAYLI a sorti récemment son premier EP, stories from new york. Inspirations plurielles, entre soul, jazz, rock, puis influences pop et hip-hop, son univers n’a cessé d’évoluer, jusqu’au savoureux “mélange” qu’on trouve sur son premier EP.
Martin Strange
tu respires
Martin Strange est un jeune artiste belge qui fait littéralement tout, tout seul ou presque (prod, mix, master, covers et clips en collaboration avec son grand frère Nathan Mbouebe). J’ai choisi le son « driving infree » issu d’un EP trois titres sorti cette année, mais allez tout écouter de lui, notamment son EP précédent, Act(I’m Free I sing), jusqu’à son single sorti en février 2021 intitulé « tu respires » (ndlr : single que nous avons joint ci-dessus puisque le titre choisi n’était pas disponible sur youtube). J’ai lu dans une interview qu’il travaillait également sur de la vidéo et notamment des films aussi, donc on n’est pas à l'abri de pleins de surprises. C’est un univers riche, marqué par une énorme liberté et une exploration des frontières de la création et de la production musicale. Un artiste hyper créatif ; à suivre dans pleins de domaines différents donc !
ILoveMakonnen
Makonnen’s Beethoven
Artiste de la scène d’Atlanta, ILoveMakonnen a pris, parallèlement au développement de sa carrière musicale, la parole ces dernières années sur des problématiques assez nouvellement et aussi clairement évoquées publiquement dans le milieu, notamment les questions de genre et d’homosexualité sur la scène hip-hop. Le son « Makonnen’s Beethoven » est issu de son album My Parade sorti en 2021.
Sen Senra
Ya no te hago falta
L’album de Sen Senra s’appelle Sensaciones ; c’est un jeune artiste espagnol, qui ne se pose pas la question des cases de genres musicaux, il se contente de créer. Encore une fois, pluralité des influences, ouverture à l’expérimentation musicale, une attention portée au détail et à la liberté d’interprétation qui est un pendant à la liberté de création qu’il revendique. Il produit aussi en grande partie ses sons si je ne m’abuse. J’aime beaucoup l’ambiance de la pochette du projet d’ailleurs, y a un côté Frank Ocean « in my room » dans la pose en plus qui n’est pas pour me déplaire.
Metro Boomin
Only 1 (interlude)
Faut-il le présenter ? Je ne vais pas m’y risquer, mais pour faire court, Metro Boomin est un des artisans de la démocratisation de la trap. Son œuvre est tentaculaire, il est littéralement partout. Ce que j’apprécie, outre le résultat musical de ses productions évidemment, c’est encore une fois le côté expérimentation. L’expérimentation c’est vraiment quelque chose qui sous-tend toute cette playlist, et Metro Boomin c’est je pense un bel exemple d’un équilibre parfait entre expérimentation et efficacité plus mainstream (sans connotation péjorative au terme ici), donc entre une production qui va tester les limites, à chaque fois, mais qui en même temps est accessible au commun des auditeurs – comme moi finalement. « Only 1» est l’interlude de cet album incroyable Not all heroes wear capes.
Apache 207
Angst
Dur de citer un seul artiste allemand parce que j’en écoute beaucoup et j’ai vraiment l’habitude de checker littéralement tout ce qui sort chaque semaine outre-Rhin, mais j’ai choisi Apache 207 pour son univers (clip, personnage, identité visuelle, ...). Autant il y a des artistes pour lesquels c’est plus que nécessaire de comprendre les paroles, autant là, même pour des non-germanophones, ça s’écoute très très bien. Il aime changer de look, ce pourquoi il peut un peu faire penser à SCH, même si musicalement ça n’a rien à voir. Il partage aussi avec SCH le fait d’incarner un personnage dont on ne sait pas tellement quelle part est fictive et quelle part fait réellement partie de lui. Parfois, il n’hésite pas à adopter des looks complètement déjantés, comme dans le clip de « Bläulich » où il est littéralement habillé en bébé et porte une couche, on l’a vu également dans le clip de « 200 km/h » dialoguer avec une version âgée de lui-même ; bref il se fiche littéralement des codes. Outre cela, il a vraiment un côté mystérieux, un peu à la PNL, car il donne peu d’ITWs, et innove en permanence, autant musicalement que dans la promo de ses sons : le titre « Fame » était par exemple d’abord disponible sur Tiktok avant de sortir sur d’autres plateformes. Côté clip, c’est très cinématographique, et ça se laisse aussi appréhender comme un véritable univers avec des références plus ou moins cachées à ses anciens clips, par exemple. Un des artistes les plus prometteurs et peut-être les plus intéressants de la scène germanophone à mon avis.
Lil Zey
Zor
Lil Zey est une rappeuse turque que l’on retrouve sur pas mal de bons sons. Elle a vécu à Atlanta, et ça se sent. Elle est maintenant en Turquie, à Izmir, et poursuit sa carrière là-bas en s’illustrant actuellement dans la trap. On la retrouve d’ailleurs en featuring avec le boss de la trap allemande, Luciano, sur « Elmas » par exemple. A découvrir et à suivre aussi !
Laylow
Iverson
On ne le présente plus, mais en ajoutant cet artiste à ma playlist ici je finis de prendre conscience de ce que j’aime visiblement particulièrement en musique : les univers complets, qui font des ponts entre les genres, dont les influences sont multiples, et qui possèdent un univers visuel travaillé. Le storytelling aussi, c’est quelque chose que j’affectionne beaucoup (je me demande à l’instant si ça n’est pas par nostalgie pour les sons narratifs des années 2000 qui ont marqué mon adolescence ?) et tout ça on le retrouve chez Laylow. C’est pourquoi c’est aussi très difficile de donner un seul son tant tout est lié, et forme un tout, donc je vous conseille tout simplement d’ouvrir la porte de cet univers et de vous laisser embarquer si vous ne connaissez pas Laylow.