#20
It's Inside You
Candy
Dans la grande vague du revival punk hardcore, toutes les gouttelettes n’ont pas la même intensité. Si Turnstile a laissé croire à tous·tes qu’on pouvait fredonner du punk, Candy vient rappeler que ce n’est pas du tout le projet. It's Inside You est d’une brutalité sans nom, certes, mais est également un parti pris stylistique tout à fait étonnant. Des batteries nu metal, de la drum’n’bass, des scratchs à la Slipknot, des éléments de trap. Rarement une plongée au cœur du hardcore n’aura été aussi bariolée. EP, album, single, peu importe : on a l’impression que quelques secondes seulement de cette musique auraient mérité une place dans notre top.
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#19
I Lay Down My Life For You
JPEGMAFIA
S’il aime être proche de ses héros (ses productions sur le Vultures 1 de Kanye West), on doute que JPEGMAFIA ait pour ambition d’être invité chez Gunna ou Lil Baby, ou qu’il pense ses titres pour la playlist RapCaviar de Spotify. Pourtant, pour la première fois depuis qu’il a fait irruption dans nos vies avec la seule et unique ambition d’y foutre un bordel monstre, sa musique a des airs de plan de carrière, et ne semble plus être pensée que pour la seule satisfaction de son auteur. Et c’est peut-être parce qu’on a dû faire montre d’une grande patience que la sensation de plénitude que nous procure I LAY DOWN MY LIFE FOR YOU est si grande. Peut-être pas son disque le plus fou, mais certainement le plus abouti.
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#18
The Stygian Rise
Crypt Sermon
The Stygian Rose ne peut s’envisager que sur un cheval au galop monté sans selle. Il est un hymne aux cheveux dans le vent à la capacité de casser des gueules avec une plastique irréprochable dans une armure de cuir magnifiquement tanné. Il est indomptable, fier et complexe dans ses arrangements. Un disque de musiciens pour qui le tout-mélodique ne peut s’envisager sans son chargement complet de riffs va-t-en-guerre et de gimmicks au guarana. Un disque entre la parade militaire, la chanson de geste et la bagarre dans des bars d’autoroute. Il y a un monde où The Stygian Rose fait tout de travers et passe à côté de son sujet. Pourtant Crypt Sermon nous a bien sorti le banger doom metal de l’année.
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#17
No Title as of 13 February 2024 28,340 Dead
Godspeed You! Black Emperor
Ces dernières années, Godspeed You! Black Emperor n'avait pas été tendre avec nos conduits auditifs. Après avoir participé à la démocratisation du post-rock, le groupe avait passé la seconde partie de sa carrière à annihiler une étiquette qui lui avait été apposée parfois en dépit du bon sens avec des albums fortement influencés par la musique bruitiste. Mais à la surprise générale, c'est le retour du rock sur No Title as of 13 February 2024 28,340 Dead No Title. C’est aussi, de loin, l’album le plus mélodique jamais sorti par le groupe, racontant une longue histoire, sublime et désastreuse. Godspeed You! Black Emperor, groupe pacifiste et furieusement anticapitaliste, n'est malheureusement jamais aussi bon que lorsque le bruit des bottes résonne dans le monde et que les inégalités creusent des tombes.
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#16
Resort
Skee Mask
Resort porte bien son nom : c’est le disque le plus estival de la discographie du teuton. Alors bien évidemment, l’été de Skee Mask, ce n’est pas l’été de Peggy Gou, et il y a peu de chance qu’un tel disque remporte les suffrages autour d’une piscine d'Ibiza. Non, Resort est plutôt un plaisir solitaire pour l’heure de la sieste. Colosse de douceur et cousin illégitime des Selected Ambiant Works d’Aphex Twin, Resort est l'occasion pour Skee Mask de laisser parler son amour du dub et de l'œuvre de Basic Channel dans un disque qui transpire une nouvelle fois la maîtrise et la passion. S’il porte la griffe impeccable du plus anglais des producteurs allemands, Resort est non seulement un très beau disque à posséder, mais surtout une énième preuve de la pertinence de ce parangon de rigueur allemande, mais aussi de la chance incroyable qu’on a de vivre à la même époque que lui.
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#15
Devotion
Sorcerer
À l'inverse de certains LP de hardcore, qui sont simplement des EP avec deux fois plus de titres (et donc de mosh parts), Devotion est véritablement pensé comme un album, et pousse encore plus loin l'ambiance des précédentes sorties du groupe parisien. Oui, il y a un vrai côté cinématographique à la musique de Sorcerer - et pas seulement parce que le groupe tire son nom d’un film de William Friedkin. Et si Sorcerer emprunte certes quelques influences aux groupes estampillés "post-", il reste à 100% un groupe de hardcore métallique à souhait, et chaque morceau est à même de transformer une salle de concert lambda en arène de MMA. Quelle belle bagarre.
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#14
#RICHAXXHAITIAN
Mach-Hommy
Le rappeur du New Jersey, d'origine haïtienne, n'a jamais semblé aussi fort et affuté que sur ce projet qui a un arrière-goût de premier "vrai" album. Ici le successeur idéal de MF Doom a ajouté beaucoup de soul à son kickage nerveux, pour un disque qui aligne les ambiances et les drumless loops comme un joaillier aligne les diamants sur un grillz. Si une collaboration avec Kaytranada pouvait laisser craindre une pulsion soudaine de toucher un public plus large, celles avec Roc Marciano, Black Thought ou Big Cheeko nous rappellent qu'il n'en est rien : le rap de Mach-Hommy continue de ne répondre qu'à ses propres codes et évolue toujours aussi librement.
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#13
sentiment
claire rousay
Depuis 2017, claire rousay (sans majuscules, merci) a sorti plus d’une trentaine d’albums, seule ou en collaboration. C’est en quelque sorte la King Gizzard de l’ambient pop. Or voilà : aucune sortie depuis décembre 2022, excepté quelques singles pour la forme. C’est parce que claire rousay préparait sentiment, son tout premier long format pour un label indé de renom, Thrill Jockey, qui lui a clairement donné les moyens de sortir son album de la maturité. D’une grande candeur dans son évocation de thématiques pas simples comme la dépression, l’alcool ou le sexe triste, claire rousay nous propose avec sentiment la plus belle musique jamais composée dans un lit - prends ça John Lennon.
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#12
The First Exit
Tramhaus
Si Tramhaus a pris son temps pour sortir The First Exit, c’est parce qu’il a choisi de se bâtir une crédibilité béton au contact d’une fanbase qui n’a fait que gonfler. Un pari gagnant : contrairement à ces trop nombreux groupes qui sortent des albums à la production pachydermique mais dont la transposition au format live fait pschit (coucou le Fontaines D.C. de 2024), Tramhaus n’a pas ménagé sa peine et les roues de son van pour que ces nouvelles compositions soient validées par le public avant de l’être par le groupe lui-même. Invitation à se bourrer fraternellement dans le mou dans une fosse, The First Exit a peut-être mal calculé le timing de son atterrissage, mais certainement pas la manière avec laquelle il gère celui-ci. On appelle ça “the subtle art of not giving a fuck”, et c’est génial.
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#11
Rack
The Jesus Lizard
A 64 ans, David Yow s'égosille toujours comme une bête échappée de l'abattoir sur ce disque qui ressemble à l’ultime rescapé d’une époque révolue : un temps où l’industrie des majors cassait sa tirelire pour offrir des ponts d’or aux groupes les plus bruyants (le deal d’Helmet à un million de dollars) avant de subitement couper les vannes. L’histoire aurait pu être fatale à The Jesus Lizard, puisque Capitol Records a payé le groupe pour ne pas sortir le troisième album que la major s’était pourtant engagée à publier, précipitant ainsi sa mise au placard en 1998. 26 ans plus tard, voilà une belle revanche pour ces légendes du noise rock, qui ont déjoué tous les pronostics avec un disque qu’on n’espérait plus et qui a fait mieux que répondre aux attentes.
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