Travis
Paris, Casino de Paris, le 10 février 2009
Travis en concert et moi, c'est une longue histoire. Depuis 1999 et la sortie de leur deuxième album, The Man Who, je les ai vus à cinq reprises : le 19 mars 2000 à l'Elysée Montmartre avec Turin Brakes en première partie, le 1er décembre 2001 dans la même salle, le 7 juin 2007 au Bataclan, en octobre 2008 dans le cadre du festival "Les Indépendants Montent le Son" dans l'enceinte du Palais Royal, puis, enfin, ce 10 février 2009, au Casino de Paris.
En neuf ans, si le groupe n'a pas du tout changé hormis quelques cheveux grisonnants et une alopécie avancée pour le chanteur Fran Healy (cachés sous un chapeau), outre un peu de bide en plus pour le guitariste Andy Dunlop, son public typique non plus. Toujours adulé de jeunes adolescentes, Healy fait craquer les minettes en utilisant les mêmes ingrédients depuis tout ce temps : de jolies mélodies, des paroles délicates et, surtout, plein de bons sentiments avec de vrais morceaux d'amour dedans. Ce qui fait que, depuis 1999, le groupe a sorti cinq albums d'une qualité remarquablement constante.
En concert, Travis donne chaud, très chaud. Quand ce n'est pas la climatisation qui est en panne comme au Bataclan, c'est tout simplement la proximité des corps et des esprits, tous unis et communiant autour du gourou Fran, peut-être le seul rockeur en activité à croire en la bonté de l'âme humaine. Et il faut les voir, les quatre Ecossais, désormais accompagnés d'un claviériste, jouer leurs gentilles ritournelles en souriant, en sautillant, en se lançant des clins d'œil, en se chuchotant à l'oreille, en échangeant leur place le temps d'un morceau chanté par le bassiste Dougie Payne, et en terminant leur set tous devant la scène, en chantant en chœur. Vraiment charmant.
Pourtant, en neuf ans, le charme, justement, s'est un peu émoussé. Même si Ode to J. Smith, le dernier album de Travis, a tenté de raviver quelque peu la flamme grâce à des morceaux plus rock qui ne laissaient pas de côté les mélodies, il faut bien reconnaître qu'une chanson de Fran Healy ne ressemble à rien d'autre qu'une autre chanson de Fran Healy, quel que soit l'album, de The Man Who à The Boy With No Name, en passant par The Invisible Band. "Side", "Sing", "Safe", "Turn", "Closer", "Colder", aussi attachantes soient elles, sonnent toujours un peu de la même manière et sont souvent difficile à identifier aux premières notes. Du coup, en concert, peut-être d'ailleurs parce qu'on les a trop vus, on a un peu de mal à entrer complètement dans le spectacle et il faut quelques morceaux vraiment marquants, comme l'inévitable "Why Does It Always Rain On Me?", l'excellente "Selfish Jean" ou la récente "Long Way Down" pour suivre Healy dans ses habituels sauts de cabri.
Particulièrement appliqués et déterminés à faire passer un bon moment à leurs fans, aimables au point de remercier les gens qui continuent de payer leurs billets de concert à une époque où la musique est partout gratuite, les Ecossais enchaînent leurs gentils morceaux, peut-être en allant un peu vite, peut-être en ne sortant pas suffisamment des interprétations studio, mais toujours avec leur bonne humeur légendaire et ce bon esprit qui les caractérise. Alors tant pis si les gens réagissent surtout aux "classiques" du groupe, comme "Driftwood" ou "Side", tant pis si les morceaux plus rock du dernier album ne convainquent manifestement pas un Casino de Paris tout juste rempli, Travis continue de plaire à ceux qui continuent de les aimer et, surtout, parviennent encore, même après plusieurs années et un émoussement certain, à donner le sourire grâce à leurs évidentes qualités humaines et à un plaisir communicatif. A l'année prochaine ?