Tord Gustavsen Trio/ Manu Katché Playground
Caen, Théâtre, le 28 novembre 2008
Il y a des concerts dont on attend beaucoup. La soirée du 28 novembre 2008, qui voyait Tord Gustavsen et Manu Katché se présenter au public caennais dans le cadre du festival des Boréales, est de celles-là. Tord Gustavsen d’abord. Le pianiste norvégien accompagné du contrebassiste Harald Johnsen, grand personnage aux cheveux longs tout droit sorti d’une saga scandinave, et du batteur Jarle Vespestad, opposé capillaire de son collègue précédemment cité avec sa coupe à la Billy Corgan, a donné un concert tout simplement majestueux. "Being There", titre de son dernier opus, introduit le set du trio norvégien. Ce dernier joue avec les silences, tutoie l’intime constamment. Jarle Vespestad ne frappe quasiment pas sa batterie. Il l’effleure, en tire des sons fragiles, éphémères. Quant à Tord Gustavsen, il se penche sur son piano pour faire corps avec lui. Avant d’émettre chaque note, il prépare son geste, le mesure pour ne pas produire un son malvenu. Harald Jonhsen tire des notes de son violoncelle qui ne ressemble à aucun autre violoncelle, ni à un violoncelle tout court d’ailleurs. Ce concert est d’un lyrisme rarement atteint en jazz. Le trio donne une telle intensité malgré la fragilité de son jeu qu’il s’en dégage une universalité incroyable. Après un tel concert, on se dit que Manu Katché Playground risque de paraître vulgaire.
Après un entracte d’environ 25 minutes, il est temps d’accueillir le quintette de Manu Katché. Il semble très attendu, à en croire le rang plein qui se trouve derrière moi et qui était vide pour Tord Gustavsen. Avec notamment Alex Tassel à la trompette, le quintette entre dans un jeu qui tranche avec le concert précédent. Ca commence très fort, voire trop fort. Immédiatement, on remarque la complicité entre les musiciens : les sourires complices s’échangent pendant plusieurs minutes. A tel point qu’on peut se sentir exclu de leur jeu. Bref, la machine semble bien rôdée. Techniquement, tout est au point. Les solos piano, saxophone, trompette et, bien sûr, batterie, s’enchaînent sans aucun accro. Manu Katché est d’ailleurs « abandonné » par ses collègues pour un solo de batterie bruyant, qui montre toutes les qualités du batteur de Sting ou Peter Gabriel. Le set se conclut avec "Rose", un morceau plein de délicatesse. Ce dernier aspect aura d’ailleurs marqué les esprits plutôt que le jeu plus rapide des musiciens. Le rappel aura également révélé la grande satisfaction du public, notamment par une standing ovation. Cette dernière aurait pu être donnée aussi largement à Tord Gustvsen Trio. Le nom de Manu Katché y est sûrement pour quelque chose. Toujours est-il que le label ECM, auquel les organisateurs ont rendu hommage à travers cette soirée, est un label avec lequel il faudra compter pour un bon moment.