Concert

Starmania

LDLC Arena, Villeurbanne, le 12 octobre 2024
par Émile, le 16 octobre 2024

« L’histoire très actuelle de Starmania a disparu sous la popularité des chansons. » Thomas Jolly avait bien cerné le problème de la plus célèbre de toutes les comédies musicales françaises : qu’elle était devenue un disque d’anthologie pour toute la génération ayant connu les carrières de France Gall, Michel Berger ou Daniel Balavoine. Dépolitisée car culte, dévalorisée car fichtrement bien composée, il y avait un espace pour la faire revivre dans un pays en questionnement pré-fasciste. Et alors que le spectacle (avec un grand S car c’est rare qu’on se rende dans des salles aussi grandes) commence, vient avec lui un questionnement inévitable : comment moderniser sans ruiner une musique à même de continuer à émouvoir en 2024 ?

Réponse de la direction musicale : en ne changeant rien. Celles et ceux qui étaient venu·es pour le culte en ont eu pour leur argent, car la tournée contemporaine de Starmania, qui a déjà quasiment tout remporté aux Molières et aux Trophées de la Comédie Musicale, offre sur un miroir les immenses tubes de l’enregistrement de 1978 : « La complainte de la serveuse automate », « Quand on arrive en ville », « SOS d’un terrien en détresse », « Les uns contre les autres », etc, etc, etc. On reconnaît tout, mais bien évidemment, on ne l’écoute plus de la même manière. Cette stratégie – très contemporaine – visant à dompter les remakes (de Final Fantasy à Godzilla) est un exercice subtile d’une histoire localisée de l’écoute. Et à la question de savoir s’il est possible d’écouter sereinement les compositions de Michel Berger en 2024, la réponse est oui. Mais pour en rendre le sens, il faudrait tout réinventer.

On remercie Thomas Jolly et toute l’équipe artistique de Starmania 2024 de ne pas avoir tenté de faire rapper les « zonards » et de ne pas avoir mis Johnny Roquefort en survêt. Mais le piano de Berger et les guitares disco qui l’entouraient sont devenus de sexy fantômes, revisités dès les années 1990 chez les Djs d’une French Touch accro aux vinyles de leurs parents, et devenus des symboles d’une certaine idée de la fête. Légèrement has-been, mais subtilement queer, les chansons de Starmania ont trouvé un pont sur la route de leur contemporanéité.

Et en live... ça défonce : remis sur les rails de l’écoute actuelle par un surmixage de la batterie, un hommage inévitable aux Daft Punk en rajoutant du vocoder sur la danse de Naziland (rappelant que ce sont peut-être les premiers à avoir voulu patrimonialiser le disco dans la musique pop), le show se permet de conclure sa première partie sur un « Besoin d’amour » enivrant, boosté au voguing et finissant dans une pluie de confettis roses en forme de cœur. De tableau en tableau, le spectacle offert à la LDLC Arena ce samedi soir a été celui d’un show ultra millimétré, incapable de faire pause plus de deux minutes, et – parce que tant qu’à faire ça bien, autant le faire très bien – absolument convaincu par le maximalisme.

On se rend compte qu’effectivement, on n’avait rien compris au livret de Luc Plamondon en écoutant le disque et en connaissant déjà tous les morceaux par cœur, qu’effectivement, c’est très actuel, et que si on doute franchement de sa capacité à avoir un quelconque impact antifasciste sur un public en apparence très divers, c’est une excellente leçon de remake musical en plus d’être visuellement un des spectacles les plus fous qu’on puisse voir en ce moment.

Lunettes. De. Soleil. Obligatoires.