Smashing Pumpkins
Paris, Grand Rex, le 22 mai 2007
Les Smashing Pumpkins en concert à Paris. Au Grand Rex. Le 22 mai 2007. Une idée absolument improbable il y a sept ans, alors que, quasiment jour pour jour, le 23 mai 2000, le groupe mythique de tous ceux qui ont eu 15 ans en 1990 venait d'annoncer sa séparation et avait entamé une "tournée d'adieu" marquée par un show gigantesque à Bercy le 19 octobre 2000. Il y a sept ans, donc. Une éternité.
Comment, d'ailleurs, ne pas être dubitatif à l'annonce de la reformation des Pumpkins en 2007, après le ratage de Zwan, sorte de "spin off" sans intérêt du groupe (2003) et l'album solo assez catastrophique de Billy Corgan (2005), leader charismatique et chauve d'une formation en impasse artistique depuis 1998 et la sortie de Adore, album absolument essentiel et aux antipodes du reste de leur discographie. Comment, en outre, ne pas faire montre de déception après avoir appris que la configuration d'origine serait amputée de moitié puisque, à l'exception de Billy Corgan et du batteur Jimmy Chamberlin, ni D'Arcy ni sa remplaçante Melissa Auf Der Maur (basse), pas plus que James Iha (guitare), ne faisaient encore partie du groupe.
Les Pumpkins, donc, ou plutôt ce qu'il en reste, en 2007. Un peu ridicule, avec le recul. Les groupes qu'on a aimés à l'adolescence ont tendance à moisir dans un coin bien sombre de notre cerveau. Le coin des choses qu'on a du mal à avouer. Qu'on a aimé Queen, U2, les Smashing Pumpkins. C'était au siècle dernier, il y a prescription. Et puis, je n'ai jamais été un vrai fan du groupe. J'ai juste toujours apprécié les titres les plus connus, comme "Zero", "Bullet with Butterfly Wings", "Tonight, Tonight", "1979", puis aimé Adore, à la folie, et quelques titres de Machina / The Machines of God, (avant-) dernier album bancal sorti en 2000.
Bref, il aura fallu bien plus que l'annonce de la sortie d'un nouvel album, Zeitgeist, qui paraîtra cet été, et bien plus que l'annonce d'une nouvelle tournée, la première pour Corgan et Chamberlin depuis 2000 sous le nom de "Smashing Pumpkins" (désormais sans "The", comme sur les premiers albums jusqu'à Mellon Collie & The Infinite Sadness, 1995), pour me motiver à me déplacer au Grand Rex. La motivation, je l'ai trouvée dans l'espoir de voir sur scène certains des morceaux de Adore, dont "For Martha", pour moi l'une des plus belles chansons jamais écrites, une merveille de mélodie, de construction, d'arrangements, de délicatesse et de rage contrôlée, 8 minutes 17 de frissons.
Autant dire que je me suis senti un peu seul, moi, simple amateur, au milieu d'une horde de fans vêtus de t-shirts garantis vintage estampillés "Mellon Collie", "Zero" et "Machina", faisant la queue boulevard Bonne Nouvelle, ce 22 mai 2007, dans une immense cohue, la faute à une organisation passablement lamentable de la part du Grand Rex ou des producteurs du concert pour la délivrance des billets – c'est dit.
20 heures 30, pas de première partie, Corgan, l'immense Corgan qui doit bien chausser du 50, débarque sur scène vêtu d'une toge blanche, digne d'un prêtre, aux antipodes de la panoplie de vampire à laquelle il nous avait habitués lors des dernières années des Pumpkins. Corgan, donc, à la mythique voix acide, accompagné du toujours impressionnant Jimmy Chamberlin derrière ses fûts, véritable métronome et à l'énergie légendaire, et de deux pantins préférant se placer dans la caricature de D'Arcy et de Iha : Ginger Reyes, aussi grande que sa basse, totalement transparente, et Jeff Schroeder, finalement parfait dans le rôle du faire-valoir de Corgan, n'ayant rien trouvé de mieux que calquer les poses autistiques de James Iha.
Le son, franchement mauvais, n'a guère rendu justice aux morceaux du nouvel album, évidemment inconnus de la plupart du public, et qui auront eu du mal à vraiment convaincre, principalement à cause de la bouillie sonore qui sortait des enceintes, des digressions dispensables d'inspiration new-age de Corgan, et de la présence superflue d'une fille aux claviers qui aurait mieux fait de rester couchée. Le groupe, dans son ensemble, visiblement tendu et crispé par l'ampleur de l'événement, aura eu du mal à démarrer le set, en particulier la première partie très électrique, dominée par "Today", "Stand Inside Your Love" ou encore "Tarantula", le nouveau single.
La seconde partie du set, acoustique, aura cependant quant à elle remporté l'adhésion de tous. La surprise de trouver "To Sheila", le morceau d'ouverture de Adore, ainsi que "Thirty-Three" ou "Rocket" dans des versions apaisées, rattrapera le reste du show, et en particulier permettra de pardonner à Corgan d'avoir quelque peu expédié les passages obligés que furent "Tonight, Tonight" ou "Zero". C'est le coeur du concert, cette partie centrale du show, qui justifie a posteriori le déplacement.
La dernière partie, quant à elle, a montré l'élasticité d'un groupe capable de passer de "Shame" à "Silverfuck" et de "Annie-Dog" à "Muzzle" sans sourciller, de la même manière que "1979" précédait "Tales of a Scorched Earth" sur le second disque de Mellon Collie.... Les Pumpkins, en 2007, c'est tout simplement toujours l'un des rares groupes au monde à réussir brillamment le grand écart entre metal bourrin, pop mélodieuse et folk sensible, le tout sur quasiment trois heures, sans donner l'impression de forcer.
Dommage, cependant, que l'on ait eu la sensation de ne pas voir un groupe sur scène mais plutôt un show de Corgan assisté de sous-fifres à la présence fantomatique. Dommage, aussi, que ce choix du Grand Rex, une salle avec des places assises et confortables qui ont passablement ramolli le public (et moi le premier). Mais malgré la déception de ne pas avoir entendu "For Martha", j'ai eu la satisfaction de pouvoir me dire "le retour des Smashing Pumpkins, j'y étais". On attend maintenant l'album en juillet.