RJD2
New York, le 19 juin 2009
19H pétantes, il ne s'agit pas cette fois de prendre son temps, de boire un petit apéro au risque de rater la première partie. Car c'est 19h l'embarquement, 20h le départ et ensuite on ne peut qu'essayer de rattraper le bateau à la nage. Événement un peu surréaliste donc : RJD2 mixe sur l'Hudson River, sur un bateau en mouvement dont le circuit nous amènera aux abords de la Statue de la Liberté. Le panorama est bien entendu incroyable, Manhattan de nuit et ses illuminations monstrueuses, la "Liberté éclairant le monde" en grand format depuis les baies vitrées du bateau.
L'ambiance d'avant RJD2 est très californienne. Tous sont ramassés sur les différents ponts, à l'étroit, un verre de champagne ou de vodka-cranberry à la main. Il y a beaucoup de bimbos à la vulgarité assumée. C'est le grand show des décolletés et des trop-pleins de coke. Le warm-up est fait par une femme qui passe négligemment quelques bons titres ; elle ne sait visiblement pas mixer, on lui pardonne car notre intérêt est de regarder le soleil se coucher depuis la poupe, un peu de son en fond et l'air frais en hors-d'oeuvre.
Quand Ramble John Krohn entre en scène, le public se presse à l'intérieur, sur le dancefloor central. Je préfère la hauteur et viens me poster sur le balcon. Aussitôt la fête bat son plein, sur un simple détonateur. Il faut dire qu'RJD2 sait y faire. Il n'est pas un compositeur que j'apprécie beaucoup : je le considère souvent comme un ersatz de DJ Shadow (huit ans après). Mais en dj set, quelle claque ! En terme de sélection c'est supérieurement choisi, très diversifié et toujours d'excellente qualité. De la ballade seventies au morceau hip-hop dernier cri, RJD2 ne cesse de montrer que sa culture est globale, immense et raffinée. Sans en faire trop visiblement la démonstration. Car on est là pour la fête, pour une appréciation purement hédoniste de son travail. Et c'est peut-être là que j'ai été le plus impressionné. RJD2 étonne par sa perfection technique et l'énergie qu'il emploie pour son set. Équipé en Serato Scratch Live (avec vinyles factices), il lance tous ses morceaux comme des fleurs, en cut, après deux trois scratchs bien sentis. C'est toujours dans le tempo, sur le bon break, et cela donne une pêche folle à son mix. On voyage beaucoup avec lui, et il nous laisse toujours le temps qu'il faut pour l'escale – pour s'imprégner suffisamment d'un titre afin de l'apprécier à sa juste valeur. Le grand exercice d'équilibriste du dj est ainsi réussi haut la main, les doigts dans le nez.
La seconde partie de la soirée sera bien moins intéressante, vu que l'on passera à du live. RJD2 balance ses propres compos et scratche dessus pendant cinq minutes. Il s'agit de contenter les fans, de promouvoir ses morceaux. L'intérêt ne va guère plus loin. L'inertie de la première heure reste pourtant : RJD2 m'a séduit par son savoir-faire et son authenticité. Je partais plein d'a priori et je débarque conquis. De grands morceaux et de grandes images plein la tête.