Radiohead
Palais Omnisport de Paris Bercy, le 11 octobre 2012
Palais Omnisport de Bercy, jeudi 11 octobre. Le rendez-vous est pris depuis des mois. C'est dans le cadre de leur énorme tournée européenne (après Berlin, Rome, Florence, Manchester, Londres...) que Radiohead fait escale deux soirs de suite à Bercy à la rencontre de leur public français. Même si l'on est resté sceptiques à l'écoute de The King Of Limbs l'an dernier, même si l'on partage le sentiment répandu que l'on a affaire à un grand groupe des années 90 avant tout, un concert de Radiohead est un moment particulier. Un moment avec une formation qui est l'une des seules (la seule) aujourd'hui à conjuguer giga-spectacle avec exigence artistique, cette même exigence depuis longtemps délaissée par les autres ex-grands des années 90/00, Muse en tête. C'est donc avec un mélange d'anxiété et d'espoir que l'on se presse devant l'une des multiples entrées de la salle fétiche des rendez-vous sportifs et autres grands-messes musicales de Paris.
Une fois dans la place, le show commence vite : à 20h pétantes, les Canadiens de Caribou attaquent la première partie. Ils font malheureusement un effet très limité sur le public encore clairsemé du stade: leur math-rock sympathique voire entraînant fait un peu bouger la fosse, mais leurs quelques spots ne sont pas du tout adaptés à la taille de la salle et aux attentes des aficionados du quintet d'Oxford. Une demi-heure plus tard ils remballent leur matos, leur rapide set ayant à peine servi d'apéro, tout juste d'amuse-gueule. Mais il faut être lucide, personne dans le stade n'est venu pour eux. D'ailleurs après la demi-heure (!) d'entracte, Bercy est enfin plein comme un œuf et, des gradins à la fosse, on ne peut plus bouger le petit doigt pour aller chercher une bière tiède au moment où Thom Yorke et sa bande arrivent sur scène et attaquent un énergique "Lotus Flower", morceau phare de leur dernier album.
On se rend rapidement compte que les Anglais assument sans fard leur statut de groupe culte, puisant dans tout leur répertoire (ou presque, seul Pablo Honey est laissé de côté mais est-ce vraiment un mal ?), alternant les grands moments tirés de Kid A et OK Computer avec des extraits de leurs disques les plus récents. On doit bien dire que cette setlist aux allures de best-of fait mouche, beaucoup d'incontournables étant interprétés : "Everything In Its Right Place", "Paranoid Android", "Airbag" ou encore "Idioteque". Niveau longueur, on est également servis, avec pas moins de 24 titres joués (dont trois rappels). Le groupe se donne sur scène et fait plaisir à son public qui a payé cher (et s'est levé tôt le jour de la mise en vente) les places pour ce soir. Au moins sur ce point rien à dire : on en a pour notre argent.
Rien à dire non plus côté spectacle : Radiohead sait faire le show et mettre les moyens. C'est millimétré, l'interprétation des chansons est impeccable, avec juste ce qu'il faut de digressions par rapport aux albums, et la mise en scène est parfaite, intégrant pas moins de douze écrans mobiles au-dessus du groupe sur lesquels s'affichent en gros plan au fil des morceaux les têtes des six (dont Clive Deamer, batteur de Portishead) protagonistes et leurs instruments. Appréciable pour que la vaste salle puisse en profiter. Thom Yorke se dandine et donne de sa personne, déclinant la chorégraphie du clip de "Lotus Flower" titre après titre. Gros bémol sonore cependant : l'acoustique du palais Omnisport de Bercy est toujours aussi peu appropriée aux concerts, et même si le public déjà conquis n'y fait pas réellement attention on ne peut que rester sceptique sur le choix de la salle qui s'explique uniquement pour des raisons de nombre de places. Ainsi les moments de bravoure comme le final de "Paranoid Android" ou encore un "Bodysnatcher" joué toutes guitares dehors sont desservis par le son saturé.
Au final après plus de deux heures d'un show impeccable servi par un groupe plutôt scéniquement en forme et mené par un Thom Yorke bien présent qui s'est même vaguement essayé à quelques mots de français, on ne peut quand même que rester impuissants devant un constat implacable : si le groupe réussit à être toujours défricheur musicalement, le supplément d'âme qui fait encore quinze ans après de l'écoute de OK Computer un moment poignant a disparu des méga-shows de Radiohead, ne réapparaissant que furtivement le temps d'un "Reckoner" toujours sublime ou d'un inattendu "Street Spirit (Fade Out)" joué en rappel. Un bon concert donc, un spectacle réussi certes, qui vaut son prix probablement, mais on attendait encore plus d'un mythe.