Puppetmastaz
Reims, La Cartonnerie, le 16 avril 2009
Je n’ai jamais aimé les marionnettes. Dans mon inconscient de trentenaire pas encore gâteux mais déjà bien attaqué, se mélangent des images de vieilles chaussettes trouées, de vieux théâtre poussiéreux, de voix nasillardes, de bouches béantes, de gourdin, de Chantal Goya et de Stéphane Collaro accoudé à un bar. Bref, le parfait cauchemar… Enfin, ça c’était avant que ne débarquent les Puppetmastaz et leur civilisation de marionnettes rappeuses, animales, vulgaires, machistes et bassement opportunistes – de bien belles valeurs qui ont su me redonner la foi dans la race inhumaine. Et visiblement, je ne suis pas le seul dans ce cas.
Car quand le collectif allemand fait un détour par Reims pour recruter des volontaires pour sa révolution spontanée, les apprentis marionnettistes répondent présent en nombre (sauf pour la première partie, une mauvaise blague canadienne intitulée The World Provider et qui a récolté un four bien mérité devant une salle quasi-vide). Il faut dire que le cri de ralliement de cette grande tournée française, « Join The Movement », ne laisse guère de doutes sur les intentions belliqueuses des bestioles : c’est la crise, le monde des humains est en train de s’écrouler, c’est donc l’occasion pour les marionnettes de reprendre le pouvoir ! La trame de fond est la même que sur le troisième album du groupe, The Takeover, paru en fin d’année dernière, mais sur scène, la démonstration est encore plus convaincante.
La grande force des Puppetmastaz, c’est cet univers délirant poussé à son paroxysme : chaque MC a son ou ses personnages, son style, son scénario et ses morceaux. Ça pourrait être simplement de la poudre aux yeux, une manière de faire passer même les morceaux les plus faibles de leur répertoire, mais il n’en est rien : pendant 1h45, c’est une véritable histoire qui est contée, avec sa trame de fond, ses rebondissements, ses accessoires kitsch (un trône, des armes, un énorme œuf d’où sortira une très célèbre marionnette) et son happy ending. Et le plus fort, c’est que l’équilibre avec la musique est juste parfait : l’un sert l’autre et vice versa. Même les extraits des premiers albums (“Midi Mighty Moe”, “The Bigger The Better”, “Do The Swamp”, “Break A Bottle”) sont réintégrés au scénario pour donner la réplique aux dernières tueries du groupe (“Take Me On A Ride”, “Meet The Fablez”, “Mephistopheles”). Le tout avec fluidité et presque sans temps mort.
Histoire de récolter quelques lauriers bien mérités, les cinq MCs ont également la bonne idée de venir à deux reprises sur le devant de la scène et de troquer leurs marionnettes pour des costumes du plus bel effet – notamment un Ultraman plus vrai que nature. Mais logiquement, ce sont les animaux qui ont le dernier mot et qui concluent le show avec brio – en compagnie d’un trio de charme rémois, dont une Miss Ragnagna chaude comme la braise. C’est ça la démocratie façon Puppet Régime, une société collaborative où chacun peut partager le haut de l’affiche s’il se donne la peine de courtiser les membres (!) historiques. Alors oubliez donc tout ce que vous saviez sur les marionnettes, customisez vos vieilles chaussettes et rejoignez le mouvement tant qu’il en est encore temps. Qui a dit que le hip-hop était un genre dénué d’humour ?