Mercury Rev
Cirque Royal, Bruxelles, le 22 mai 2011
Sacrée opposition de styles ce dimanche soir dans un Cirque Royal dans une configuration « 100% assise », avec une affiche réunissant deux poids lourds du rock indé américain, le premier plus en forme que jamais, The Walkmen, et le second à la recherche d'une notoriété perdue, Mercury Rev. Incapables de nous pondre un album digne de ce nom depuis All Is Dream en 2001, ces derniers ont opté pour la seule solution rentable pour un groupe vieillissant: nous rejouer son classique, en l'occurrence le magnifique Deserter's Song.
Mais avant ce plat de résistance, le public bruxellois avait droit à une belle entrée en matière, signée The Walkmen. Le groupe est en pleine tournée européenne avec Royal Bangs (également présents hier à Bruxelles, et agréablement surprenants) sans vraiment avoir quelque chose à défendre, puisque son Lisbon date de septembre 2010. Peu importe, car ces mecs se faisant finalement assez rare par chez nous, c'est toujours un plaisir de pouvoir les retrouver en chair et en os. Dommage d'ailleurs qu'on ait eu droit qu'à 40 petites minutes en compagnie des New-Yorkais, tant ceux-ci ont une fois de plus prouvé que de ce côté-ci de l'Atlantique, il sont bien l'un des groupes les plus sous-estimés qui soit.
Exception faite d'un ultime et extatique « The Rat » balancé à la demande d'un public d'une rare politesse pour une première partie, c'est un concert d'une magnifique sobriété que nous a offert un groupe qui, derrière une décontraction frisant avec le je-m'en-foutisme, a offert une prestation de tout haut niveau. On aime la musique de The Walkmen pour la tension énorme qu'elle peut contenir, mais c'est le côté plus introspectif de son oeuvre que le groupe a révélé à son public bruxellois, piochant allégrement dans son petit dernier (« Blue As Your Blood », « Juveniles » ou « While I Shovel The Snow »), mais remontant aussi dans le temps et allant même jusqu'à nous offrir un superbe inédit sans titre dont il vient de terminer l'écriture. On le sait, 40 minutes pour une première partie, c'est souvent inutilement long. Mais dans le chef d'un groupe comme The Walkmen, dont la carrière est parsemée de grands disques, on aurait aimé pouvoir passer au moins deux fois plus de temps en compagnie de Hamilton Leithauser et son groupe. Surtout si on avait su ce qui allait nous tomber sur le coin de la gueule 30 minutes plus tard.
Mercury Rev est un groupe qui a eu de grandes idées par le passé, plutôt bien exploitées sur Deserter's Song et All Is Dream, mais dont un certain mauvais goût jusque là pardonnable est apparu au grand jour dès que la source aux bonnes idées s'est tarie. Incapable de remplir le Cirque Royal s'il venait nous présenter un nouvel album, la salle était évidemment bien garnie (mais pas remplie) pour entendre le groupe Jonathan Donahue rejouer son classique de 1998 en ordre et dans son intégralité. Mais rapidement, on comprend que le vieux con s'attendant à la copie conforme du disque va être déçu. En même temps, quand on groupe plonge la salle dans l'obscurité et vous balance deux morceaux de mauvais new age avant de monter sur scène, on se dit qu'il faut peut-être se méfier. Parce que dès l'introductif « Holes », on comprend vite que ce groupe-là pue la suffisance et va nous pourrir notre soirée. Entre le batteur qui semble ne pas avoir écouté ce monument de sensibilité qu'est le disque original et tape sur ses futs comme si sa vie en dépendait, un mec à la guitare sèche qui donne à tous les titres des airs gnangnans insupportables, le guitariste qui se croit désormais dans les Queens of the Stone Age (on a dit « se croit » hein), des fins de morceaux à la sauce « electro-rock », des purs moments de WTF (pourquoi l'harmonica, pourquoi???) et un Johathan Donahue qui est convaincu que tout cela est génial, il y a de quoi y perdre son latin et se demander comment ce truc-là a bien pu mériter une standing ovation - 'récompensée' par une reprise ampoulée du « Solisbury Hill » de Peter Garbriel en rappel. Au final, on sauvera de ce naufrage deux réinterprétations, celle de "Funny Bird" et "Delta Sun Bottleneck Stomp". C'est bien maigre évidemment.
La vraie bonne nouvelle dans tout ça, c'est qu'on sait déjà qu'il y a au moins un de ces deux groupes que l'on aura pas besoin d'aller voir au Primavera barcelonais, qui débute cette semaine, compte son lot de dilemmes insoutenables, se fera avec l'équipe de GMD mais sans Mercury Rev! Et avec The Walkmen.