Main Square Festival
Arras, Grand Place, le 3 juillet 2009
Cette année, on a beaucoup parlé du Main Square Festival avant que la moindre note de musique ne résonne sur la Grand Place d’Arras. Beaucoup trop. Attitude hautaine des organisateurs, dialogue de sourd avec les festivaliers, braderie des billets, annulations et changements multiples de l’affiche, polémique autour des subventions de la région… A vouloir grandir trop vite, le raout organisé par France Leduc et son équipe semble s’être fait beaucoup d’ennemis. Et pour espérer continuer à exister, il n’y avait qu’une seule option : faire taire les détracteurs grâce aux concerts. Un festival, c’est avant tout une affaire de musique, et c’est donc par la musique que la rédemption doit venir.
Pour notre part, après un passage rapide l’an passé pour applaudir Radiohead, c’est sur la seconde soirée du festival que nous avions jeté notre dévolu, la plus éclectique, la plus originale, et forcément la moins courue avec à peine 10 000 spectateurs (un tiers du public de la veille pour Coldplay, la moitié du lendemain pour Placebo). Pourtant l’affiche était belle en ce vendredi, presque autant que la météo (idéale pour un festival, avec juste ce qu’il faut de soleil pour bronzer et de nuages pour ne pas cramer) : les français de Phoenix, l’égérie pop britannique Lily Allen et le mégalo du rap US Kanye West. Trois beaux noms et trois styles complètement différents pour l’une des affiches les plus intéressantes de l’été.
Avant de rentrer dans le vif du sujet, il faut néanmoins affronter les lillois de Ace Out, venus chauffer le jeune public avec leur électro-rock bondissant. Pas original pour un sou mais l’énergie est là et l’ambiance est bonne - parfait donc pour se mettre en jambe pour l’arrivée des Versaillais de Phoenix. Et là on passe clairement au niveau supérieur. Si la France a longtemps boudé son plus beau produit d’export (oui, l’expression est volontairement choisie pour choquer), le quatrième disque du groupe est en train de changer la donne. Bien que Wolfgang Amadeus Phoenix divise notre rédaction, l’accueil réservé par le public arrageois est la preuve que Phoenix est en passe d’obtenir dans son pays une reconnaissance bien méritée. Et d’autant plus méritée quand on voit le niveau atteint par le groupe et la solidité de son répertoire déjà constellé de tubes imparables, ces "Long Distance Call", "If I Ever Feel Better", "Too Young" et "Run Run Run" auxquels il convient de rajouter les récents "Lisztomania" et "Rome".
Pendant une heure, les six musiciens ont livré une prestation sobre et classe, malgré une voix pas toujours maîtrisée et une basse un peu trop saturée. Il aura juste manqué un petit quelque chose pour faire passer le concert de « très bon » à « excellent » - un peu plus de communication avec le public peut-être ou quelques pauses entre des morceaux enchaînés à la va-vite. Mais ne boudons pas notre plaisir, les Versaillais sont au top de leur forme et ce sera un plaisir de les croiser dans la plupart des festivals cet été.
Après un petit break, c’est au tour de la chipie de service Lily Allen de prendre possession de la scène. Plus connue pour ses frasques en tous genres que pour ses concerts endiablés, la Britannique a débarqué au Main Square Festival avec le statut de curiosité… et est repartie une heure plus tard avec celui de révélation. Car si Alright, Still et le récent It’s Not Me It’s You sont deux délicieux bonbons pop de studio, rien ne laissait présager une telle maîtrise de la miss sur scène. Présence, look, voix, tout est au top : sexy sans être vulgaire, drôle sans être lourde, sûre d’elle sans être prétentieuse...
Si les yeux n’en ont eu que pour son petit top archi-transparent et son mini-short, les oreilles, elles, ont pu se délecter d’un set parfaitement rôdé, alternant morceaux de ses deux albums, petit passage acoustique et deux reprises : l’une, prévisible ("Oh My God" de Kaiser Chiefs) et l’autre, surprenante mais parfaitement réussie ("Womanizer" de Britney). Concours de majeurs levés pour "Fuck You", version longue mi-pop mi-électro de "Not Fair" en guise de conclusion : un hold-up parfait de la part d’une des pop-stars les plus surprenantes du Royaume-Uni. Miss Allen, vous avez gagné un nouveau fan pourtant pas acquis à votre cause en début de journée.
Après ces deux prestations, inutile de dire que le public est en feu et que Kanye West n’a plus qu’à assurer le minimum syndical pour emballer la soirée. Avec une nouvelle scène à la hauteur de sa mégalomanie, un répertoire de folie et un public complètement acquis à sa cause, ce show avait d’ailleurs tout pour être l’un des moments forts de l’année. Las ! On sera quitte pour la plus grosse déception de l’année. On y a pourtant cru pendant 2 minutes, le temps d’un "Coldest Winter" introductif où la présence scénique du bonhomme fait des merveilles. Pour la suite du concert, on hésite entre balance de dernière minute et répétition : son dégueulasse avec une basse qui couvre tout, samples inaudibles, transitions nullissimes, mise en scène ringarde (4 filles peinturlurées qui viennent prendre la pause autour de Dieu), morceaux bâclés en une minute (et pas n’importe quels morceaux, hein : "Touch The Sky", "All Falls Down", "Get ‘Em High" ou "Through The Wire"). Bref, on a beau savoir qu’il ne s’agit que du deuxième concert de la tournée, c’est juste indigne d’un type qui prétend être la plus grande star actuelle.
Finalement, il faudra attendre le dernier quart d’heure pour assister à quelque chose d’à peu près potable, Kanye descendant de son piédestal scénique pour aller au contact du public et jouer (enfin !) quelques morceaux en entier. Mais là encore, le son pêche, et à l’exception de "Jesus Walks", d’une reprise maligne de "American Boy" et surtout d’une version rallongée de "Heartless", il n’y a rien à sauver du concert. Le pseudo-rappel sera d’ailleurs juste risible : deux minutes de "Love Lockdown" et une bouillie sonore que seuls quelques cris de fanatiques ont permis d’identifier comme étant "Stronger". Puis rideau après seulement 1h10 – et pas grand-monde pour en demander plus. Grosse déception de la part d’un mec bourré de talent et dont le dernier album mérite mieux que ce qu’il a récolté comme critiques.
A lire les commentaires ici et là, les problèmes de son et notamment de basse sont monnaie courante au festival – ce qui est tout de même autrement plus problématique que la morgue affichée par les programmateurs. En tout cas, après un show pareil, nos oreilles ont trop souffert pour assister à ce qui reste de la soirée « Behind The Square » (Yuksek, Birdy Nam Nam et Boyz Noize) et, après un bon début, on quitte Arras sur une note amère. Main Square Festival : beaucoup de bruit pour pas grand-chose.