Little Joy
Paris, La Maroquinerie, le 13 janvier 2009
Tout le monde - ou presque - sait ce qu'est la petite mort ("Little Death" pour les anglophones). En revanche, Little Joy ("petite joie" pour les francophones) reste pour sa part encore globalement mystérieuse aux oreilles de tout un chacun. Mais si le nom du groupe de Fabrizio Moretti, batteur des Strokes, ne parle pour le moment qu'à un cercle hype relativement restreint, adepte des chemises à carreaux, des Wayfarer et des Ugg importées de Los Angeles, le trio international, composé également du chanteur guitariste Rodrigo Amarante et de la jolie Binki Shapiro, est tout de même parvenu à faire salle comble ce 13 janvier 2009 à la Maroquinerie (Paris). Et on a beau connaître les dimensions très raisonnables de cette salle, on l'avait rarement vu bondée de la sorte, à tel point qu'un petit verre au bar après une première partie grunge et médiocre (The Dead Trees), et hop, trouver une place avec une bonne visibilité relevait de la mission périlleuse.
Ceci n'avait toutefois pas vraiment d'importance puisque ce qui nous intéresse, en l'occurrence, c'est bien évidemment la musique. Et quand on parle de Little Joy, il est tout simplement impossible de ne pas dresser un parallèle avec les Strokes, tant les ressemblances entre le son des uns et celui des autres sont grandes. Pour résumer, et quitte à prendre un raccourci un peu cavalier, on peut soutenir que Little Joy, ce sont The Strokes sous le soleil. Moretti a en effet été à bonne école et, en quittant New York et ses fûts pour la guitare, il a repris (un peu trop) manifestement à son compte les habitudes de son groupe d'origine, au même titre d'ailleurs que le brave Albert Hammond, Jr. sur ses deux albums solo. On retrouve donc chez Little Joy les mélodies patentées et copyrightées des Strokes, les guitares en moins, le Mellotron en plus. Même Amarante est pris en flagrant délit de repompe des gimmicks vocaux de l'inénarrable Julian Casablancas .
A vrai dire, l'impression n'est pas du tout désagréable, mais il est clair que le trio, rejoint sur scène par The Dead Trees, n'a pas inventé l'eau chaude et se contente, peut-être un peu trop facilement, de reproduire une recette déjà largement éprouvée, voire usée (cf. l'excellent Is This It, le très bon Room on Fire et le décevant First Impressions of Earth) en la délocalisant au Brésil, sur les plages de Rio de Janeiro. Accueillant son public seul sur scène à la guitare en interprétant un titre de bossa nova, Amarante n'hésite pas à brandir sa nationalité en étendard (il est brésilien) et se débrouille pour surprendre son audience. Pourtant, dès le deuxième titre, lui et Moretti ne font qu'agrémenter de manière assez systématique des morceaux purement stroksiens d'instruments et de rythmes à consonance chaloupée, histoire de noyer la bacalhau.
Au bout du compte, le premier effort de Little Joy, composé de gentilles réussites comme "Brand New Start" ou "No One's Better Sake", ne fera sans doute pas date dans l'histoire de la musique. Cependant, sur scène, le groupe, emmené par une bonne humeur communicative et une attitude franchement cool et relax, parvient sans grande difficulté à faire bouger le public et à lui faire prendre conscience que, si les temps sont durs, si l'économie s'effondre et si le monde tel que nous le connaissons est en train de disparaître, ainsi que nous l'a indiqué récemment un Keanu botoxé, la musique est heureusement là pour détendre l'atmosphère et faire se sentir bien, grâce en particulier à ces petites ritournelles bien agréables chantées par Binki Shapiro, que l'on imagine avoir été composées au bar d'une paillotte, à quelques mètres d'une mer d'un bleu azur, en sirotant un mojito ou une margarita à la paille.
Au final, trop court (une petite heure), le show, joué dans les conditions toujours excellentes de la Maroquinerie, aura réchauffé le cœur et la tête de bien des spectateurs, indépendamment de la température élevée de la salle. Si l'on peut légitimement s'étonner de la ferveur palpable ce soir qui portait le groupe, largement applaudi et encensé, au vu de ses qualités musicales intrinsèques, il faut reconnaître à ce dernier qu'en réhabilitant la décontraction, une notion largement perdue de vue depuis quelques mois, et en remisant au placard la sinistrose ambiante, il procure une bonne dose de plaisir et suscite une joie, éphémère certes, mais une petite joie, tout de même ("Little Joy" pour les anglophones). Diantre, que leur nom est bien trouvé !