LCD Soundsytem
Rock en Seine, le 24 août 2024
Rock en Seine a communiqué cette année sur une fréquentation record (mais attendue) de 182.000 spectateurs, tandis que son directeur Matthieu Ducos expliquait sur France Inter “l’obligation de faire un festival plus long pour survivre”. Tout le monde n’ayant pas la possibilité ou les moyens de venir passer cinq jours de vacances en buvant des bières trop chères au parc de Saint-Cloud, le but ultime du festival est donc de diversifier les publics. Si la première journée avec Lana Del Rey, la seule soirée complète sur les cinq, était clairement à destination de la jeunesse, la dernière journée était placé sous le signe des boomers avec la triple affiche LCD Soundsystem, PJ Harvey et Pixies, downgrade significatif suite à l’annulation de The Smile.
On est en droit de s'interroger sur la frontière entre la joie de revoir un groupe chéri et le marché de la nostalgie parfaitement intégré dans le business plan d'AEG et de Live Nation. En effet, LCD Soundsystem a peu changé sa setlist au cours de sa dernière décennie : on retrouve 10 morceaux sur les 12 déjà joués à We Love Green en 2016. Une setlist classique mais efficace, où la bande à James Murphy enchaîne tube sur tube, en commençant par « Get Innocuous! », sous les couleurs primaires des éclairages de la grande scène. Aucune annonce de nouvel album, pas de deep cuts, pas de faces B, même le récent « new body rumba » passe à la trappe en setlist de festival. Et leur dernier album American Dream sorti en 2017 passe presque inaperçu : seul « Tonite » – où je suis surpris de reconnaître quelques rythmiques inspirées de la légende Patrick Cowley – apparaît au programme.
La soirée prend une tournure plus tragique lorsque James Murphy dédie « Someone’s Great » à “leur grand ami” Justin Chearno, décédé trois jours avant le concert. Membre de plusieurs groupes de punk cultes de la ville de New York (Pitchblende, Panthers et Turing Machine) et surtout connu pour avoir créé avec Murphy le bar à vin The Four Horsemen à Brooklyn, Justin Chearno avait été guitariste d’un jour chez LCD Soundsystem pour le cultissime « New York I Love You ». Murphy redonnera d’ailleurs “un dernier coup dans le bide” en répétant l’hommage pour l’avant-dernier morceau de la soirée.
Si « Someone Great » est toujours un grand moment dans un concert de LCD Soundsystem, c’est le morceau suivant qui atomise la plaine : « Losing My Edge », étendu sur plus d’une dizaine de minutes en extrapolant des bouts de morceaux de Daft Punk, Yazoo et Suicide. Comment le premier single du groupe, sorti il y a 22 ans, déjà une réflexion sur le fait de vieillir dans une scène qui va toujours plus vite que toi, peut garder sa pertinence devant un parterre de fans grisonnants ?
Sans surprise, LCD clôture le festival avec « All My Friends », un autre morceau qui parle du temps qui passe et qui avait autrefois illustré la volonté de Murphy d’arrêter de tourner. Malgré l’ambiance un poil morbide et la setlist de best-of, on retrouve toujours chez les membres de LCD Soundsystem un vrai plaisir à jouer ensemble, à incorporer des références plus ou moins discrètes dans des morceaux mille fois joués et à suivre Murphy dans son rôle de bandleader flegmatique mais cabotin. La soupe est bonne et on reprend.
Photo : Louis Comar // www.instagram.com/louis_comar/