Kanye West
Le Zenith, le 25 février 2013
Il y a deux semaines à peine, c’est sans raison aucune que le père Kanye West annonçait une poignée de dates de part et d’autre de l'Atlantique, avec notamment un crochet par Paris – la base – et un rien plus tard, Bruxelles. L’occasion était trop belle, à tel point que l’on n’a pas bronché à la vue des tarifs exorbitants proposés pour cette date exceptionnelle du Louis Vuitton Don dans nos contrées. Surtout qu'on garde encore dans le cœur la tristesse d’avoir manqué la tournée olympique que lui et son bro Jay-Z avaient enchaînée l’an dernier...Bref, on n'a pas hésité une seule seconde à mettre la main au portefeuille. On aurait peut-être dû.
Car c’était inévitable: le plus gros melon des noughties allait avoir un peu de mal à ne pas se la péter. Réussir à rameuter un Zénith presque complet avec des effets d’annonce aussi limités et sans aucun nouvel album à défendre live, ça vaut toutes les Nolwenn Leroy du monde qui mettent jusqu’à plusieurs mois à faire de même. Alors au diable la première partie : il est déjà 21h15 quand Yeezy débarque dans la salle du XIXème arrondissement, accompagné d’un gros lightshow de circonstance et d’une poignée de musiciens qui auront bien du mal à exister face aux moyens déployés.
Face à l'entame fracassante « Cold » / « Mercy », deux des nombreux guilty pleasures du jouissif Cruel Summer, l’auditoire exhibe rapidement ses iPhones pour immortaliser l'événement. Et globalement, difficile de reprocher au MC de faire sa madone : le show long de presque deux heures brasse large, piochant dans l'ensemble de sa discographie, à la seule exception de Watch The Throne. Point donc de « Niggas In Paris »; mais les plus gros titres passent à la casserole, avec plus ou moins de succès d’ailleurs. Saluons notamment la scénographie des titres de 808’s & Heartbreak, où le public enseveli sous un tas de neige artificielle peut apprécier ce moment un peu à part de la discographie du bougre, sur la même scène où six ans plus tôt le MC pleurait le décès de sa génitrice.
Mais voilà, malgré toute la sympathie que nous inspire le charisme et le parcours de Mr. West, le type souffre de graves problèmes de communication, qui ont transformé ce qui avait tout pour être un moment intimiste en un véritable quotidien de prison turque. Les pitoyables versions de « Heartless » et « Runaway » durant lesquelles le MC a parasité les esgourdes de son auditoire à grands coups d’autotune mal réglé et de cris insupportables ont ainsi violé le rythme pourtant prometteur de cette prestation. Mais c’est probablement sa condescendance qui nous rendra le plus amer: avec ses speechs hautains et autres « OK, next » hurlés à l’encontre de ses musiciens parfois en plein morceau, le MC semble ne chercher qu’à se montrer sous son visage le plus détestable possible, s’adressant à peine à son auditoire et se montrant sourd à toute tentative de communion derrière ses masques de diamants ou de plumes. De jolis apparats qui servent le show certes, mais que le public paiera cher lorsque le maître de cérémonie ne se décidera à lâcher que les deux tiers d’un « Gold Digger » avant de s’éclipser comme un voleur sous les huées d’un public quelque peu dégoûté.
A l’arrivée, c’est d’une prestation pas tout à fait égale aux écus déboursés que KW a gratifié son public parisien. Entre ses grotesques crises d’égocentrisme et une certaine tendance à bâcler le taf, le natif de Chicago ne s’est pas franchement montré sous son meilleur jour. Ainsi, du Kanye West prétentieux mais attachant il ne restait plus ce soir qu’un mastodonte charismatique, imposant mais pas aussi séduisant et bestial que celui d’antan. Restent de bons moments - dont certains un peu forcés histoire de calmer la rancœur - et le plaisir d’avoir vu la pop superstar dans des conditions idéales en espérant que la tournée de son prochain album, que l'intéressé a annoncée avant de se tirer, soit tout de même un rien plus à la hauteur de nos attentes légitimes.
Setlist:
Cold
Mercy
Can't Tell Me Nothing
Power
Jesus Walks
Say You Will
Heartless
Homecoming
Flashing Lights
All of the Lights
Birthday Song
Clique
I Don't Like
The Good Life
All Falls Down
Stronger
Run This Town
Diamonds (Remix)
Runaway
Lost in the World
Rappel:
Gold Digger