Concert

Jeremy Jay

Saint des Seins, Toulouse, le 10 mars 2009
par Julien, le 15 mars 2009

C'est un moment bizarre dans la carrière Jeremy Jay. Nous sommes en train de vivre son explosion, les détonations pleuvent de toute part (album du mois pour Volume, apparition dans le toujours significatif Grand Journal) mais, pour encore quelques semaines ou quelques mois, le buzz n'est pas passé par tous les sillons. Voilà pourquoi Jeremy Jay jouait ce mardi 10 mars au Saint des Seins, à Toulouse, petite salle de belle tradition pop lui offrant une intimité inattendue – compte tenu des agitations médiatiques le présentant à chaque fois en cador. On peut penser qu'il ne reverra pas de sitôt d'ambiance identique, si décontractée, bienveillante et pourtant sans le moindre fanatisme. Mais avant de revenir sur le grand blond, qui nous donna malheureusement une prestation peu convaincante, penchons-nous sur ses premières parties.

Je ne pourrai rien dire sur Clementine Pop Music, qu'elle m'en excuse : la SNCF, ce n'est pas nouveau, est cruelle avec les femmes. Je ne suis arrivé sur place qu'au moment où les Dunces s'installaient. Pas le temps de me mettre à l'aise avec une bière que déjà leur introduction m'intriguait : instru hip-hop gonflée aux cordes et remerciements en guise de point de départ. Les Dunces, c'est un trio formé depuis à peine trois mois qui faisait là une de ses premières apparitions sur scène. C'est donc d'autant plus étonnant d'entendre une telle entrée en matière ; ils ont quelque chose à offrir et ne vont pas s'excuser d'être là. On passera sur le très mauvais mixage de leur prestation (manque de clarté dans les instrus et voix beaucoup trop en avant) pour ne garder que les bons points : ces trois-là ont quelque chose de Metronomy. Ils possèdent déjà une belle brochette de tubes et une sacrée signature sur scène, à savoir un set en forme de mix dynamique et bourré d'interludes. La formule est payante : si cela sonne encore très brut et parfois un peu faux, on sent dans ce groupe une vraie ambition et un potentiel indéniable. Nul doute qu'on les suivra de très  près.

Avant même qu'il ne monte sur scène, je dois confesser que j'avais des a priori sur Jeremy Jay. Je n'ai apprécié aucun de ses deux albums. La faute à cette impression retorse qu'ils ont été enregistrés sous valium : aucun musicien n'a l'air concerné par son travail, c'est très scolaire et paresseux. Même Jeremy Jay m'a toujours semblé bon élève mais pas très animé par ce qu'il faisait. Le constat à la fin du concert reste pour moi le même : c'est propre, efficace, très bien chanté et pourtant désespérément neutre. La référence quasi permanente aux Smiths et à Bowie donne envie de bailler. Il y a bien un côté groovy et décharné qui peut rappeler Franz Ferdinand, quelques projets discoïdes assez sympathiques, admettons. Toujours est-il que cela me semble assez pauvre pour un prospect aussi auréolé. Des centaines de groupes avec le même référentiel sont au moins aussi doués, et pas besoin d'aller les chercher très loin (A Second of June par exemple, écoutez !). Je suis sévère mais il faut prendre ça comme un avertissement : j'ai passé un bon moment, j'en ai eu pour mon argent, mais ce n'était que 5 euros... Quand il s'agira de débourser 20 ou 25 euros pour voir une prestation aussi consensuelle, il y aura alors de quoi crier au scandale.

Je mets le lecteur en garde, donc, en ne cachant pas que c'était tout de même une belle soirée. Conclue de la plus sympathique des manières : avec un dj set indie-rock (par Matthieu Narbonne) où Jeremy Jay et ses musiciens dansaient au milieu de leur public dans une béatitude assez touchante. Ils allaient repartir dans quelques heures en van Volkswagen, en route vers les grandes salles et les groupies hystériques. Pour cela, ce grand moment d'innocence, je garde d'eux un souvenir attendri.