Into The Valley 2017
Into The Valley 2017, le 30 juin 2017
Les paupières sont lourdes, les jambes sont raides, la boue arrive jusqu’aux chevilles et le crachin incessant pique le visage mais il fallait bien attendre le lever du soleil (vers 3h30, on est en Estonie) pour voir le magicien Marcel Dettmann prendre les commandes de The Beach, la scène amphibie du festival Into The Valley. Après un échauffement digne de ce nom assuré par KiNK, Dixon et le dinosaure Jeff Mills, c’est bien l’allemand qui vole la vedette à tout ce beau monde avec une prestation de haute volée, entre ambiances lourdes, respirations planantes et lever de soleil.
Liberté, égalité, Into The Valley
Car si des milliers de jeunes fanatiques ont fait le déplacement jusqu’au fin fond de l’Europe de l’est plutôt que de tenter leurs chances devant les portes du Berghain, c’est que, sur papier, l’expérience avancée par l’organisation Music Goes Further promettait d’être inoubliable. Au-delà d’un line-up impeccable (on y reviendra), c’est avant tout les 5 piliers fondamentaux autour desquels l’évènement a été bâti qui ont attiré tout ce beau monde en Estonie, un pays qui fait autrement moins bander que la Croatie ou l'Espagne, pour citer deux nouveaux eldorados festivaliers. Car Into The Valley, c’est un environnement unique, une technologie de pointe, des expositions d’art, des food trucks proposant une expérience culinaire unique, une équité sociale basée sur le respect de tous (pas de carré VIP, de file d’attentes prioritaires, etc), le tout dans un état d’esprit basé sur le partage, l’harmonie et la joie de vivre.
Dans la vallée oh oh de Rummu lalilala (vous l'avez?)
L’Estonie donc, le petit village de Rummu pour être précis. Situé à 40km de la capitale Tallinn, c’est là que l’organisation suédoise d’Into The Valley a choisi d’installer les 4 scènes de son festival. Et pas sur la place du village ou dans un champ environnant, non non, dans la putain de prison située aux abords de la commune. La prison de Rummu, laissée à l’abandon depuis l’indépendance de 1991, se résume aujourd’hui à quelques forteresses de béton imposantes ; des vestiges ayant autrefois servi à emprisonner des délinquants forcés à travailler dans la mine (désormais recouverte par une étendue d’eau claire et limpide). En arrivant sur place, on longe effectivement un haut mur en béton recouvert de barbelés rouillés dominés par des miradors qui rappellent immédiatement la particularité des lieux, extrêmement vétustes. Tellement vétustes d'ailleurs qu'une des scènes a dû être déplacée en dernière minute car les soundchecks effectués la veille de l’ouverture du festival se sont avérés impitoyables pour le béton. Ne pouvant pas assurer la stabilité architecturale des lieux et donc la sécurité des festivaliers, cette scène sera finalement déplacée à l’extérieur... et ouverte 36h plus tard.
Avec une scène en moins, il fallait donc revoir toute la timetable de l’évènement et répartir les différents DJs sur les 3 scènes à ciel ouvert : The Yard, la plus petite, The Beach, la scène amphibie, et The Mountain, la plus imposante des trois avec son grand dôme en bois adossé à une immense montagne de sable fin, un autre héritage de l’activité minière d’antan.
Un shuttle, des chutés
Là où l’organisation s’est également bien vautrée c’est dans le transfert de/vers Tallinn. Pour rappel, Rummu se situe en pleine pampa, a 40km de la capitale, sans aucune infrastructure hôtelière dans les environs. Il y a les courageux qui ont choisi de planter leur tente aux abords du festival et il y a ceux qui ont préféré le confort d’un pack hôtel+transfert+billet proposé par l’organisation. Sauf que le ramassage par les bus s’est avéré catastrophique avec une capacité des véhicules bien trop faible, laissant des dizaines de personnes sur le bord de la route avec pour seul choix de trouver un taxi et de lâcher un billet de 50€ pour rejoindre leur destination ou …d’attendre le prochain ramassage 3h plus tard ! Par ailleurs, le premier soir, la compagnie en charge d’assurer la sécurité de l’évènement s’est carrément retirée des lieux – suite à des impayés soi-disant – laissant les bénévoles gérer les flux de festivaliers. Rapidement dépassés, c’est la police locale qui a dû intervenir pour encadrer tout ce beau monde - ce qui, quand on est en train de s'enjailler bien pépouze devant le set de HUNEE, gâche un peu le délire. Mais au-delà de ces quelques couacs (franchement surmontables), Into The Valley reste une expérience à vivre.
Que l’on soit amateur de house, d’électro ou de techno pure et dure, il y en avait vraiment pour tous les goûts. Avec un total de 69 noms répartis sur trois soirs, il y a bien sûr eu des confirmations– Dettman, Nina Kraviz, Jeff Mills - , des coups de cœurs - Answer Code Request, Recondite, KiNK - , des découvertes – Bjarki, Casse – et quelques déceptions. Parmi les prestations les moins convaincantes, liées également à l’attente suscitée, on citera The Black Madonna, qui a notamment eu la mauvaise idée de passer le folklorique « Raspoutine » de Boney M devant une foule franchement pas venue pour se lancer dans une farandole, et Ricardo Villalobos, dont le set interminable a rapidement épuisé.
Mais la magie du concept d’Into The Valley s’opère lorsque l’évènement parvient à dépasser le simple cadre musical. De par la disposition unique des lieux, les infrastructures et les expositions se mêlent à l’expérience auditive, activant ainsi tous les sens du festivalier.
On s’était dit rendez-vous dans un an
Malgré quelques soucis organisationnels honnêtement pardonnables, cette première édition d’Into The Valley fut une grande réussite. Le cadre mystique, le line-up hétérogène, l’ambiance amicale et l’organisation souriante auront laissé un souvenir impérissable que même les conditions météorologiques défavorables n’effaceront pas. Et en attendant de pouvoir y remettre les pieds en 2018, sachez que l’agenda des organisateurs suédois de Music Goes Further est déjà bien rempli : leur prochain évènement, Into The Factory, se déroulera en août dans une usine de ciment abandonnée de la cambrousse suédoise. Ensuite, il faudra attendre janvier prochain pour Into The Castle qui aura lieu en Afrique du Sud dans un château-fort datant de la période coloniale. Si jamais vous êtes dans le coin...
Photo: Resident Advisor