Groezrock Festival 2019
Meerhout, le 26 avril 2019
Depuis plus de 20 ans, le Groezrock Festival attire chaque dernier week-end du mois d’avril des milliers de personnes qui entament leur pèlerinage vers le patelin de Meerhout, au cœur de la province d’Anvers, pour participer à l’un des rassemblements importants de la communauté punk.
Un an après un break pour manque de personnel et une édition en intérieur forcément plus intimiste, le Groezrock effectuait son retour pour une 27ème année. Face à l’absence de réformes attendues, c’est un sentiment mitigé voire légèrement amer que nous laisse le cru 2019. Voici ce que nous en retiendrons.
Pas de changement à la mi-temps
On aurait pu croire que le break de 2018 aurait permis aux organisateurs de repenser le festival en profondeur, rafraichir la configuration du site ou renouveler l’offre de service et d’activités proposées en marge des concerts. Il n’en fut rien.
Le constat était déjà sans appel en 2016 et 2017 pour ceux qui avaient auparavant foulés les plaines du Groez. Le site a drastiquement perdu en superficie, de même pour les chapiteaux. Le retrait d’importants sponsors ou encore les rumeurs de certains conflits avec des voisins n’y était pas étranger et tout porte à croire qu’à moins d’un investissement massif de la part d’une grande enseigne, les choses ne seront plus jamais les mêmes pour le Groezrock.
En ce qui concerne les infrastructures, le site est coupé en deux parties qui semblent indépendantes, et sur lesquelles sont installés une Main Stage et une petite scène ouverte d’un côté, et deux tentes sans barrières de l’autre. Le traditionnel supermarché punk reste toujours aussi fourni et agréable à parcourir mais il reste l’une des trop rares activités qui s’offre au festivalier entre deux concerts. Quelques associations comme Bite Back, Sea Shepherd ou Hardcore Help Foundation présentent leurs causes, histoire de rester un minimum en phase avec l’éthique véhiculée par la scène, mais pour le reste, c’est le néant.
Ainsi, plus aucune trace du traditionnel stand de dédicaces qui permettait aux fans d’échanger quelques précieux instants avec des légendes du punk. Même constat au niveau des stands annexes, totalement absents, dont le principal intérêt résidait dans l’apport d’animations et d’idées originales pour divertir le public. Qu’il semble loin le temps de la rampe géante installée en plein milieu du site et qui permettait aux professionnels de skateboard, moto et BMX d’épater la galerie. Nous aurons également une pensée émue pour le coiffeur/barbier qui proposait autrefois des coupes gratuites aux crêteux de tous horizons. En réalité, si ce n’est une petite scène acoustique nichée auprès du stand d’une célèbre marque de chaussettes, le festival ne semble juste pas avoir réussi à capitaliser sur ses partenariats.
Côté bouffe, pour un festival dont une large partie de l’audience est vegan, l’offre de nourriture reste particulièrement pauvre. Et pour ce qui est de l’accessibilité budgétaire, il faudra aussi repasser. Le prix d’un plat plus « raffiné » tourne autour de 10€, ce qui, si vous avez les moyens, vous évitera le traditionnel burger congelé, disponible dans tous les rassemblements culturels de Belgique. En outre le prix de la bière a légèrement augmenté, ce qui n’est jamais une bonne nouvelle. Enfin, si vous n’aviez pas payé les 50€ supplémentaires requis pour profiter du confortable coin VIP/Presse, les chances que vous n’ayez jamais pu profiter d’un espace de repos adapté pour une pause sont très importantes.
Finalement, le seul changement notable de cette édition concerne la scène The Cockpit, d’une capacité de 600 personnes. Celle-ci a été entièrement rendue gratuite au sein d’une zone H-24. En plus des afterparty drum & bass et techno durant la nuit, il vous était donc possible d’assister à toutes les performances du weekend sans débourser un rond. Ajoutons à cela que la programmation de cette tente n’avait rien à envier aux autres puisque les performances de Jesus Piece, Candy, King Nine ou The Tidal Sleep ont fait partie des plus intéressantes de cette édition. Si le geste doit tout de même être salué, on a encore quelques réserves sur les retombées de cette action et sur le nombre de spectateurs ne disposant pas d’un combi pour le weekend qui ont vraiment fait le déplacement uniquement pour profiter des concerts de cette tente. L’intention semble ici plutôt destinée aux riverains qu’aux festivaliers un peu crevards.
Entre jeunes talents et vétérans
"Ces dernières années, on nous a souvent reproché de continuer à inviter les mêmes groupes", avait déclaré le programmeur Hans Maes à la presse. "C'est pourquoi nous avons choisi des groupes et des artistes prometteurs qui n'étaient pas souvent en Belgique. Nous pouvons peut-être les aider à grandir de cette façon, mais il est difficile de plaire à tout le monde".
Cette annonce, également justifiée comme « nécessaire à la vitalité de la scène », n’a pas manqué de faire réagir les habitués. Si certains déplorent d’année en année, l’absence de véritables grosses têtes d’affiche capables de ratisser large, d’autres apprécieront l’attention plus importante donnée aux groupes émergents.
A ce titre, saluons donc l’audace des organisateurs qui ont pris soin d’inviter des artistes plus que prometteurs. On pensera aux belges Slow Crush et Raw Peace mais aussi à Can’t Swim, Coarse, Employed To Serve, Bearings, Spanish Love Songs, Tusky, Landmvrks et les quelques autres qui ont pu nous échapper durant ces deux jours.
Ces jeunes pousses sont ainsi encadrées par les habituels vétérans (Dropkick Murphys, Heideroosjes, Milencolin, Bowling For Soup, No Turning Back...) dont la présence chaque année nous donne sensiblement l’impression de participer à la même édition du festival tous les ans. Cette 27e édition nous a d’ailleurs offert que très peu de grosses performances et c'est souvent cette impression de « déjà-vu » qui prédomine.
Au rayon des meilleurs concerts du weekend, retenons surtout Trash Talk et The Bronx qui avaient spécialement fait le déplacement de Los Angeles pour l’occasion et qui ont proposé deux concerts taille patron, Defeater qui venait présenter son nouvel album et dont le set plein de passion a fait forte impression, ou encore Backtrack et Dead Swans. Quelques rookies précités (Candy, Jesus Piece, The Tidal Sleep) ont également fait preuve d'un joli potentiel scénique.
Il convient toutefois de relativiser cette impression partagée sur l'ensemble de la programmation. Le Groezrock reste un festival dont la convivialité est inégalée. Crowdsurfing, circles pits, stagesdives et high fives sont autant de traditions pour ce genre de rassemblement, renforcant du coup le sentiment de cohésion et l'ambiance bon enfant qui règne durant le weekend. Et même si moins d'étrangers semblent avoir fait le déplacement, les interactions majoritairement alcoolisées entre festivaliers sont nombreuses De manière générale, dire que l’on a passé un mauvais moment serait tout simplement faire preuve de mauvaise foi.
Où sont les fans ?
Avec 13.000 festivaliers présents durant le weekend, 6.000 le vendredi et 7.000 le samedi, il est évident que la fréquentation de cette 27e édition est loin d’être réjouissante. En comparaison à une époque pas si lointaine ou le Groezrock pouvait se targuer de rassembler plus de 30.000 spectateurs venus de toute l’Europe, on ne peut que se sentir un peu gênés pour les organisateurs face à ce cuisant manque d’engouement.
Au delà du vieillissement manifeste de la population constaté cette année et qui semble aller de pair avec les groupes programmés, on ne dénombre même plus les performances dont la fréquentation faisait littéralement peine à voir. Qu’il s’agisse d’headliners comme Jawbreaker, Coheed and Cambria ou les chantres du Celtic Punk Dropkick Murphys, de formations plus rares sur notre territoire à l’image de Samiam, Bold et One King Down, ou encore de groupes plus confirmés comme Emmure ou A Wilhelm Scream, nous n’avons jamais senti énormément d’engagement de la part d’un public, par moment beaucoup trop spectateur qu’acteur. Quelques artistes ont toutefois pu tirer leur épingle du jeu à commencer par les belges d’Amenra et Brutus, Stick To Your Guns ainsi que le set anniversaire de Deez Nuts. Les performances de Comeback Kid, Milencolin, Defeater, Heideroosjes, Joyce Manor ou celle de Jesus Piece auront également réussi à rameuter une audience plus que correcte.
Jadis considéré le plus grand rassemblement emo-punk-hardcore-metal européen, tout porte à croire que ce festival de niche est aujourd’hui en perte de vitesse et que sa croissance a connu un sérieux coup d’arrêt. Considérant l’affluence, certains choix de programmation seront forcément discutables. L’année sabbatique prise par les organisateurs ne leur a finalement pas permis de rectifier le tir et il est évident que l’importante concurrence européenne, le manque de renouvellement des traditionnelles têtes d’affiche du genre mais aussi l’aspect financier, à l'image de ce qu'a connu le collègue Ieperfest, semblent avoir fait basculer cet événement cher à nos petits coeurs d'adolescents dans une division inférieure. Il y a, en conclusion, de quoi être un peu nostalgique des glorieuses années du Groezrock mais aussi très sceptique quant à son avenir.
Merci à James K. Barbosa pour les photos. Son travail est disponible ici.