Concert

Floating Points

Le 104, le 16 novembre 2024
par Aurélien, le 20 novembre 2024

Si vous avez le sentiment qu'on fait preuve de complaisance envers les artistes qu'on aime, ce petit retour sur un samedi soir au 104 parisien vous rappellera qu'on peut aussi être d'immenses pissefroids quand on a l'impression d'être pris pour des lapins de six semaines.

Ce concert de Floating Points, c'est peu dire qu'on l'attendait : si son Cascade n'a pas totalement tenu ses promesses, il n'en demeure pas moins une belle déclaration d'amour au dancefloor. On se disait naïvement qu'il suffirait de peu de choses pour que le disque prenne une autre dimension sur scène, sublimé par la maestria d'un type qu'on sait pas manchot quand il s'agit de faire danser les gens (sa récente Boiler Room en atteste) et très habile lorsqu'il faut jouer la carte de l'émotion - qui peut s'asseoir à la table de son Promises et dire "j'ai fait pleurer plus de gens que toi" ?

Sur le papier donc, une affaire qui roule. Dans les faits, une autre histoire : on sent bien que Sam Shepherd est quelqu'un d'artistiquement tiraillé, peut-être pas forcément à l'aise avec son statut de machine à danser acquis très tôt dans sa carrière. On sent bien son envie d'être un peu plus que cela, de donner du sens à ses ambitions expé. On le sent alors tenté d'emprunter des chemins de traverse qui, sur ses disques, donnent parfois l'impression qu'il ne veut pas choisir entre deux carrières alors qu'en 2024 il peut s'appuyer sur une crédibilité en béton armé qui lui permet aujourd'hui de tenter tout, mais pas n'importe quoi.

Coincé entre son envie de faire mumuse avec ses synthés modulaires et celle d'honorer l'efficacité de son dernier effort, l'Anglais a livré dans la salle du dix neuvième arrondissement de Paris une prestation pleine d'atermoiements. Bien sûr, même les mauvais coucheurs que nous sommes ont pris un plaisir fou à entendre la basse écrasante de "Birth 4000" ou les arpèges fous de "Fast Forward" sur un soundsystem (un rien trop) massif. Sauf qu'absolument rien ne changeait par rapport aux versions entendues du disque. On avait beau voir l'intéressé tripoter ses machines, on peinait à trouver de la valeur ajoutée. Pire, le live sonnait par moments moins abouti que le disque, pas aidé par des transitions prétentieuses qui ont trop souvent ressemblé à du Autechre percuté par Pierre Palmade.

Trop sûr de sa proposition le Floating Points? En réalité, on a plutôt l'impression qu'absolument rien n'était à sa place ici, et que ce set à la fois dancefloor mais surtout très arty aurait gagné à se jouer dans un cadre plus modeste. Car malgré la spectaculaire halle dans laquelle l'Anglais nous a accueillis, il n'y avait rien de spectaculaire à se mettre sous la dent ici, si ce n'est un light show digne des Chemical Brothers au service d'une performance qui ressemblait moins à un bon show techno qu'à une performance d'art moderne (S/O tout de même aux superbes visuels de l'artiste Akiko Nakayama, présente à ses côtés sur scène à Paris).

Bien sûr, à moins d'aller taper le bout de gras avec le principal intéressé, on n'aura pas le fin mot de l'histoire sur les vraies raisons de cette purge cosmique. Ceci étant dit, le lendemain, on est tombé sur son live au Fuji Rock quelques mois plutôt (et intégralement disponible sur Youtube) et l'espoir est revenu : oui, avec un set up moins extravagant et une narration mieux encadrée, Cascade a ce qu'il faut pour être un excellent live, et Floating Points le talent nécessaire pour faire un set d'une très grosse efficacité.