Concert

Eugene McGuinness

Paris, La Maroquinerie, le 7 mars 2009
par Splinter, le 9 mars 2009

Si l'on en croit le bon sens populaire, qui, comme chacun sait, trouve son expression dans ses bons vieux proverbes, la valeur n'attend pas le nombre des années et l'on sait gré à l'excellent Eugene McGuinness de nous en fournir l'illustration musicale la plus brillante de la décennie passée. Son premier album éponyme, sorti en octobre 2008, représente en effet probablement la plus belle surprise en matière d'indie pop britannique depuis Neil Hannon et The Divine Comedy et se révèle non seulement incroyablement addictif lors des premières écoutes, mais également superbement long en bouche, puisque voici bientôt cinq mois qu'il tourne en boucle ou presque au sein de la rédaction. Une belle longévité pour un premier effort sorti quasiment de nulle part.

Du coup, la perspective de voir McGuinness sur scène ce soir à la Maroquinerie (Paris) était particulièrement emballante, même si l'on imaginait bien à l'avance que l'on n'aurait sans doute pas la possibilité de l'écouter sur une très longue durée. Et pour cause, se produisant au sein du Festival Minimum, pour une dernière soirée, et partageant l'affiche avec deux autres groupes sans en être la figure de proue, l'Anglais n'allait pas donner son maximum et ne ferait, prévoyait-on, qu'un passage éclair sur scène. Etait-ce une bonne raison pour bouder son plaisir ? Evidemment que non. Et même si le Liverpuldien d'origine n'a effectivement officié que pendant une petite trentaine de minutes montre en main, ce fut un véritable bonheur que de constater que toute l'excentricité et la mégalomanie typiquement british de notre jeune ami n'existe pas que sur disque.

Jeune, Eugene McGuinness l'est à un point que l'on n'imaginait même pas avant de le rencontrer. Né en 1986, le songwriter en chair et en os donne toutefois l'impression d'être à peine sorti de l'adolescence. A-t-il obtenu l'autorisation de ses parents pour partir en tournée ? On l'ignore et on l'espère pour lui afin qu'il n'ait pas de problèmes en rentrant à la maison dans quelques semaines. Cette allure juvénile qui se réfugie jusque dans la petite chemise au col bien boutonné d'enfant sage et une coupe néo-Beatles qui classe bien l'Anglais dans la catégorie des jeunes, par opposition aux vieux qui perdent malheureusement leurs cheveux, tranche radicalement avec le côté vieillot de son prénom, la profondeur de sa voix et le talent, voire le génie, qui habite chacun de ses morceaux.

Sur son premier album, McGuinness raconte bien entendu des histoires de son âge, c'est-à-dire d'amours adolescentes assumant totalement l'héritage des Beatles ("Rings Around Rosa", "Wendy Wonders") et de bandes de potes ("Fonz", "Moscow State Circus"), mais l'enrobage musical se révèle être d'une maturité tout simplement estomaquante. Sur scène, seul avec sa guitare, l'Anglais irradie et convainc sans peine une toute petite assemblée venue manifestement spécialement pour lui, si l'on se réfère aux départs de la salle suivant la fin de son set. L'absence de son groupe, donc cette configuration minimale, aura mis l'accent sur la voix de McGuinness et ses qualités de mélodistes hors pair, notamment sur les morceaux précités.

Ses deux reprises, "JuiceBox" des Strokes et "Ask" des Smiths, auront quant à elles permis de démontrer à qui en avait encore besoin que le gamin est un excellent chanteur et musicien, un point c'est tout. Et l'on pense alors à une espèce d'adulte coincé dans un corps d'ado, comme Tom Hanks dans Big, gentil nanard intersidéral des années 1980 qui reste peut-être le meilleur point de vue de l'adolescence pour un "vieux". Croisé ensuite à la buvette, Eugene McGuinness nous aura confirmé qu'il est presque un jeune comme les autres : hyper sympathique et avenant, humble, un godet de bière dans une main, un téléphone portable dans l'autre. La seule différence, c'est qu'il est l'un des plus brillants de sa génération.