Dour Festival 2019
Dour, le 11 juillet 2019
"Dour c'est l'amour" voudrait-on nous faire croire. Ce genre d'affirmation vaut peut-être pour celui ou celle qui pense avoir trouvé l'amour au fond d'une tente Quechua en rentrant du set de Nina Kraviz, mais pour nous, le Dour Festival c'est aussi beaucoup d'autres choses, qu'on a tenté de vous expliquer à travers un palmarès rigoureusement objectif et absolument exhaustif de tout ce qui s'est passé au cours de ces cinq jours de grand n'importe quoi et dont le liant reste, encore heureux, la musique.
Prix Kim Kardashian de l’endroit le plus instagrammable du festival : la DJ Booth de la Red Bull Elektropedia Balzaal
Éviter la cannibalisation, l’impression dérangeante de « festival dans le festival », telle était l’intention – louable – des programmateurs Mathieu Fonsny et Alex Stevens lorsque nous les avions rencontrés l’année dernière. De retour de Dour, on se demande s’ils nous ont gentiment enfumés ou s’ils ont simplement décidé que cette machine-là était trop grosse pour qu’on puisse encore l’arrêter.
Avec une capacité quasi similaire à celle de la scène principale et des moyens visuels et techniques hollywoodiens, la scène est considérée par beaucoup comme l’endroit le plus important du site, et par le Guinness Book des Records comme le plus grand arbre de Noël du monde. Ainsi, la Red Bull Elektropedia Balzaal a confirmé son emprise sur le festival au cours de 5 journées thématiques qui auront su satisfaire énormément de festivaliers, malgré nos immenses doutes sur la pertinence d’une programmation brostep / trap / grosse drum qui tâche le samedi, et qui faisait résonner partout sur le site les échos de ce qui ressemblait davantage à une gigantesque dispute de Transformers qu’à une proposition musicale digne de ce nom. Valoriser la musique électronique n’est pas toujours simple dans un festival de la taille de Dour, et vu le monde que drainent ces nouvelles rock stars, elles ont besoin d’enceintes à la hauteur de leurs égos et de leurs prétentions salariales.
D’ailleurs, les tentatives de programmer d’excellents artistes dans des cadres plus intimistes (toutes proportions gardées) se sont soldées par des embouteillages monstres très frustrants – aller voir Laurent Garnier, Mall Grab ou Bicep dans de telles conditions de compression des corps n’a rien de fun, le clubbing nécessitant un minimum d’espace vital pour se vivre comme il faut. Partant de là, l’expérience Balzaal est à prendre ou à laisser : y pénétrer c’est accepter de se faire aspirer, c’est rentrer sans vraiment savoir quand on en sortira et dans quel état. C’est (malheureusement) participer à une expérience qui peut pourrir la vie des gens qui veulent autre chose – d’ailleurs, Zwangere Guy n’aura pas manqué d’envoyer chier l’organisation tant Herobust (impression immédiate sur les rétines de photos de bolosses en singlets roses) donnait l’impression de chier sur l’ensemble du site.
Mais malgré toutes les réticences qu’on peut avoir, il reste une réalité qu'un organisateur ne peut ignorer, celle des chiffres, et ils ne mentiront pas : la Red Bull Elektropedia Balzaal a fait le plein de festivaliers pendant cinq jours. Bref, la scène ne disparaîtra pas, même si on a ici le sentiment qu’il y a encore beaucoup de travail à faire pour qu’elle existe en harmonie avec le reste de la programmation, car jusqu’à preuve du contraire, pour ce genre de délire, il y a Tomorrowland ou l’Extrema Ourdoor.
© Level Up Production
Prix Salah Abdeslam de l’artiste dont on se demande encore pourquoi il n'a toujours pas explosé : Vince Staples
Ce fut notre première rencontre avec le festival de Dour cette année : en pénétrant sur la plaine par l’entrée réservée à la presse comme les bawlerz que nous sommes, nous avons été accueillis au son de la balance de Vince Staples, sur l'instru fatale de "Big Fish" et son « I was up late night ballin’ » qui allait être notre leitmotiv pendant les 4 prochaines journées de libations. Un moment aussi pour nous rappeler que rater le passage de l'américain sur la Last Arena n'est pas une erreur que nous commettrons aujourd'hui. Car à notre grand regret, Vince Staples est le genre de mec qui boycotte les salles européennes et nos précédentes rencontres avec lui se résument à des prestations en festival. À ce titre, aucune surprise : la scénographie est la même que lorsqu'on avait pu apercevoir le gaillard au Primavera en 2018. Un écran géant, divisé en plusieurs écrans de télévision, qui diffuse des vidéos et des séquences de films censés être le miroir d'une société dont Vince Staples semble ne pas vouloir faire partie.
Alors qu'il déroule une setlist gourmande en bangers ("Blue Suede", "Lift Me Up") sous un soleil de plomb, on ne peut s'empêcher de repenser à son parcours et aux raisons qui font que l'artiste n'est pas plus bankable. Certes, le gars de Long Beach est loin d'être un rookie et l'importante affluence ainsi que la réponse enthousiaste du public à son set brulant en témoignent. Pourtant, l'image d'anti-héros et la volonté manifeste de conserver une approche plus radicale que les autres semblent lui fermer les portes d'une popularité bien plus importante.
Malgré une courte mais excellente discographie ainsi que de bonnes dispositions en live, l'ami Vince reste un underdog magnifique. À l'image de l’extrémiste JPEGMAFIA programmé le même jour sur une plus petite scène, il incarne à merveille cette vague hip-hop indépendante qui propose un regard différent et moins aseptisé que ce qui inonde les charts Spotify. Et si sa singularité l'empêche d'atteindre les cimes de la notoriété qu'embrassent certains de ses congénères, l'auteur de Big Fish Therory continue de nager à contre-courant et ne semble pas vraiment s'en émouvoir. C'est peut-être mieux ainsi finalement.