Cabourg, Mon Amour
Cabourg, le 29 juillet 2016
"Mec c’est trop frais…" Voilà sans aucun doute possible la formule laconique la plus régulièrement exprimée lorsque, naïvement, je demandais à mes amis locaux un tant soit peu mélomanes de me décrire le festival Cabourg, Mon Amour. Ouais parce que cet été, plutôt que de choisir entre la peste et le choléra dans des festivals putassiers cherchant à satisfaire le gazier lambda sans finalement réussir à faire bander qui que ce soit, je me suis réfugié sur le Petit Poucet dont le nom encore trop méconnu est cependant synonyme de qualité depuis 4 ans maintenant- et en plus c’était pas loin de chez moi. J’ai donc pris le temps de digérer un peu ce week-end riche en émotions histoire de pouvoir à tête reposée vous régurgiter ce qu’il faut retenir du cru 2016 :
- Qu’un festival sur la plage, c’est toujours cool.
Bon c’est vrai, on s’est pas creusé les méninges pendant des heures pour trouver et formuler ce premier point un peu bateau. Il n’en demeure pas moins qu’un des atouts indéniables de Cabourg, Mon Amour réside dans la possibilité d’enfourner ses gros orteils velus dans le sable, voire de se faire quasiment chatouiller ses petits petons en cas de marée haute. Franchement, c’est toujours mieux de se ventiler à grande bouffées d’air marin que de capter les miasmes et autres effluves provenant tout droit des chiottes. Et pour les récalcitrants risquant une overdose de nature, pas de problème puisque la deuxième scène est située sur la digue surplombant la plage, de sorte qu’une excellente assise bien bétonnée est également possible. Mais quoi de mieux en été que de se faire griller le lard au soleil sur le sable ? Ca, les organisateurs l’ont tout à fait compris étant donné que le festival offre même la chouette possibilité de s’adonner à une bonne grosse pétanque toute conviviale ou de miser son ego au cours d’un match de badminton. Bref, niveau coolitude, on atteint de hauts sommets. Du coup, à l’heure où le festival Calvi se casse un peu la gueule, on se dit que Cabourg, Mon Amour pourrait bien prendre la place du festival corse dans pas mal de coeurs. Et puis on ne vous parle même pas de tous les Pokémons aquatiques qu’on a pu choper.
- Que la musique électronique, c’est pas toujours chiant.
Si le cadre et l’environnement rentrent en compte et pèsent un peu dans la balance, la musique proposée par les différents artistes constitue évidemment l’attrait majeur d’un festival et définit presque à elle seule la qualité de celui-ci. Et à ce niveau, dire que je ne suis pas un grand fan de musique électronique est un doux euphémisme. Alors avec une affiche mentionnant des noms comme David August, Fort Romeau ou Délicieuse musique, disons que je n’avais pas forcément choisi le festival qui me correspondait le plus niveau registre musical. Et pourtant. Si le son n’était pas toujours au rendez-vous (on a notamment décelé quelques légers bugs lors du set de David August ou du concert des Australiens de Jagwar Ma), la musique exposée par Cabourg, Mon Amour se distingue par sa qualité, son accessibilité et sa cohérence. Jamais aggressive et toujours dans la mélodie plus que dans la pulsation et les grosses basses outrancières, celle-ci nous a câliné et fait danser 3 jours durant. On retiendra notamment l’excellente prestation disco-funk de Palms Trax, l’énergique moment de Fort Romeau ou quelques instants plus poétiques, comme un Flavien Berger absolument perché hypnotisant la foule sous la lueur d’un soleil couchant. Tout n’a pas été rose cependant, puisqu’évoquer le souvenir de LUH est encore douloureux aujourd’hui, tant la grandiloquence et le côté théâtral du truc nous est passé carrément au dessus de la tronche. Et puis on aurait quand même bien aimé que les meufs de Hinds jouent plus de 35 minutes, ne serait-ce que pour le plaisir des yeux.
- Qu’on décerne malgré tout la palme à Jacco Gardner.
Promis juré ce jugement n’est pas du tout biaisé par mes propos précédents concernant la musique électronique et mon enthousiasme à son égard. Mais merde, quel concert ! Un peu timide voire légèrement mal à l’aise comme à son habitude et pourtant en pleine possession de ses moyens, le néerlandais nous a franchement épaté par la qualité de sa prestation biberonnée au LSD, piochant tour à tour dans chacun de ses deux albums studios. Plus puissant et percutant que de coutume, le psychédélisme de Jacco Gardner s’est en effet trouvé sublimé par de jolies mais furieuses cavalcades sur 6 cordes et galvanisé par certains jams tout droit sortis de lointains paradis artificiels. Un concert bien rodé et complètement cosmique qui restera comme la meilleure performance du festival.
- Que Cabourg, Mon Amour est un sacré carnaval.
L’affiche nous le laissait entendre, et on a pas été déçus tant ce festival est une singulière expérience sociale. Récapitulons un peu… On retrouve généralement plusieurs profils communs à la grande majorité des festivals : quelques mecs à la coule dont l’enthousiasme n’a d’égal que leur alcoolémie, des locaux curieux simplement venus écouter ou découvrir les artistes à l’affiche, quelques parents regrettant déjà d’avoir emmené leur gosse dans ce théâtre de soûlerie ou encore certains fans venus exclusivement pour un groupe et occupant tranquillement la première rangée de la foule dans l’attente de celui-ci - cette liste est volontairement non exhaustive et bourrée de clichés grotesques. De ce point de vue, Cabourg est presque un ovni tant sa population relativement peu nombreuse est abondante en hipsters pur race dont le style n’a comme limite que celle de leur imagination. Putain, j’avais beau retrousser mon pantalon jusqu’aux genoux et sortir mes plus belles pièces de friperie, je n’ai jamais réussi à être complètement dans le thème. Déception.
- Qu’on a été victimes d’un certain complot.
Maintenant qu’on a parlé musique, soyons francs : un festival est surtout une excellente occasion de se bourrer gentiment la gueule. Pour cela, même si plusieurs procédés s’offrent à nous, rien de vaut la séculaire cuite à la bière. Sauf que là, à moins d’avoir le portefeuille de Bill Gates ou de s’entamer tranquillement à la 8.6 avant le début du festival, difficile d’accéder au nirvana… Merde les gars, une Heineken à 7 euros… En fin de compte, cela reste plutôt cohérent avec le problème de chiottes auquel nous avons été confrontés le samedi soir, lesquelles nécessitaient une patience herculéenne. D’après de très savants calculs, on a en effet estimé le temps d’attente à 15 minutes pour les mecs et la bagatelle de 45 petites minutes pour les meufs. Boire moins, c’est pisser moins - enfin, dans les lieux dédiés à cela en tout cas. Fort heureusement, ce problème rapidement résolu le lendemain n’entacha pas notre enthousiasme, seulement notre slip. Et puis c’est vrai que le festival se termine chaque soir à minuit - même si un after est ensuite proposé au casino - ce qui incite fortement à moins boire, et donc à moins pisser. Putain, tout est lié ! De là à penser qu’il s’agit d’un foutu complot illuminati-réptilien, il n’y a qu’un pas qu’on ne franchira quand même pas.
- Que ce festival a carrément la classe.
Pour ce point aussi, on s’est pas vraiment foulés. Mais tout dans ce festival pue la classe à des kilomètres. Exemple : en bon festivalier, lorsque la faim s’empare de toi et que ton regard famélique scrute alors chaque cahute en quête du kebab le plus calorique possible, c’est qu’il est temps de faire le plein de bonnes vitamines - la bière ne compte pas. Mais pas question de kebab ici, ce serait carrément vulgaire. Non, on préfère chopper un sandwich végétarien ou autre pain bagnat au saumon histoire de se refaire une santé - bon il y a quand même un stand barbecue mais on a préféré exploiter le concept proposé au maximum. Et puis que dire de l’affiche du festival et de son aspect visuel ? Flairant le bon coup, les organisateurs ont en effet contacté le dessinateur Jean Julien, nouvelle coqueluche des réseaux sociaux depuis son dessin représentant la Tour Eiffel accouplée au symbole Peace & Love en réponse aux attentats de Paris. Bref, tout concorde à faire de Cabourg, Mon Amour un événement sobre et élégant, qui se distingue donc d’une bonne poignée de ses concurrents en proposant une sorte de produit véritablement fini et franchement conceptuel. Sincèrement mec, c’est trop frais…