Bilbao BBK Live 2019
Bilbao, Kobetamendi, le 11 juillet 2019
En toute honnêteté, nous avions récolté assez peu d’échos du Bilbao BBK Live avant d’y déposer notre sac. Et malgré une bonne décennie d’existence, l’événement ne s’était jamais vraiment imposé sur un planning estival déjà bien parasité par nos habitudes de vieux festivaliers. Notre présence n’y est donc du qu’à un faisceau de raisons plus ou moins impulsives. Parmi celles-ci, une fringale de guitares et l’assurance d’un certain taux d’ensoleillement journalier.
À l’instar du Down The Rabbit Hole qui patiente toujours sur notre étagère, le Bilbao BBK Live fait partie de ces rares festivals à dimension humaine - respirable du moins, avec ses 112 000 visiteurs étalés sur 3 jours - qui proposent encore une affiche bâtarde mais consistante, populaire mais pas racoleuse. A l’heure où les programmations se spécialisent de plus en plus afin de contenir leur cible ou à l’inverse, tirent sur tout ce qui bouge pour remplir la jauge à n’importe quel prix, le Bilbao BBK Live applique plutôt une approche à l’ancienne : quelques gros noms dignes de confiance poursuivis par une série de prétendants au titre, avides de marquer leur territoire. Du rap propre sur lui, un fond d'électro pour boucler sa nuit et surtout, du rock (dans sa définition la plus large) à l’heure où le genre se voit de plus en plus relégué en seconde, voire troisième division.
Niveau ambiance, ça ne tente pas de nous vendre « une grande expérience humaine hors du temps et de l’espace ». Il ne s’agit pas de partager un carré d’acide avec un voisin de plaine déguisé en T-Rex, de prendre des cours de Tai Chi entre deux cracheurs de feu ou de déguster un kebab aux œufs de beluga. Le burger s’avale sans crainte, le festivalier boit raisonnablement et tout le monde se comporte de façon courtoise. Bizarrement, les gens semblent être là pour la musique. C’en est presque suspect.
Pour le reste, on vous déballe ci-dessous quelques observations en vrac de notre weekend « Bongo Découverte » au cœur du Pays Basque.
Le panorama
Le promoteur qui a décidé de planter son drapeau en haut de la colline de Kobetamendi a eu le nez creux car le cadre est sans aucun doute l’un des atouts majeurs du festival. Avec sa vue sur les vallées environnantes et les couchers de soleil qui l’accompagnent, le lieu permet de remettre tranquillement sa vie en question pendant que la scène Lasai nous souffle dans la nuque sa chillout paresseuse. Les petits bois, la pelouse bien grasse et les scènes calées entre les rochers finissent de poser le décor. On a bien droit aux intempestifs stands sponsorisés (la hutte Jägermeister étant vraisemblablement l’équivalent de notre crapuleux Joe Piler Saloon) mais il y a moyen de s’en extraire sain et sauf.
De plus, puisque l’usage local prescrit des concerts tardifs, ça vous laisse amplement le temps de quadriller les vieux quartiers de Bilbao ou d’entretenir votre culture au Guggenheim (ce qui est autrement plus gratifiant que d’imprégner le sol du camping en ouvrant une conserve de raviolis que l’on mangera de toute façon à la main parce qu’on a oublié les couverts dans la bagnole et qu’elle est parquée beaucoup trop loin).
L’orga au poil
De ce côté-là, ça roule sur des billes. Aucun engorgement ni à l’entrée (le bracelet se récupère à l’avance dans différents points de la ville) ni à la sortie (plusieurs accès, tous dégagés), une circulation fluide entre les scènes, un service de navettes régulières qui réduit au maximum le nombre de pas par jour (notre fainéantise vous salue) et un système cashless au taquet (notre gosier vous remercie). Aucun incident à déplorer si ce n’est quelques malentendus principalement liés à notre manque de pratique du basque. Et parce que nous aimons vivre dangereusement, nous avons aussi testé pour vous la pinte de Kalimotxoa, un subtil mélange de coca et de vin rouge qui laisse des traces.
L’invasion british
Probablement désireux de s’éloigner autant que possible de Boris Johnson le temps des vacances, c’est un charter rempli de groupes anglais qui s’est déversé sur Bilbao. A croire que l’équipe du festival a obtenu un prix de gros. On s’est vaguement penché sur les vétérans - Liam Gallagher (son humeur de cochon et ses « thank you very mooch »), Thom Yorke (son projet Tomorrow’s Modern Boxes tout en basses nauséeuses et petits moves désarticulés), The Good, The Bad & The Queen (son Damon Albarn au sourire de bienheureux) ou Suede (son Brett Anderson qui ne semblait pas préparé à autant d’engouement) - mais ce sont plutôt les générations suivantes qui ont retenu notre attention. Entre les débordements potaches de Slaves, les coups de tête de Sleaford Mods, les craquages de chemise de Shame et la moissonneuse-batteuse IDLES, l’Angleterre post-Brexit peut être satisfaite de la horde de Gremlins qu’elle a réveillés.
Le retour des New Yorkais
Première apparition en Europe depuis un paquet d’années (si on ne calcule pas leur rapide passage au Primavera en 2015), la performance des Strokes se plaçait en tête de celles qui attisaient le plus notre curiosité, voire notre excitation d’ex-groupie inavouée.
Alors oui, on a pris notre pied. Parce qu’on s’est englouti un best of monstrueux qui a décollé à la vertical avec "Heart in a Cage" et s’est posé sur du velours avec "Last Nite". Un putain de bon morceau le restera toujours surtout lorsqu’il est joué par les premiers concernés. Par contre, sans aucune nouveauté à proposer et une attitude qui ne suintait pas l’enthousiasme, on a un peu du mal à comprendre quel était le but de la manœuvre (les mauvaises langues diront l’argent). Le malaise s’insinue lorsqu’un Casablancas à côté de ses pompes (les mauvaises langues diront la drogue) tentera sans succès de divertir le public avec des brouillons de private jokes. En tendant l’oreille, on aurait presque pu entendre les yeux d’Albert rouler dans leurs orbites. On ne prend pas trop de risques en supposant que Julian s’éclate désormais bien plus sur une petite scène avec ses potes de The Voidz comme ce fut le cas le soir précédent.
Les nouvelles têtes
Trois bonnes pioches sur lesquelles on a trébuché par hasard (ou presque) et qu’on vous recommande sans forcer:
- Le psyché-noise des Français de Psychotic Monks dont l’album nous avait déjà bien émoustillés et qui confirment en action tout le bien qu’on pensait d’eux.
- Nadia Rose (dont on vous parlait déjà ici) qui est parvenue à agiter pas mal de monde à une heure où l’on soigne encore sa gueule de bois de la veille.
- Les Barcelonaises (et le Barcelonais) de Mourn, déjà sur le pont depuis quelques années mais que nous n’avions pas encore eu l’occasion de voir à l’œuvre. Pas forcément taillés pour la main stage mais suffisamment bruyants que pour que nous en réclamions davantage.
La mention spéciale du jury
Les fabuleux Viagra Boys menés par l’impeccable one-man show de Sebastian Murphy tout de Heineken imbibé.
Et puis Rosalia parce que bon… Rosalia, quoi.
Le moment WTF
Fermez les yeux et imaginez Hot Chip reprendre "Sabotage" des Beastie Boys. Ce sera tout.