Bertrand Belin
La Madeleine, Bruxelles, le 7 décembre 2022
« Il n'est pas de hasard, il est des rendez-vous » chantait Etienne Daho et ce n’est pas peu dire que chez Goûte Mes Disques, on attendait Bertrand Belin de pied ferme en ce mercredi maussade de décembre. Parce que le Breton fait partie des plus belles voix et plumes de la scène française actuelle. Parce que son Persona est l’un des meilleurs albums de ces dernières années. Parce que ce personnage, subtil mélange de profondeur et de décalage, invitait à toutes les promesses.
20h30, les lumières s’éteignent dans l’atmosphère feutrée (moquette oblige) de la Madeleine. Les acteurs de la soirée descendent du double escalier qui mène à la scène et entament un Carnaval tout en sobriété. Le son est impeccable, la voix de Belin intacte, le décor minimaliste. Pourtant déjà quelque chose cloche. Une batterie muselée, une attitude empruntée (à Alain Bashung disons-le clairement) et un plaisir trop dissimulé empêchent une connexion réelle avec le public et augure le ratage qui se trame. Les morceaux s’enchaînent, entrecoupés de tentatives d’humour poussives, et la mayonnaise ne prend pas. Le public belge (qui s’y connait en mayonnaise) n’est d’ailleurs pas dupe et du dernier tiers de la salle s’élève rapidement le brouhaha caractéristique des concerts boiteux.
Il n’est jamais simple de critiquer la setlist d’un artiste (qui peut logiquement puiser à sa guise dans son répertoire) mais ce mercredi Bertrand Belin, qui fêtait ses 52 ans, ne nous a pas semblé faire de cadeaux. Il est venu pour défendre Tambour Vision et jouera l’album quasi dans son intégralité. Pire, quand il pioche ailleurs, il choisit des chansons peu taillées pour la scène ("Bec") ou ne parvient pas à leur faire honneur ("Sur le Cul"). La faute à une orchestration synthétique qui manquait cruellement de mordant et qui n’a pas su servir les titres du chanteur. D’ailleurs, les seuls moments de grâce du concert ont été ceux où Belin était seul à la guitare et où l’on retrouvait la magie de à sa voix de conteur.
Ce qui nous a surtout fait mal ce mercredi, c’est cette impression que Bertrand Belin ne se rendait pas bien compte de la place de certaines de ses chansons dans nos vies. Alors, en se drapant d'une légèreté teintée de suffisance, en éludant "Hypernuit", "Choses nouvelles" et en gâchant "Oiseau", on s’est senti un peu trahi par ce dandy caustique et poétique qu’on aurait aimé aimer aussi sur scène.
« Il n'est pas de hasard, il est des rendez-vous » chantait Daho et ce 7 décembre s’avère un rendez-vous raté pour les amateurs·ices bruxellois·es de chanson française. Ceux·lles-ci se consoleront toutefois avec la masterclass de Juliette Armanet assurée 48 heures plus tôt à l’Ancienne Belgique lors de laquelle la Parisienne à coup de poses hallydéennes, de tremolos sansoniens, de tenues pailletées (trois différentes s’il vous plait), d’un "Rouge aux joues" d’anthologie avec David Numwami et d’un crowdsurfing final improvisé a éclaboussé l’assemblée de sa ferveur et de son talent. Juliette 1, Bertrand 0. On attend le match retour avec impatience.