Beak>
Épicerie Moderne, Feyzin, le 15 novembre 2024
De l’eau dans le (shoe)gaz
À l’ère des Dj sets qui font disparaître les artistes et du revival des rockeurs·euses aux yeux cernés de mèches, on ne peut pas dire que le show proposé par Beak> se fonde dans le décor. Et quand le trop-plein de premier degré des artistes plonge le public dans l’obscurité, la présence humaine de Geoff Barrow, Billy Fuller et Will Young illumine leur musique d’une vraie sincérité.
Entre (presque) chaque morceau, le trio lance un dialogue avec le public : pour chier sur le Brexit, pour chier sur les compteurs de décibels sur le continent, mais aussi pour vanter l’accueil, l’ambiance et la qualité indéniable de cette chouette salle de l’Épicerie Moderne – qui parvient à faire déplacer plusieurs centaines de personnes à Feyzin chaque week-end. Lorsque Will Young rate son entrée en partant sur un autre morceau, c’est Billy Fuller qui invite le public à le siffler et Geoff Barrow qui semble prêt à faire des gros doigts d’honneur à toute la salle.
Une ambiance à l’anglaise, qui donne l’impression d’assister à Black Books : The Musical. C’est cette même ambiance qui laisse supposer le dynamisme d’un type comme Barrow, membre fondateur de Portishead, leader de Beak>, et bientôt...parti.
La der’ des der’
Si on n’a pas plus d’infos que ça sur le départ de Geoff Barrow, c’est pourtant la triste vérité, comme on vous l’annonçait cet été. Après le départ de Matt Williams en 2016 au moment de la bande originale de Couple In A Hole, c’est l’irremplaçable batteur et chanteur qui va suivre d’autres chemins, pourquoi pas en solo pour un véritable album, après un paquet de bandes originales ces dernières années (Civil War, Devs, etc). Avec le show à Tourcoing, le passage de Beak> à Lyon aura donc été la dernière chance pour le public français de voir le (bientôt) légendaire trio britannique.
Du neuf avec du neuf
Et musicalement, on n’a pas été déçu : comme on vous l’écrivait dans notre chronique au printemps, Beak> est à son apogée. Douce, subtile, surprenante, la musique tirée de >>>> est d’une finesse inégalée. L’ouverture du concert sur « Strawberry Line » rappelle qu’en plus de savoir faire une entrée, Barrow, Fuller et Young sont des génies de la boucle. Chaque couche successive empile les bonnes idées, la technique, et fait de cet album bien plus jazzy une machine à samples. Entre « The Seal », « Secrets », et d’autres, on a eu droit à une bonne partie du dernier album, avant de replonger une dernière fois dans les premières années du groupe.
Quelle classe de pouvoir passer avec tant d’aisance d’une masterclass de trip-hop et de folk à des bangers pris en sandwich entre le kraut et du vrai gros rock. « Sex Machine », « Allé Sauvage », etc : Beak> n’a pas cherché ailleurs que dans ses plus gros hits pour satisfaire un public conquis par le spectacle. Et, revenant plus de douze ans en arrière, de terminer avec un énorme « Wulfstan II », témoignage de la puissance créatrice qui anime les membres passés et présents d’un groupe immortel.