Beach House
Hard Club, Porto, le 19 mars 2013
C’est à un curieux phénomène que nous avons assisté durant ce concert de Beach House, d’une certaine manière à l’image de la carrière du groupe, que l’on pourrait résumer par le terme métamorphose.
Deux trois mots tout d’abord sur la salle, située en plein centre historique de Porto. Le Hard Club est aménagé dans l’ancienne halle couverte Ferreira Borges de style Art Déco avec piliers et façade en métal rouge et fenêtres à arcades. Une salle très agréable, de taille idéale (si vous êtes au fond vous y voyez quand même correctement), très bien sonorisée, tout en longueur avec un sympathique bar prenant tout le côté gauche. Le lieu accueille également un très bon café-resto à l’étage, des concerts donc, mais aussi du spectacle vivant, des expos et diverses activités socio-culturelles. Un vrai lieu culturel en somme, vivant et très actif tout comme la ville, toujours aussi délicieuse à découvrir ou redécouvrir. Une très belle réhabilitation également, preuve s’il en est que des salles de concert peuvent exister en centre ville.
Un petit mot également sur la première partie assurée par Marques Toliver. Pour le moins étonnant et atypique, imaginez plutôt : un grand black à dreads, sapé comme un zazou des années 40 débarque sur scène avec un violon et enregistre des boucles entre musique minimaliste et baroque sur lesquelles il lance une voix puissante et typiquement R’n’B. On ne vous cache pas que niveau textes, il va falloir que le gars sorte un peu du « I love you baby, I need you tonight, you make me so hot, I want you right naaaaoooow », qui rabaisse foncièrement le niveau musical, mais sinon, voilà une découverte surprenante et rafraîchissante.
Viennent donc ensuite mes héros de 2012 (avec les Chromatics), qu’il nous tardait depuis bien longtemps de voir. Décor sobre, juste quelques cadres métalliques sur lesquels sont tendus de de simples filins et qui permettront de bien jolis jeux de lumières durant le set. La métamorphose dont on vous parlait tout à l’heure tient en fait essentiellement à la belle et terriblement intrigante Victoria Legrand. Le concert démarre ainsi assez froidement avec « Wild ». Les morceaux sont très bien joués, mais très fidèlement et la chanteuse ne se dépare pas d’une attitude très réservée et hiératique. De plus, le groupe ne communique pas entre les chansons. Après quatre ou cinq titres arrive un des morceaux les plus beaux, intenses et sensuels du groupe, le superbe « Silver Soul ». Et là on sait d’emblée qu’on va vivre une de ces puissantes décharges d’adrénaline et d’émotion que seul un bon concert peut en procurer.
C’est là que l’attitude de Victoria change, pour devenir nettement plus expressive, fascinante; entre l’aigle et le félin. Impression décuplée par la parfaite maîtrise vocale de la demoiselle. C’est d’ailleurs par sa voix que le groupe prend le plus de libertés avec l’interprétation, le tout soutenu par le jeu précis, très stylisé et recherché d’Alex Scally, grand au sens propre comme au figuré. Daniel Franz, tout en finesse, montre quant à lui qu’un batteur peut être intelligent, en privilégiant avec abnégation la qualité du morceau à la frappe ou la démonstration technique.
Les principaux classiques du groupe tirés de Teen Dream et de Bloom seront joués, tels « Zebra », « Lover Of Mine », « Walk In The Park », « Lazuli », « Wild », avec des mentions spéciales aux superbes versions de « Silver Soul » donc, « Take Care », « Wishes », « Myth », « New Year » et « Irene », pour en rappel où le mirifique crescendo de cette dernière frise l’explosion volcanique. On en veut encore, mais on sait que ça serait gâcher que de revenir après une telle fin. On attendra donc plutôt de pouvoir recroiser la route de ce qui est bel et bien devenu un des groupes incontournables de ces dernières années.