Concert

Arid

Paris, Nouveau Casino, le 11 mars 2009
par Splinter, le 18 mars 2009

Si vous demandez à un Français de vous dresser une liste de groupe belges issus de la scène indépendante actuelle dont il a connaissance, il y a fort à parier qu'il vous citera des noms comme dEUS, Ghinzu, Girls in Hawaii, voire Sharko, mais probablement pas Arid. Bien que fondé depuis une bonne dizaine d'années maintenant, le groupe de Jasper Steverlinck n'a jamais vraiment percé en France – mais beaucoup plus en Belgique où la formation originaire de Gand, en Flandre, connaît un joli succès. On ne pourra cependant pas retirer à ce groupe d'être à l'origine d'albums honnêtes, trois à ce jour, et d'avoir composé une poignée de morceaux vraiment agréables, dans un registre pop rock tout ce qu'il y a de plus sympathique.

Surtout, la petite réputation dont bénéficie Arid est due à l'étonnante voix de Steverlinck, souvent et un peu facilement comparée à celle de feu Jeff Buckley, même si en réalité sa tessiture est bien plus proche de celle d'un autre chanteur décédé, en l'occurrence l'immense Freddie Mercury, ce qu'il a pu démontrer sans effort dans le passé par le biais d'une reprise de la fameuse chanson « Killer Queen » sur la face B d'un single, ou même encore ce soir sur la scène du Nouveau Casino à Paris, où le groupe se produisait pour un retour en France après de longues années d'absence (sept ou huit selon le chanteur, qui ne se souvenait plus bien lui non plus).

Après la sortie d'All Things Come in Wave en 2008, sans beaucoup de retentissement, cette unique date française ne donnait pas tout à fait l'impression d'avoir été prévue pour soutenir des ventes que l'on imagine très médiocres, le groupe ne passant de toute façon pas à la radio et n'étant connu que grâce à un bouche à oreille assez favorable, mais plutôt pour faire plaisir à un public parisien amateur des jolies mélodies du groupe et de la voix, donc, du chanteur. Ayant, on l'avoue, plutôt bien aimé cet album malgré quelques faiblesses d'écriture, nous n'allions pas bouder notre plaisir de découvrir sur scène ce groupe découvert dès 2002 avec son joli premier effort, Little Things of Venom.

Surprise, Steverlinck, qui parle assez bien français, égrène les titres à venir en les présentant souvent comme « le premier tube de notre premier album » ou « le dernier tube de notre dernier album », ce qui peut prêter à sourire compte tenu du fait que les chansons en question sont, certes plutôt réussies, comme « Why Do You Run » sur le dernier album ou encore « Too Late Tonight » sur le premier, mais certainement pas des « tubes » au sens où on l'entend normalement, c'est-à-dire des morceaux qui auraient connu une adhésion populaire manifeste. L'explication à ce qui pourrait passer pour un manque de modestie assez caractérisé du chanteur, qui n'hésite pas, au demeurant, à prendre sur scène des poses de la star qu'il n'est pas, réside en réalité dans un contre-sens, une approximation linguistique, puisque, vers la fin du concert, il annoncera dans un bel exemple de franglais « our latest single, ou tube, enfin, je ne sais pas ». Eh oui, pour Arid, un « single » est un « tube », ce qui pourrait, de prime abord, laisser à penser que le groupe a connu énormément de succès ou bien qu'il penserait en avoir - ce qui, dans les deux cas, paraît plutôt infondé.

Ne nous moquons pas outre mesure de ce groupe qui n'existe visiblement que par le biais de son chanteur et leader, les autres membres étant aussi transparents que professionnels dans leur interprétation. Emaillé donc de jolies chansons comme « At the Close of Everyday », « When It's Over It's Over », « Words » ou encore « Tied Hands », ainsi que de deux reprises dont « Life on Mars » de Bowie, le show s'est révélé plutôt efficace, si l'on excepte les titres issus du deuxième album, qui n'a jamais convaincu le rédacteur de ces lignes, pas plus, au demeurant, qu'un public belge resté massivement indifférent à son écoute. Consensuel et inoffensif, Arid est un groupe sans doute plus respectable que les pathétiques Starsailor. Son chanteur avait en tout état de cause la volonté de contenter un public assez clairsemé, pour ne pas dire relativement désertique, un comble lorsque l'on s'appelle... Arid. Il y est parvenu.

C'est ainsi que dans une ambiance particulièrement chaleureuse due à la fois aux conditions du Nouveau Casino (une véritable boîte en métal, extrêmement confinée, sans aération apparente) et à la ferveur des trois premiers rangs (composée notamment d'un individu à l'allure très extatique, visiblement habité par les paroles pourtant un peu cucul de Steverlinck), le groupe a produit un set de qualité qui, de toute évidence, n'aura pas fait changer d'avis les nombreux sceptiques, mais aura plu à la plupart des gens présents. On pourra toutefois regretter le son exagérément élevé, par la faute en particulier du chanteur, qui n'a pas cessé de demander à son ingénieur d'augmenter son micro, alors que, disposant d'une voix puissante, il n'en avait certainement pas besoin. L'énorme bruit sortant des enceintes, à rebours de la sensibilité de la plupart des titres, m'aura fait reculer en fond de salle où, fatalement, l'ambiance était moins bonne mais la musique bien plus appréciable. Perdre ses oreilles à un concert de Radiohead, d'accord, mais pour Arid, non merci.