Zii & Zie
Caetano Veloso
Il ne vieillira donc jamais, Caetano. À 66 ans il est encore printanier comme à ses plus beaux jours. Bientôt un demi-siècle de musique et toujours la même fraîcheur chez lui, toujours l'absence de lassitude chez nous. S'il n'est peut-être pas l'artiste le plus intrinsèquement doué de sa génération (on pense par exemple à Tom Zé ou Milton Nascimento), il est en revanche – et de loin – le plus intéressant et intelligent. Formidablement engagé sur le plan politique (on est tropicaliste ou on ne l'est pas), Veloso a imprimé la même conviction militante à ses plans de carrière. Toujours en crise et donc toujours en changement, il est encore capable, au bout de 40 albums, de nous prendre à revers et de nous mettre à genoux.
Cê était sorti il y a deux ans en ne convainquant qu'à moitié : finie la langoureuse bossa-pop aux contours symphoniques, Caetano revenait au rock et à l'énergie des débuts. Un peu trop juvénile, trop vert pour ainsi dire, il n'avait malheureusement pas rallié beaucoup de fans derrière lui. Avec Zii & Zie l'ambition est la même, intacte. Il y a juste des tours de terrain en plus dans les jambes. Voilà la classe et la sérénité du grand Monsieur : pas blousé par son dernier échec, il en a plutôt tiré les conséquences pour accomplir ce qu'il n'avait pas réalisé deux ans plus tôt. La sagesse de ne pas renoncer trop facilement.
Zii & Zie est donc un album épatant. Un disque sec et révolté quand il le faut ("Base de Guantánamo"), tendre et charmeur le reste du temps. On retiendra les très beaux "Sem Cais" et "Lapa" pour la voix renversante de Caetano. Ou dans un genre très différent "Incompatibilidade de Gênios", bossa électrisée qui finit sous une pluie de guitares abstraites, magnifiques d'audace et d'hypnotisme.
Oui Caetano Veloso est toujours là, pour longtemps, histoire d'ajouter encore des chapitres à une biographie déjà dense comme celle de Bowie. Un Bowie de sable fin, finalement.