Yours Truly, The Commuter
Jason Lytle
Trois années se sont écoulées depuis la séparation de Grandaddy un triste matin de janvier 2006. Trois années pendant lesquelles, assez bizarrement, la disparition de ce groupe pourtant majeur de la scène américaine ne nous a guère affectés. La faute sans doute à une mauvaise impression laissée à la dernière minute sous la forme de Just Like The Fambly Cat, un disque laid, creux et simplement indigne des barbus de Modesto (à l’exception du formidable "This Is How It Always Starts", au titre parfaitement ironique). Au lieu de nous faire regretter ce groupe tant aimé du temps de The Sophtware Slump et Sumday, deux albums aussi indispensables aujourd’hui qu’hier, ce chant du cygne discographique aura surtout permis aux fans de tourner la page Grandaddy très vite. Trop vite peut-être.
Car si l’idée de retrouver Jason Lytle en solo était intrigante à défaut d’être excitante, la première rencontre avec Yours Truly, The Commuter est purement dévastatrice de nostalgie. Cette voix, ces claviers, ces thèmes, cette ambiance, tout renvoie l’auditeur aux plus belles heures de 1998, quand "A.M. 180" débarquait sans crier garde sur les radios étudiantes et Under The Western Freeway devenait la bande-son de notre été, aux côtés du Moon Safari de Air et du XO d’Elliott Smith. Le constat n’est guère surprenant lorsque l’on sait que le père Jason était le compositeur principal de Grandaddy, mais ses derniers faits d’armes étaient tellement piteux qu'on ne l'imaginait plus capable d'écrire des merveilles.
Et pourtant, des merveilles, il y en a sur ce premier effort solo, à commencer par ces cinq premiers titres exemplaires, reprenant avec succès la recette appliquée jusqu’à Sumday, ce mélange de folk lo-fi et de pop aérienne où guitares et moog se partagent le haut de l’affiche. Malgré une impression de déjà vu et de déjà entendu, le charme opère instantanément et si la sixième piste, le vilain "It’s The Weekend", vient nous rappeler que décidément le rock bas de front n’est pas le domaine de prédilection de Jason Lytle, dès le morceau suivant, le disque repart sur de bonnes bases, plus soyeuses, presque molletonnées. La fin du disque est d’ailleurs comme un doux rêve, un enchaînement de titres délicats dont l’apothéose est "Here For Good", une confession pleine d’optimisme qui pourrait presque devenir le leitmotiv de la carrière solo de l’ex-barbu.
Alors, de retour pour de bon le Jason ? Pour l’instant, malgré quelques faiblesses et un singulier manque de folie, on veut y croire…