You Can Do Anything
The Zutons
Souvent comparés à The Coral, dont ils ont successivement partagé la ville d'origine, Liverpool, le label, Deltasonic, le producteur, Ian Broudie, ainsi que l'orientation musicale, un patchwork neo-fifties, The Zutons ont malheureusement vécu jusqu'ici un peu dans l'ombre de leurs petits copains de récré, malgré deux albums de très bonne tenue, d'abord Who Killed… The Zutons?, en 2004, puis Tired of Hanging Around, en 2006, loin d'ailleurs de la prolixité de The Coral qui, pour leur part, ont sorti pas moins de cinq opus en seulement six ans. Ce nouvel album, You Can Do Anything, sera-t-il celui de la consécration pour Dave McCabe et sa bande, qui pourraient ainsi prouver au monde qu'eux aussi sont capables de tout ? Rien n'est moins sûr.
Il faut dire à cet égard que The Coral n'a jamais aidé ses compatriotes en ce sens, puisque le groupe est toujours parvenu à se transcender et à sortir des galettes impeccables, jusqu'à la dernière, Roots & Echoes, en 2007, témoignant d'une véritable progression, tandis que The Zutons ont donné l'impression d'avoir tout donné dès le départ, ce que l'assistance de Stephen Street (Blur, Kaiser Chiefs) sur leur second album n'avait pas permis de dissiper. C'est donc cette fois-ci avec l'aide du producteur gréco-américain George Drakoulias qu'ils tentent aujourd'hui de donner un nouveau souffle à leur carrière, après notamment le départ du guitariste Boyan Chowdhury en 2007 pour "divergences musicales", grâce à un son manifestement durci. Il faut dire que l'homme est connu pour avoir produit, il y a quelques années, des albums de Primal Scream et de The Jayhawks, du dernier Madrugada, ainsi que quelques morceaux de Kula Shaker. Kula Shaker, dont l'influence sur les Zutons est d'ailleurs assez notable. La boucle est bouclée.
Le morceau d'ouverture, "Harder and Harder", témoigne ainsi d'un changement de direction évident et plutôt réussi, grâce à un son beaucoup plus lourd et tendu, loin de la parodie de rockabilly qui a fait la réputation des Zutons, ce que démontre également "Family of Leeches" un peu plus tard. Cependant, il ne s'agit que d'une fausse alerte, car, que les fans se rassurent, l'album lui-même n'est pas foncièrement de différent des deux précédents : toujours aussi mélodieux et immédiat, inspiré par le rock à papa ("What's Your Problem", excellent single, "Always Right Behind You"), le son des Zutons reste de bonne qualité, d'abord grâce au chant impeccable de McCabe, souvent assisté de la saxophoniste Abi Harding, ainsi qu'à l'efficacité évidente des autres musiciens, qui connaissent leur métier, comme sur "You Can Make the Four Walls Cry", plutôt enthousiasmante.
On ne peut toutefois s'empêcher de regretter de ne pas retrouver ici de morceaux franchement géniaux, du calibre de "Valerie", sur le précédent album, ou du fameux diptyque "Zutons Fever" et "Pressure Point" sur le premier. The Zutons seraient-ils donc en train de sombrer dans l'anonymat, à l'image de la pochette du disque, qui n'est plus inspirée par le délire rétro des deux précédents ? L'inspiration... C'est sans doute ce qu'il manque dorénavant au groupe. Et ça, le changement de producteur n'y pourra pas grand-chose. C'est là que la comparaison avec The Coral prend tout son sens : alors que, d'un côté, nous avons un groupe prolifique mais qui progresse, de l'autre, nous avons une formation qui vivote sur ses acquis. Ce You Can Do Anything est un bon disque malgré tout, pas désagréable, mais qui témoigne donc encore une fois, malheureusement, d'un niveau en baisse depuis ses deux grands frères, quand on aurait bien aimé que McCabe nous montre qu'il pouvait effectivement tout faire, c'est-à-dire, entre autres, sortir un disque brillant. La dernière chanson, avec ses "goodbye" à répétition, semble en tout cas nous dire que c'en est fini des Zutons.