Yes Lawd!

NxWorries

Stones Throw – 2016
par Aurélien, le 21 novembre 2016
7

Ceux qui le suivent depuis longtemps vous le diront : Breezy Lovejoy est à la fois un miraculé et un miracle de la musique urbaine.

Un miraculé d'abord, car il a été sauvé des rues par Shafiq Husayn, l'homme à tout faire de la clique Sa-Ra Creative Partners ; puis ensuite par Dr. Dre qui lui a offert l'an dernier un second rôle important sur son ultime superproduction, le très chouette Compton. Un miracle ensuite, parce qu'aujourd'hui il marche sur l'eau, tant sur ses productions en solo que lors de ses apparitions remarquées et remarquables chez des gens comme Kaytanada, Domo Genesis, Mac Miller et même Macklemore. Cette renaissance, elle le poussera même à changer son nom de scène : aujourd'hui, ne l'appelez plus Breezy, surtout que ce pseudonyme a été récupéré par un loser de première. Non, dites plutôt Anderson .Paak. Ou, si vous voulez lui faire plaisir, Monsieur 2016, car le mec a usiné plus de refrains et de couplets inoubliables que n'importe qui d'autre cette année.

Il lui en restait pourtant un peu sous le pied, à l'animal. En dépit de sa trentaine tout juste entamée et même avec déjà un album au compteur cette année, on a le sentiment que la dizaine d'années qui a précédé son explosion n'a absolument pas nui à son processus créatif. C'est même le contraire : cette année, l'Américain semble avoir vécu une espèce d'adolescence artistique. Un créneau qui l'appelait, naturellement, à vouloir jouer le maquereau de ses dames tout au long d'un projet plus décomplexé. Pour ce faire, il a frappé à la bonne porte : celle du producteur Knxwledge avec qui il a sorti un EP l'an dernier et qui s'est depuis attiré les faveurs d'Earl Sweatshirt et Kendrick Lamar. Mais ça, ce sont d'autres histoires qui nous éloignent de ce qui nous intéresse réellement ici : le produit de cette bromance, sous la bannière NxWorries.

Car Yes Lawd!, c'est un peu le meilleur de deux mondes, un peu comme si Nate Dogg s'était invité chez Madvillain. Côté micro, on y parle de fion et d'amour (avec un ratio de 70/30) tandis que côté machines, on court après la boucle parfaite. Une aire de jeu qui, pour .Paak, tranche avec l'écriture aérée de sa discographie en solo : ici, l'exercice ressemble à un beat 'em all assez éloigné de sa zone de confort. On le sent dans un combat de tous les instants, où il lui faut prendre en permanence le dessus sur les boucles de son collègue. Un exercice de style qui l'oblige à s'improviser un espace d'écriture au beau milieu de boucles qui s'étalent rarement sur plus de trois minutes de musique et qui font de Yes Lawd! un disque rythmé comme une partie nerveuse de Streets Of Rage

Alors certes, ce premier disque de NxWorries est comme ces nombreux albums ayant le sample comme base musicale : on a parfois le sentiment d'avoir affaire à un disque très limité musicalement parlant. Pourtant, Yes Lawd! réussit l'exploit de sublimer les multiples personnalités d'Anderson .Paak. Il s'éclate vraiment à chanter et à rapper sur les beats de son collègue et ce plaisir est forcément contagieux à l'écoute. Mais ce qu'il en ressort surtout, c'est la formidable habilité qu'a le Californien à s'accommoder des contraintes, quel que soit l'interlocuteur ou le sample. Car c'est un fait : cet exercice de style risque, assez globalement, de rebuter ceux qui ont découvert le bonhomme avec ses titres les plus sucrés de Malibu ou Venice. Ce qui n'empêchera pas les autres, eux, d'apprécier ce versant plus soulful du bonhomme - d'autant que ce disque fait office de rabe forcément bienvenu de la part d'un mec qui enchaîne les sans-faute depuis deux ans.