X&Y
Coldplay
Voici l’album que l’on présente comme le plus attendu de l’année. Il s’agit en effet objectivement de LA grosse sortie rayon pop britannique de 2005, amenée à éclipser bon nombre d’autres galettes chez les disquaires, d’ailleurs encombrés de stocks à en perdre la tête et de PLVs à la gloire de Chris Martin et de sa petite bande. Clairement, EMI a mis le paquet pour ce X&Y, qui, très logiquement, s’est retrouvé immédiatement en tête de tous les charts en Europe. Et ce n’est sans doute pas fini.
Il faut dire que plusieurs retards ont mis à rude épreuve les nerfs des fans et ceux des actionnaires de EMI, qui s’imaginaient que les quatre gus de Coldplay allaient un peu opportunément donner rapidement un successeur au megasuccès de 2002, A Rush of Blood to the Head, présent aux premières places du classement Billboard depuis plus de 140 semaines. Mais les intéressés voulaient au contraire éviter toute précipitation. Entre-temps, le chanteur est devenu un people, a épousé une belle actrice, a eu un bébé. Tout a pris des proportions énormes qui dépassent sans doute chacun des membres du groupe. Conscients du challenge, ces derniers ont passé des centaines d'heures à composer plusieurs de dizaines de morceaux, les ont réenregistrés à maintes et maintes reprises pour enfin obtenir 13 titres leur donnant totale satisfaction.
Le problème, dans ce genre de cas, c’est que l’attente crée une frustration énorme qui, nécessairement, ne peut être que difficilement comblée. En clair, Coldplay n’avait pas le droit à l’erreur avec ce disque, et en bon pessimiste que l’on est, on s’attendait (un peu) à être (beaucoup) déçu. C’est donc avec une certaine circonspection que l’on a mis le disque dans la platine pour la première fois et que l’on s’est posé un peu innocemment la fameuse question : X&Y, album parfait ? Comme si la réponse pouvait apparaître si rapidement.
Première erreur. Ce disque est en fait assez semblable à Parachutes, le premier album de Coldplay, sorti en 2000, en ce sens qu'aux premières écoutes, on a un peu l’impression que tous les morceaux se ressemblent, qu’aucun ne surnage tout à fait. Un disque agréable, certes, mais pas franchement marquant, une collection platounette de morceaux aériens, sans refrain entêtant, dominée par la voix toujours gracile et maniérée (passablement énervante aussi) de Chris Paltrow.
En somme, après deux albums assez identiques, on se trouve devant un nouveau Coldplay pur beurre, qui creuse encore le même sillon, sans audace, sans aucune surprise, à tel point qu’on en vient très rapidement à se demander si c’est bien ça, le gros album de 2005, si c’est bien ce qu’on a attendu si longtemps. Et on se demande si on ne s’est pas un peu foutu de nous !
Seconde erreur. X&Y a quelque chose d’insidieux qui donne inconsciemment envie d’y revenir encore et encore. Et ce sont ces multiples écoutes qui font peu à peu disparaître cette désagréable sensation de platitude, qui amènent l’auditeur à se souvenir d’une chose : Coldplay n’est ni Kaiser Chiefs ni Franz Ferdinand, et leur pop propre sur elle nécessite de la patience pour être en mesure de capturer l’excellence des mélodies, la délicatesse des arrangements et – finalement – la diversité des compositions.
Ainsi, l’album recèle bon nombre de pépites popeuses, du genre romantique qui plaît beaucoup aux filles (« Fix You », « A Message », wouhouhou de série), (et puis Chris Martin est si beau et qu’est-ce qu’il est doué…), mais aussi rock rebelle (des bacs à sable) (« Square One », « The Hardest Part », « Talk », globalement dominées par les guitares) qui plaît aux garçons.
Et plus on se plonge dans ce disque, plus on découvre les petites prises de risque de Coldplay, qui convoque bien plus qu’avant les claviers, pour donner par exemple de temps en temps dans la pop 80s (fameux sample de Kraftwerk sur « Talk »), et qui n’hésite pas à déstructurer ses morceaux (« Twisted Logic », sommet de l’album).
Globalement, voici donc un album très consensuel, voué au succès. C’est précisément ce genre de chose qui défrise tous ceux qui estiment que le rock appartient aux échevelés, aux suicidaires, aux adeptes du no future, à ceux qui brûlent leur vie par les deux bouts et qui vendent des disques à deux pelés et trois tondus. Et ben non. On peut aimer la glace à la pistache, soutenir Amnesty International, vendre des palettes de disques dans le monde entier et être parfaitement rock’n’roll dans la tête. C’est ce que prouve Coldplay aujourd’hui, avec cet album particulièrement maîtrisé, peaufiné, qui peut sentir un peu le plastique par moments, mais, pour être cérébral, n’en est pas moins également passionnant.