Wounded Rhymes
Lykke Li
Saloperie de suédoise. C’est long, c’est blond, avec d’immenses yeux humides qui susurrent "je l’ai pas fait exprès". A croire qu’il s’agit d’une machiavélique conspiration extraterrestre dont le but est d’inciter les femmes sous-équipées à se mettre sévèrement sur la gueule jusqu’à anéantir l’espèce. En plus, elles chantent, ces girafes nordiques. Lykke Li fait donc partie de ces androïdes femelles qui s’autorisent à coupler leur physique avantageux à un certain talent de songwriter. Ensuite, il ne leurs manque plus qu’un bon maître d’œuvre, incarné ici par Bjorn Yttling, le Bjorn de Peter Bjorn And John, déjà aux manettes de Youth Novels et qui n’est pas connu pour faire de la besogne de souillon.
Pour cette deuxième tentative, voici que notre Lykke en a eu assez de délivrer son message à travers d’inaudibles chuchotements – d’une sensualité troublante pour certains, source d’exaspération profonde pour les autres - et monte le volume d’un cran. Nous découvrons soudain une voix d’une puissance saisissante une fois provoquée par une grosse caisse qui n’apprécie guère les rivales. Et la belle de poursuivre sa mutation… L’ingénue qui donnait perpétuellement l’impression de s’excuser s’approprie désormais le rythme comme s’il s’agissait du dernier moment d’extase avant de se jeter d’une falaise. Les mélodies ont du panache sans avoir l’air de tapiner tandis que les arrangements taillent des cure-dents dans un bloc de marbre. Son électro-pop rigide a pris des couleurs et de la consistance, enfilant tour à tour les bottes d’un blues déchirant ("Unrequited Love") ou le masque d’une parade tribale ("Get Some"). Et tant qu’on y est, pourquoi ne pas tenter la ballade ténébreuse ("Rich Kids Blues")…
Survivant à une évolution radicale, Wounded Rhymes est donc un bel exemple de pop sophistiquée et sans concession. Et la petite a beau avoir l’air de se lamenter sur la plupart des titres, on ne peut s’empêcher d’y prendre du plaisir.