World Eater
Blanck Mass
Benjamin John Power pourrait mettre un imperméable et un chapeau, ça resterait extrêmement compliqué pour lui de cacher qu'il est la moitié de Fuck Buttons. En duo avec Andrew Hung ou en solo avec Blanck Mass, l'objectif poursuivi par l'artiste de Bristol reste le même : construire un mur massif de sonorités électroniques. Et si on ne se fiait qu'aux sonorités, on pourrait s'y tromper tant elles sont similaires dans les deux projets. C'est plutôt dans la structure des morceaux qu'il faut aller chercher les différences entre Blanck Mass et Fuck Buttons. Là où le duo construit patiemment ses morceaux, BJP est plutôt comme un jeune puceau pour sa première baise : il envoie tout trop vite. C'est pas forcément désagréable, c'est plutôt que ça manque de finesse.
Troisième album de Blanck Mass, World Eater est surtout le deuxième à sortir chez Sacred Bones Records. Affirmant son intérêt pour les ambiances industrielles mais sophistiquées, le label américain a trouvé en Ben Power un fier représentant de son esthétique. En 7 titres, l'album fait preuve de ce qu'on qualifierait de "sereine brutalité". L'intensité des pistes crée une tension qui traverse tout l'album. Mais le véritable fil rouge, celui qui nous aurait fait mettre une note plus élevée à World Eater, on ne l'a jamais trouvé. Et c'est peut-être ce qui nous frustre le plus car, pris individuellement, chaque titre tient la route. Ce qui ne fait que renforcer l'impression qu'on avait déjà eu à l'écoute des albums Dumb Flesh et de Blanck Mass. Et si World Eater n'était qu'une clé de compréhension pour mieux cerner le travail de Fuck Buttons ?
Bien entendu, ce raccourci est un peu énorme et dire cela, ce serait ignorer le travail fourni sur des morceaux comme "Please", "The Rat", ou "Minnesota / Eas Fors / Naked" qui prouvent que lorsque la bestiole montre les dents, elle domine son sujet. La comparaison qui lui fait du tort, elle vient plutôt de morceaux comme "Rhesus Negative" ou "Silent Treatment". Là où Fuck Buttons prend de la hauteur grâce à des compositions massives mais efficaces, Blanck Mass donne dans la fuite en avant. Et l'empressement et le manque de subtilité impactent alors terriblement le rendu final. À contrario, ces échappées peuvent aussi donner à World Eater un aspect plus expérimental, voir imprévisible, qu'on ne trouvait pas sur les albums précédents. Qui l'emporte donc ? Honnêtement, on n'en a pas la moindre idée et on s'en fout un peu car le projet reste vraiment ambitieux et de qualité.
Force est de constater qu'il y a quand même un pas qu'on a encore du mal à franchir au sein de la rédaction de Goûte Mes Disques. On se rend compte, et vous l'aurez sans doute remarqué, qu'il est impossible de parler de Blanck Mass sans s'orienter vers "c'est vraiment du solide mais c'est pas Fuck Buttons". En même temps, on se rend compte du peu d'importance que peut avoir ce genre de débat puisque, si le produit est de qualité, la polémique devient vite stérile.